Péguy et
Marix, son « frère » juif[1]
« Nous
observons le sabbath, les lois alimentaires, nous croyons à la mission d’Israël ;
Dreyfus, lui, ne comprenait rien en Alsace aux pratiques du Kippour. Puisque
vous êtes franc, je serai franche et n’aurai pas à me faire violence : un
préjugé vous reste : vous ignorez que la morale chrétienne, c’est la
morale juive. »
Gabrielle
Moyse (madame Armand Lipman) à Charles Péguy, le 3 août 1910[2]
« Péguy
et les Juifs », c’est un beau sujet. Il y en eut tant dans son
entourage : des femmes et des hommes, des jeunes et des vieux, des pauvres
et des riches, des abonnés comme cette femme auteur de notre épigraphe – preuve
que Péguy ne faisait pas l’unanimité, même au sein de la communauté juive – et
des contributeurs à sa revue, des amis et une amie… Et puis tant de passages
font l’éloge de l’Ancien Testament, du Juif Jésus, des amis Juifs, tant d’autres
défendent le capitaine Dreyfus, les Israélites – comme on disait alors –
opprimés, l’apport du judaïsme au monde. Et la bibliographie est déjà riche en
la matière, depuis vingt ans. D’ailleurs, beaucoup de Juifs aussi ont lu,
lisent et liront Péguy. Alors la voie était toute tracée vers « Péguy et
les Juifs ».
Mais
justement : à quoi bon encore une étude ? Vulgarisation ne veut pas
dire répétition. Alors j’ai pris le parti de chercher du nouveau. Et mon regard
s’est tourné vers Eddy Marix, grand ami de Péguy, second très grand ami à lui
être enlevé par la mort, après son frère athée Marcel Baudouin – qui apprenait
l’hébreu pour mieux comprendre la Bible[3] – et
dont Péguy épousera la sœur, en redonnant en quelque sorte un beau-fils à la
famille Baudouin, à la place du cher fils disparu.
De ce
Marix que sait-on[4] ?
En répondant à cette question d’ordre biographique, nous allons revenir aux
plus beaux textes de Péguy.
I. – Marix Eddy ?
Précisions d’état-civil
Salomon Edmund (naissance) ou Edmund Salomon (décès)
Marix, soit en français : Edmond Marix. C’est sous ce nom qu’il signe
habituellement ou que La Lanterne[5] annonce une de ses
conférences : « L’Émancipation de Vincennes (Université populaire, 12, avenue des
Charmes). – À 9 h. du soir, conférence par M. Edmond Marix : Fourier, chef de l’Ecole phalanstérienne. »
Mais pour Péguy, c’est Eddy. Et l’intéressé fit à son tour usage de ce
diminutif. C’est ainsi qu’on
trouve parmi les abonnés de province à Vers
et prose, au 31 juillet 1905 : « Ad. Marguerie, libraire (Cherbourg). Eddy Marix
(Chaville). Henri Matisse (Collioures). »[6] et
au 31 octobre 1905 :
« P. Malbrand, libraire
(Rennes). Eddy Marix (Chaville).
Georges Mathis (Juvisy). Henri Matisse (Collioures). »[7]
Son lieu de naissance et son lieu de décès, tragiquement
identiques à 28 ans de distance, le dépeignent rhénan ; Péguy, le
ligérien, a été sensible à ce raccourci[8]. Ses
dates de vie (2 août 1880 – 31 août 1908)
éviteront de le confondre avec
un premier homonyme, Edmond Marix, et
avec le capitaine Marix, qui défraya la chronique à la Belle époque.
Edmond Marix, fabricant
de cravates au 12 rue d’Uzès (75002), né le 13 septembre 1838 (Besançon) et décédé
le 14 octobre 1913 (75009), époux d’Aurélie-Emma
Mayrargues (1848-1917), et domicilié au 22, rue Bergère (75009), était en fait
le frère du capitaine Marix, et
tous deux avaient un lien familial lointain avec Eddy Marix : leurs grands-pères paternels étaient frères.
Revenons sur l’« Affaire Marix », qui rappela parfois aux
contemporains – mais tout à fait à tort – l’Affaire Dreyfus. Capitaine
au 16e régiment d’artillerie, rapporteur près le 1er conseil de guerre de la capitale, Henri
Marix (1851-1916) vivait au 42, rue du Cherche-Midi (75006) et
intervenait pour favoriser des faveurs militaires et des remises de peine.
