La Dépêche du français

 

n° 1

10 juin 2002

 

Le consommateur encore victime

La loi Toubon menacée

 

Mme Catherine TASCA, ministre de la Culture et de la Communication, Mme Florence PARLY, secrétaire d’État au Budget, M. François PATRIAT, secrétaire d’État aux Petites et Moyennes Entreprise, au Commerce, à l’Artisanat et à la Consommation, ont signé une circulaire le 20 septembre 2001, concernant l’application de l’article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

Elle se justifierait par de récentes décisions de la Cour de justice des Communautés européennes et précise que « […] l’article 2 de la loi ne fait pas obstacle à la possibilité d’utiliser d’autres moyens d’information du consommateur, tels que dessins, symboles ou pictogrammes. Ceux-ci peuvent être accompagnés de mentions en langue étrangère non traduites en français, dès lors que les dessins, symboles ou pictogrammes et les mentions sont soit équivalents, soit complémentaires, sous réserve qu’ils ne soient pas de nature à induire en erreur le consommateur. »

Certes, les pictogrammes ne sont pas nouveaux et ont prouvé leur utilité. Mais cette circulaire, autorisant leur généralisation, permet de contourner l’obligation de traduction contenue dans les législations nationales. Il faut s’attendre à ce que les langues nationales autres que l’anglais disparaissent dans l’essentiel de l’information donnée aux consommateurs en France et dans les autres pays d’Europe. Les observateurs des pratiques commerciales savent bien en quelle langue seront rédigées « les mentions en langue étrangère non traduites en français ». Cette circulaire – mauvais coup porté au respect du consommateur, au plurilinguisme et au français – cède aux groupes marchands internationaux qui agissent au sein des institutions européennes pour la standardisation des produits et des services ; elle ouvre de nouveaux boulevards à l’hégémonie de la langue anglaise.

 

« Défense de la langue française » et les autres associations en faveur du français sont donc décidées à obtenir l’abrogation de cette circulaire, qui fit déjà l’objet d’une question écrite du député Jacques MYARD le 10 décembre 2001.

Une manifestation a réuni 150 personnes le 8 mars 2002 sur la place du Palais-Royal et a permis à une délégation d’exprimer le point de vue des associations aux autorités du ministère de la Culture chargées de la langue française. Une pétition circule, les associations de consommateurs et les parlementaires sont alertés.

Une première lettre de recours gracieux a été envoyée à Mme Catherine TASCA, ministre de la Culture et de la Communication, par l’association Avenir de la langue française (A.L.F.).

Cette lettre n’ayant pas reçu de réponse, le Conseil d’État a été saisi en annulation le 28 mars 2002.

 

L’association « Défense de la langue française » appelle d’ores et déjà les médias à faire connaître cette circulaire dans les termes qui leur semblent appropriés, et le grand public à refuser d’acheter les produits dont l’emballage comporte des indications en langue étrangère, non traduites.

 

Romain Vaissermann

dlfcommunication@yahoo.fr


 

 

Textes à l’appui : circulaire du 20 septembre 2001 concernant l’application de l’article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française

 

 

 

Paris, le 20 septembre 2001.

 

La ministre de la Culture et de la Communication, la secrétaire d'État au Budget, le secrétaire d'État aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation

À

M. le Directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, M. le Directeur général des Douanes et Droits Indirects, Mme la Déléguée générale à la langue française

 

La circulaire du 19 mars 1996 (publiée au Journal officiel de la République française du 20 mars 1996) a fixé un ensemble de recommandations pour l'application de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Depuis lors, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu plusieurs arrêts qui précisent les conditions dans lesquelles les États membres peuvent adopter des mesures relatives à l'utilisation de leurs langues dans les mentions d'étiquetage et dans les modes d'emploi.

Faisant suite à la jurisprudence récente de la Cour, la présente circulaire rappelle que l'article 2 de la loi est applicable lors de la commercialisation en France des biens, produits ou services quelle que soit l'origine de ceux-ci. Ses dispositions ont pour objet d'assurer l'information et la protection du consommateur afin qu'il puisse acheter et utiliser un produit ou bénéficier de services en ayant une parfaite connaissance de leur nature, de leur utilisation et de leurs conditions de garantie.

Elle précise en outre que l'article 2 de la loi ne fait pas obstacle à la possibilité d'utiliser d'autres moyens d'information du consommateur, tels que des dessins, symboles ou pictogrammes. Ceux-ci peuvent être accompagnés de mentions en langue étrangère non traduites en français, dès lors que les dessins, symboles ou pictogrammes et les mentions sont soit équivalents, soit complémentaires, sous réserve qu'ils ne soient pas de nature à induire en erreur le consommateur.

Vous voudrez bien faire part de ces précisions aux services placés sous votre autorité qui ont la charge de veiller à l'application de la loi du 4 août 1994.

Nous envoyons copie de la présente circulaire à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, en lui demandant de bien vouloir en informer les tribunaux. Cette circulaire sera publiée au Journal officiel de la République française.

 

 

La ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Tasca

La secrétaire d'État au Budget, Florence Parly

Le secrétaire d'État aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation, François Patriat

 

 

 

 

 

Sources : J. O., n° 250, 27 octobre 2001, p.16969 ; http://www.adminet.com/jo/20011027/ ; http://www.legifrance.gouv.fr/citoyen/jorf_nor.ow?numjo=MCCG0100589C