Protégé et recommandé par un certain nombre de députés, maçon très actif au
Grand Orient et à la Grande Loge de France, il apparaît dans la Presse en 1909 (son arrestation et
sa condamnation à un an d’emprisonnement et à 1000 francs d’amende), 1910 (appel
de Marix), 1911 (confirmation de la condamnation par la cour d’appel de Rouen),
1912 (rejet du pourvoi en cassation).
II. – La
grande famille Marix
Selon
Robert Burac, l’arrière-grand-père d’Eddy Marix – pour revenir à lui – aurait
été « officier-chirurgien aux armées de Napoléon Ier »[9].
Nous n’en avons trouvé nulle part confirmation. Et de quel arrière-grand-père s’agit-il ?
Marix a par sa mère pour arrière-grand-père Salomon Marix, négociant en soieries
et trop jeune pour avoir servi sous Napoléon (1805-1873), et Jacob Lévy (1787,
Marly, Moselle – 1854, Vic-sur-Seille), marchand et non soldat. Il a par son
père pour arrière-grand-père Michel Picard (17.., Metz – disparu sans nouvelles
en 1818), rentier, et Jacques [Jacob] Marix (1763-1830), marchand. Nous n’avons
trouvé trace, en lien avec l’anthroponyme « Marix », que d’un
chirurgien-major au 9e régiment de chasseurs, Robin [Rubens] Hirsch[10]
(1802 – 13 octobre 1844, Toulon), sans lien avec Napoléon et frère de Rose Hirsh,
madame Marix Michel, « maîtresse de pension à Paris »[11]…
En fait, la
famille Marix, celle qui nous intéresse, est célèbre. Ouvrons en effet l’un des
fameux guides Bædeker consacré aux Bords
du Rhin : « Avant
d’arriver à Eltville on voit, au milieu de vignes soigneusement cultivées,
quelques jolies campagnes, entre autres le petit château de Rheinberg,
propriété du comte de Grünne. L’île qui se
trouve en face, décorée de jolies plantations, de chalets, etc., appartient à
M. Marix de Lyon, qui s’est acquis une grande fortune en Russie. »[12]
Ce « M. Marix de Lyon » n’est autre que Salomon Marix,
arrière-grand-père d’Eddy et bien connu, jusqu’aujourd’hui dans sa Hesse
adoptive : une maison d’édition créée à Wiesbaden en 2003 a même choisi de
s’appeler « Marix Verlag » en son honneur.
Salomon, juif, était le
sixième des onze enfants de Jacques [Jacob] Marix, qui avait épousé en 1793 à
Zillisheim Pauline Hirschel, la fille du rabbin Clément [Calmann] Hirschel. La
descendance de ce couple fut nombreuse, puisque dix de leurs enfants arrivèrent
à l’âge du mariage. Six convolent à Besançon, trois à Vic-sur-Seille, une à
Belfort. Beaucoup de leurs petits-enfants vivront à Lyon, où la famille Marix
symbolise la réussite des Juifs dans le commerce des soieries :
« Marix Frères » et « Marix-Picard » expédient à l’étranger
et fournissent l’impératrice Eugénie comme la reine d’Angleterre !
À tel point que Le Matin du 18
janvier 1898 relate, cinq jours après le fameux J’accuse de Zola, une manifestation antisémite lyonnaise qui
dégénère, aux cris de « Conspuez Zola ! À bas les
Juifs ! », cri qui devient, devant la boutique familiale de la rue
des Archers : « Conspuez Marix ! » Les heurts se soldent
par une vingtaine d’arrestation et un garde à cheval blessé à la jambe[13].
Parmi les descendants de ce
couple[14], Jules
Picard, qui fonda à Moscou le magasin « À la ville de Lyon », rue
Loubianka, puis la maison Trétiakov, 3 rue Kouznetski Most (avenue luxueuse de
la ville) : robes de confection, soieries et lainages. Mais si Jules
Picard réussit si bien au pays des Tsars, c’est qu’il suivait en fait les
traces de Salomon Marix, parti en Russie commercer en tissus. Négociant en
mercerie et soie, non fabricant, Salomon arriva tôt, vers 1841, sur le marché
russe, et profita pleinement de son expansion. Il fournit même la cour de
Russie pour les palais impériaux.
Sa fortune acquise, Salomon
Mar(i)x s’installa à Eltville, en 1849, sans pour autant se mettre en retraite
des affaires. Salomon acquit peu à peu, dans les années 1850 et 1860, 91 acres
de terre dans la ville. Son domicile, la « Villa Marix » conservée
jusqu’aujourd’hui (Erbacher Straße 3),
était bâti sur un large terrain s’étendant entre Wörthstraße, Erbacher
Straße et Kiliansring. À l’intérieur, la première synagogue privée du
Rheingau.
Salomon possédait aussi une
maison de 1000 m2 pour les hôtes de la « Villa Marix »,
construite en 1864 et connue plus tard sous le nom de « Villa Elvers » (Erbacher Straße 1). Dans le parc
paradisiaque de cette villa, de 4500 m2, une orangerie, des serres
avec des salons, divers pavillons chinois, un étang aux nénuphars fleurissants…
Salomon y reçut nombre d’invités prestigieux : l’impératrice de Russie[15], le
roi de Wurtemberg, la famille du duc de Nassau ou la maison royale de Prusse,
Albert Schweitzer…
En
ville, Salomon possédait une maison sur la place du château et une autre à la
Gare, sans compter l’île d’Eltville, île de 80 hectares sur le Rhin, acquise en
1851 et sur laquelle il fit construire (Königsklinger Aue). À Johannisberg, à quelques kilomètres de là, en
1861, il acheta le château Hansberg ; il avait à Wiesbaden d’autres biens
encore[16].
Salomon, grand entrepreneur, quitta même les tissus pour acheter en 1864
un vaste terrain inemployé à Villmar, sur la rive gauche du Lahn, afin d’y
construire une usine de marbre à machines hydrauliques, qui fut en activité des
décennies durant[17].
Le marbre de Villmar devint célèbre ; on l’employa au palais de Frédéric
II de Bade, pour la cathédrale de Berlin, pour l’Empire State Building… Mais dès 1865, Salomon transféra la propriété de l’usine déjà
construite, entre autres associés, à sa fille Marie Emma et à son gendre Joseph
Jules (Julius) Luville, qui résidaient à Lyon place Bellecour[18].
Tel était Salomon : prospecteur, visionnaire, rapide, généreux.
Mieux : il ne se contenta
pas d’être un décorateur à multiples facettes, aussi bien drapier que fabricant
de marbre. Lui et ses fils – Jules, Myrtil, Arthur, Paul – reprirent en 1870
une brasserie de Wiesbaden en liquidation judiciaire, dont ils firent dès l’année
suivante la plus grande brasserie de la ville. Il avait amélioré l’installation
en utilisant un moteur à vapeur de 8-10 chevaux pour la macération, en installant
un moulin à broyer le grain et en optimisant toutes les pompes. Encore
exploitée il y a peu, la « Marix-Brauerei » proposait deux bières d’inspiration
bavaroise : l’une brune à fermentation basse et l’autre blonde.
Salomon ayant travaillé aussi
dans l’industrie du jeu – au Casino de Wiesbaden –, peut-être y rencontra-t-il un
joueur russe nommé Dostoïevski, dans les années 1860…
Salomon passait l’été dans sa
grande villa d’Eltville, entourée d’un parc agréable, mais l’hiver à Paris,
avenue du Bois de Boulogne. Et il octroya à toute sa famille la nationalité
française.
À la mort de Salomon, en 1872,
ses propriétés furent réparties entre les enfants. Sa fille Olga – qui avait à
Eltville épousé un avocat russe, Jacques Sérébrianny (Серебряный
Яков Маркович [Меерович]), en grande pompe – reçut ainsi l’île, nommée dès
lors « l’île Olga »[19]. Jules
obtint le château d’Hansenberg, agrandi et renommé « château de
Johannisburg ». Mais en quelques décennies, les biens de la famille furent
vendus, de sorte qu’après la Seconde Guerre mondiale, la famille Marix n’avait
plus de possession à Eltville.
À Myrtil revenant la partie
orientale du domaine Marix (dont il se séparera d’ailleurs en 1896), la
« Villa Marix » échut à Paul Marix, l’un de ses fils, qui épousa à
Lyon, le 3 novembre 1879 et avec dispense de parenté[20], Barbe Angèle Luville, la
fille de sa sœur Marie Emma Marix, épouse Luville. Elle avait 21 ans, il en
avait 30. Parmi les témoins du mariage, le frère aîné du marié, Jules Marix, chevalier de la Légion d’honneur et commandeur de l’ordre
de Sainte-Anne de Russie, qui sera consul impérial de Russie à Lyon en 1898.
|
Jacques (Jacob) MARIX 1763, ? 1830, Besançon |
↔ 1793, Zillisheim |
Pauline (Beylé) HIRSCHEL 1773, Zillisheim 1848, Besançon |
|
|
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↓ 11 enfants |
|
|
|
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↓ dont n° 6 Salomon MARIX 1805, Zillisheim 1872, Wiesbaden |
↔ 1831, Besançon ↓ |
Sara Émilie PICARD 1815, Metz 1903, Eltville |
|
|
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10 enfants |
|
Joseph Jules LUVILLE (né Lévy) 1820, Vic-sur-Seille 1896, Paris |
↔ 1857, Vic-sur-Seille ↓ |
↙ dont n° 6 Marie Emma MARIX 1840, Besançon 1892, Paris |
↓ dont n° 9 Paul MARIX 1849, St-Pétersbourg 1912, Paris |
↘ dont n° 10 Edmond MARIX 1850, Lyon 1868, Wiesbaden |
↙ ↙ |
4 enfants
↓ ↘ |
|
↗ 1879, Lyon (dispense de parenté) ↙ |
sans descendance |
Daniel LUVILLE
Andrée LUVILLE 1870, Lyon 1867, Lyon 1910, Vienne (Autriche) 1943, Paris |
Camille (Jacob) LUVILLE 1860, Lyon 1934, Paris |
Barbe Angèle LUVILLE 1858, Lyon 1895, Paris |
|
|
sans descendance sans descendance |
sans descendance ↙ |
↙ |
↓ 4 enfants ↘ |
↘ |
|
dont n° 1 Edmund Salomon « Eddy » MARIX 1880, Eltville – 1908, Eltville |
dont n° 2 Gabrielle Aimée MARIX 1883, Eltville 1931, Paris |
dont n° 3 Marguerite Adèle MARIX 1885, Paris 1936, Paris |
dont n° 4 Henry Arthur « Kiki » MARIX 1890, Paris 1917, Lausanne |
|
sans descendance |
sans descendance |
sans descendance |
sans descendance |
Ils eurent quatre enfants :
Edmund, surnommé « Eddy », Aimée, Marguerite et Henry, surnommé
« Kiki »[21].
III. – Le
rôle de Marix dans l’histoire des Cahiers
Eddy Marix fit des études de droit à Paris. Le fait est mentionné lors
de la première apparition de l’ami aux
Cahiers, en 1901[22] : « René Lavaud, ancien élève de l’École
Normale Supérieure ; / Edmond Marix,
étudiant en droit ; / André Poisson, licencié es lettres… »
Ces amis-là, entre autres, avaient signé une lettre de soutien à Péguy, alors
aux prises avec Lucien Herr et la Société nouvelle de librairie et d’édition.
D’abord clerc chez un
avoué[23], Marix
devint avocat à la Cour d’appel de Paris, très
jeune : à 24 ans, en 1904. Mais il dut quitter le barreau presque
aussitôt, en 1905[24]
à cause d’une grave maladie des reins.
Les
affres de sa maladie ne l’empêchèrent pas, dans un premier temps, de continuer
à servir de conseil juridique pour les Cahiers de la quinzaine, « à titre
gratuit bien sûr »[25].
Marix s’occupe ainsi de la défense des Cahiers
contre la Société nouvelle de librairie et d’édition, rédigeant notamment tout
un dossier sur l’affaire, envoyé le 6 février 1901 à Péguy[26].
Très bon conseiller, Marix est encore le cerveau de la
commandite en 1905, qui voulait renflouer les Cahiers[27].
Et même si cette dernière échoua, Robert Burac a raison de conclure que,
financièrement, Marix sortit Péguy de difficulté en mai 1907[28].
Eddy Marix fut également abonné aux Cahiers de la quinzaine, et ce dès l’origine :
en 1900[29].
Il recevait un exemplaire de luxe, sur papier whatman, le cinquième dans l’ordre
de la numérotation. En avril 1909, le numéro 5 sur whatman fut désormais
« imprimé à la mémoire de Eddy Marix »[30].
Il fut également un collaborateur de la revue, puisqu’il
copie certains décrets et fait une revue de presse[31]
pour Péguy en train de préparer son cahier I-3.
Mieux : Marix a écrit tout un cahier, le « cahier
de Pâques » – curieuse appellation pour une Péguy qui continue alors de se
dire « athée de tous les dieux » –
intitulé La Tragédie de Tristan et
Iseut[32],
un des deux cahiers de grand format, d’un format exactement double des 227
autres numéros[33].
Le cahier, dérivé du roman restitué par Joseph Bédier, ne fait pas parler de
lui[34].
Romain Rolland est dubitatif à sa lecture, le 30 avril : « J’ai bien
envie de vous crier encore un peu : casse-cou
à propos de votre dernier cahier. Vous ne vous doutez pas combien un pareil
format rend sévère pour l’œuvre. »[35]
Mais il dissociera bien entendu jugement esthétique et bibliophilique d’une
part, et sollicitude d’autre part envers un malade qu’il sait cher à Péguy,
quand Marix sera à l’agonie[36].
Dans la série VI des Cahiers, seul le
numéro du VI-2 d’Alexis Bertrand, L’Égalité
devant l’instruction, tombe dans un silence comparable.
On retrouve dans la bibliothèque de Sarah Bernhardt l’édition
originale de cette tragédie en vers, inspirée de la restitution de Joseph
Bédier et de la très ancienne épopée de maître Gottfried de Strasbourg, ainsi
dédicacée à la page de garde[37] :
« Respectueusement / à / Madame Sarah Bernhardt / Eddy Marix. » Cette
dédicace est sans doute à mettre en relation avec le souhait qu’eut en décembre
1904 Péguy de voir mettre en scène la tragédie de son ami, qui pour sa part –
échange de bons procédés – espérait voir mettre en scène la première Jeanne d’Arc de Péguy[38] !
Et Marix ne comptait pas s’arrêter là : il songeait
à composer un autre cahier, La
Résurrection d’Adonis, d’ailleurs annoncé aux abonnés dès avril 1905[39] : « Du même auteur, en préparation, la résurrection d’Adonis, tragédie. » Aucun brouillon n’a été conservé de cette œuvre[40],
mais le thème en est très-curieux, à en juger par un passage, attribué à Lucien,
de La Déesse syrienne[41] :
« Lorsqu’ils ont fini de se frapper la poitrine et de sa lamenter, ils
sacrifient d’abord à Adonis comme à un mort, puis, le lendemain, ils racontent
qu’il est vivant. » Et Leconte de Lisle, poète cher à Péguy, avait écrit
en 1884 dans ses Poèmes tragiques un
poème portant pour titre « La Résurrection d’Adônis » :
L’Aurore désirée, ô filles de Byblos,
A déployé les plis de son riche
péplos !
Ses yeux étincelants versent des
pierreries
Sur la pente des monts et les molles
prairies,
Et, dans l’azur céleste où sont assis
les dieux,
Elle rit, et son vol, d’un souffle
harmonieux,
Met une écume rose aux flots clairs
de l’Oronte.
Ô vierges, hâtez-vous ! Mêlez d’une
main prompte,
Parmi vos longs cheveux d’or fluide
et léger,
Le myrte et le jasmin aux fleurs de l’oranger,
Et, dans l’urne d’agate et le creux
térébinthe,
Le vin blanc de Sicile au vin noir de
Korinthe.
Ô nouveau-nés du jour, par mobiles essaims,
Effleurez, Papillons, la neige de
leurs seins !
Colombes, baignez-les des perles de
vos ailes !
Rugissez, ô Lions ! Bondissez, ô Gazelles
!
Vous, ô Lampes d’onyx, vives d’un feu
changeant,
Parfumez le parvis où sur son lit d’argent
Adônis est couché, le front ceint d’anémones
!
Et toi, cher Adônis, le plus beau des
daimones,
Que l’ombre du Hadès enveloppait en
vain,
Bien-aimé d’Aphrodite, ô Jeune homme
divin,
Qui sommeillais hier dans les Champs
d’asphodèles !
Adônis, qu’ont pleuré tant de larmes
fidèles
Depuis l’heure fatale où le noir Sanglier
Fleurit de ton cher sang les ronces
du hallier !
Bienheureux Adônis, en leurs douces
caresses
Les vierges de Byblos t’enlacent de
leurs tresses !
Éveille-toi, souris à la clarté des
cieux,
Bois le miel de leur bouche et l’amour
de leurs yeux !
C’est une pièce à conviction qui peut rejoindre notre
étude de la foi de Marix, à laquelle nous allons venir.
IV. – Histoire de l’amitié entre
Péguy et Marix
Eddy Marix fut un ami intime de Péguy. On
demande parfois, un peu vite, l’air entendu : « Avec qui Péguy ne s’est-il
pas brouillé ? » Eh bien, entre autres avec Marix : signe d’élection.
Je poserai une autre question : « Qui Péguy a-t-il appelé son
frère ? » Marix, Marix seul sauf erreur. Et dans la bouche d’un fils
unique très tôt orphelin de père, l’appellation de « frère » prend un
poids certain.
Eddy Marix fut élève du collège
Sainte-Barbe et c’est là qu’il fit la connaissance de Péguy, ce dernier y
faisant, d’après Robert Burac, un stage pédagogique[42].
L’expression est-elle exacte ? Elle provient du barbiste Charles Lucas de
Pesloüan, qui se souvient en janvier 1916 :
À l’automne Péguy entrait rue d’Ulm. Ce fut je
crois au cours de l’année suivante qu’il se prit d’attachement pour Lotte ; et
ce fut à cette époque aussi qu’il connut Marix. L’un et l’autre étaient à Sainte
Barbe alors qu’il y faisait un stage d’enseignement. Par la suite,
ainsi que je vous l’ai dit, dominé par cette idée que toutes ses amitiés d’homme
avaient leur source dans ses amitiés barbistes, il rétablit Lotte dans le
groupe que nous avions été.[43]
Mais rien d’un stage professionnel chez Raoul
Blanchard[44], et un
témoignage existe, plus récent encore et même contemporain de Péguy, celui de Joseph
Lotte, qui se passe de l’explication de
leur rencontre par un stage : « J’ai connu Péguy à Sainte-Barbe, en
1894-1895. Récent normalien, il y venait souvent le midi voir ses amis restés
cagneux. »[45] Cela
corrobore la version des frères Tharaud, qui parlent de fréquentes
visites :
[…] je ne fus reçu qu’un an après Péguy à l’École.
Mais je continuais de le voir plusieurs fois par semaine, à la récréation de
midi. Il revenait avec bonheur vers notre petit monde affectueux qui comptait
un nouveau venu [Joseph Lotte, les Tharaud ne mentionnant pas du tout Marix[46]].[47]
Nous pensons donc que les amis se voyaient à midi,
sans même aller prendre leur repas de midi dans des brasseries, puisque Péguy n’appréciait
guère les cafés[48]. Félicien
Challaye n’écrit-il pas précisément que Péguy, une fois admis à l’École normale
en 1894, « retournera souvent en visite dans la cour rose »[49] ?
Il reste néanmoins possible,
à vrai dire, que les normaliens aient dû à l’instigation de quelques maîtres
retourner dans leurs classes préparatoires d’origine ou aller dans des classes
parisiennes goûter à l’enseignement. Nous lisons en effet dans un entretien de Michel
Manoll avec Robert Garric[50] : « M.
M. — Voulez-vous nous dire à quel moment
vous avez été amené à faire un stage d’enseignement au lycée Lakanal et au lycée
Louis-le-Grand ? Est-ce avant votre agrégation ? R.G. — C’est en effet avant l’agrégation. C’était
pendant la guerre. M. Lavisse nous
orientait volontiers vers des stages assez prolongés pour occuper les
postes d’enseignement, et c’est dans ces conditions que j’ai enseigné à Lakanal
dans la classe de seconde de Lakanal, assez tôt, beaucoup plus tôt certes que je ne m’y attendais. » Mais sur ce
point de détail en voilà assez.
Marix sympathise avec Péguy entre autres parce qu’il a
« de ferventes convictions socialistes »[51]. Et
il se classe, pendant l’Affaire, comme dreyfusiste, aux côtés de Péguy[52].
Les deux amis échangent de nombreuses lettres, se
voient très souvent, se comprennent et se livrent à des confidences. Jamais
aucun nuage entre eux : « Amitié diaphane ! »[53] Marix confie à Edmond-Maurice Lévy le 24 juillet
1906 : « J’ai un tel respect pour Péguy que je trouve bien tout ce qu’il
fait. »[54] C’est à
juste titre que František Laichter[55] cite
même I Samuel XVIII-1 pour décrire
les deux amis : « Le cœur de Jonathan s’attacha à David, de sorte qu’il
l’aima comme lui-même. »[56]
Irénique, Marix eut une bonne influence sur le
colérique Péguy ; il sut par exemple réconcilier Romain Rolland et Péguy
en novembre 1905[57].
On sait que les déplacements de Péguy en dehors de son
domicile, d’Orléans et de Paris étaient très rares. Mais, en septembre 1907,
Péguy n’hésita pas à gagner le Tréport en train afin de rendre visite à son ami
Marix[58].
La ville côtière servit à Péguy de retraite, c’est sûr. Servit-elle aussi de
lieu d’inspiration, ou le voyage en train pour y parvenir ? Voire ;
mais, en tout cas, Jacques Viard ne nous convainc point en rapprochant les ultima verba de l’Élégie XXX, « énormes pommiers, sainfoin rouge », soit de
l’Orléanais soit du Tréport[59].
Souvenirs de promenade, certes, mais on ne saurait dire si c’était de l’escapade
au bord de la manche que nous évoquons ici[60].
Certains concluent, en termes psychologiques, à l’existence
entre Péguy et Marix d’une amitié « presque fusionnelle »[61].
V. – Présence
de Marix dans l’œuvre de Péguy
Péguy
consacre à son ami Marix quatre belles dédicaces, la première seule étant
anthume.
Tout d’abord,
Péguy rédige lui-même la dédicace du cahier de Marix. Absent de l’ancienne
Pléiade, ce texte vient d’entrer – à juste titre[62] –
dans les Œuvres poétiques et dramatiques
de Péguy. Claire Daudin hésite à l’attribuer à Péguy, faute de s’être appuyée
sur le manuscrit de ce texte, 24 x 36 cm à la française, détenu d’abord par
Pesloüan et déposé au Centre Péguy d’Orléans en 1973 : « 1 grand feuillet in-folio. Manuscrit de Péguy pour la dédicace du Tristan de Marix. »[63]
Pour notre part, nous n’hésitons pas, suivant en cela Pierre Suire[64],
Pie Duployé[65],
Simone Fraisse[66],
qui ont tous relevé les mérites de ce beau poème disposé sur deux pages[67] :
Pour le dimanche des Rameaux
qui verdoient aux mains pieuses,
lequel est aussi la fête
des jeunes pousses qui vont relier les plantes
et des verdures lourdes de boutons
où s’enlacent les mains aimantes,
pour que de même il soit la fête
du chèvrefeuille amoureux du coudrier
que chanta Marie de France
et
du rameau qui du cercueil de Tristan
jaillit au cercueil d’Iseut
éternellement
intarissablement
sur le rocher de rêve
où jamais barque n’atterrit ni pied ne se
pose ;
//
Et pour le dimanche de Pâques
où le Dieu ressuscite pour les chrétiens
à chaque retour des ans,
où l’amour divin se célèbre,
pour que de même il soit le jour
où ressuscitent les héros,
ceux de la force, ceux du triomphe, ceux de la
douleur,
et le jour où se célèbrent
les joies, les désirs, les peines
des simples chairs mortelles
avec les amours
des simples âmes humaines ;
nous offrons ce poème.
Vient ensuite celle en pleine page du cahier de René
Salomé, Plus près des choses :
« IN MEMORIAM / à la mémoire de
notre ami Eddy Marix / le 31 août 1908 »[68].
Mais était-ce suffisant ? Car Marix ne mettait pas Salomé au niveau de
Péguy, pour s’exclamer le 14 janvier de cette même année fatale :
« Non ! Halévy, Salomé surtout (oh !), Raphaël, ce n’est point cela. »[69]
Puis vient la splendide dédicace du Porche, qui court sur trois belles pages
et qui répond à la première : « NON SOLUM IN
MEMORIAM / SED IN INTENTIONEM // Non
seulement à la mémoire / mais à l’intention
/ de notre ami et de notre frère Eddy
Marix / Eltville sur le Rhin, le 2 août
1880 / Eltville sur le Rhin, le 31
août 1908 // notamment en mémoire
/ de ce cahier qu’il fit / pour le dimanche des Rameaux / et pour le dimanche de Pâques / de l’année 1905. »[70]
Relisons enfin la dédicace du Mystère des saints Innocents : « DILECTISSIMIS / IN
INTIMO CORDE »[71],
discrète. Pour Robert Burac[72]
et pour nous, c’est Marix « à qui s’adresse vraisemblablement aussi la
dédicace du Mystère des saints Innocents »,
même si l’Ancien Testament y est quelque peu réduit à n’être qu’une figure du
Nouveau[73].
Tout est dans le « aussi », car d’autres péguistes – et non des
moindres – en font une lecture exclusivement paternaliste : Romain Rolland[74],
André-A. Devaux[75],
Alain de Benoist[76],
Claire Daudin enfin[77].
Deux autres péguistes, non moins éminents, reprennent curieusement à leur
compte cette dédicace… sans en préciser le sens[78].
Mais nous verserons à ce dossier d’autres arguments que d’autorité. D’abord,
les Innocents sont eux aussi, comme
le cahier écrit par Marix, un cahier « pour le dimanche des Rameaux / et pour le dimanche de Pâques » : c’est le paratexte qui, dans le cahier,
suit immédiatement la dédicace. Remarquons également un exemplaire sobrement dédicacé
du Mystère des saints Innocents :
« Lundi 6 mai 1912. Exemplaire pour Mesdemoiselles Marix. »[79]
Relisons enfin ce que Péguy écrit à son amie Blanche Raphaël début 1912.
D’abord le 9 février : Péguy
arrivera tard aux Cahiers parce qu’il
a des courses après le déjeuner chez les Marix : « Je suis sous une menace de mon foie ;
je négocie pour obtenir que la crise soit reportée après l’achèvement de la
troisième Jeanne d’Arc. J’en suis à la page 154 de ma copie… » Ensuite
le 28 février : « Il ne faut jamais perdre un jour… J’écris
aux demoiselles Marix. J’irai les voir demain… Peut-être feriez-vous bien d’y
être… » Et enfin le 4 mai : «
Pierre paraît sauvé. Les demoiselles Marix viennent de perdre leur père… La
mère de Perier est morte… »[80]
Des trois enfants Marix restants, privés de leur mère depuis 1895[81]
et de leur père, Paul Marix, mort le 6 mars 1912, Charles Péguy, l’aîné du
frère aîné, se sent un peu le père, ou le grand frère : Aimée, Marguerite,
Henry ont tous trois une vingtaine d’années… Le lien semble évident entre les
Marix et le troisième Mystère de Jeanne d’Arc, qui paraît le 8 mai de
cette même année, dans la même série que le deuxième Mystère de Jeanne d’Arc
– déjà dédié à Marix…
Péguy mentionne
Marix ou pense à son ami en dehors des dédicaces, en plusieurs passages de son œuvre.
Péguy peut s’adresser directement à Eddy :
« vous, mon cher Marix »[82] !
Une telle adresse fait penser à Jacques Viard[83],
visionnaire, que Péguy lut à Marix, au Tréport, le 8 septembre 1907, cette fin
retranchée de la dernière Situation,
« où il prend Marix à témoin ».
Au fil
de la prose, Marix est présenté comme un « collaborateur attitré »
des Cahiers[84], et
mieux encore. On sait que Péguy tenait Bernard-Lazare pour un prophète et le
nommait même, dans À nos amis, à nos abonnés,
« le plus grand que j’aie connu », mais pour ajouter tout de suite,
ce qu’on oublie parfois : « avec notre Marix »[85].
L’indicible mort de Marix[86]
venait déjà hanter le brouillon de cette œuvre qui, au début, ne devait
faire que quatre petites pages[87].
À preuve, une partie d’un manuscrit appartenant à la genèse de ce cahier, de
simples notes manuscrites sur la première page d’un journal[88]. Leur déchiffrement ayant
progressé depuis Jacques Viard et Robert Burac, nous les donnons ici,
linéarisées[89] :
{à l’encre de Chine}{verticalement vers la gauche} pousser l’analyse
plus profondément / abonnés et collaborateurs / je ne nie point
cette expérience mais assez / thèses / le désir secret opiniâtre
d’avoir épuisé amertume mais ingratitude / gaspillage revues caprice / auteurs
abonnés / les personnes les moins avisées se rendent compte / je ne me
plains pas Marix / noble prétérition / cruauté intérieure / véreux /
injustice / publié Lévy H. E. / même bonne utilisation d’affaire / une
œuvre où on a tant mis / un de nos abonnés a fait cet effort… / c’est dans
cette voie qu’il faut continuer marge frange
Si le mot
« Marix » est barré, c’est qu’il a été employé. Peut dès lors se
déployer le vibrant Pro amicitia péroratoire des pages finales d’À
nos amis[90].
Et
que lisons-nous dans cet éloge ? Péguy pense à Marix plus
souvent qu’il ne le nomme : « […] les
éclaircissements que la mort pratique dans les rangs de l’amitié ont ce
caractère d’éclaircissement irrévocable et d’antécédence de la mort propre. […]
Nul ne vient remplacer ceux qui manquent. […] Et c’est vraiment ici qu’une nuit
de Paris ne répare rien du tout. »[91] Julie
Sabiani note la « nécessité viscérale – sinon textuelle – de l’irrépressible
confidence »[92].
C’est précisément en effet le souvenir de Marix qui explique l’apparition du
verbe « réparer ». Péguy se souvient en effet du mot de
condoléances de Romain Rolland : « Je vous plains de tout cœur :
car je sais ce que c’est que la perte de certaines amitiés : on ne la
répare jamais. Croyez à toute ma sympathie. »[93] Encore faut-il préciser que
la chute de notre extrait reprend le mot cynique prêté à
Napoléon au soir de la bataille d’Eylau, le 8 février 1807 : « Une
nuit de Paris réparera tout ça »[94].
Viennent ensuite les
remerciements à la famille Marix pour son soutien moral[95], quelques feuillets plus bas, dans la suite écartée de son vivant :
« Dans cette crise même, qui de si peu faillit nous emporter[96],
une famille amie, à qui venait de me lier la communauté d’un deuil éternel, fit
un effort littéralement démesuré. »[97]
Tournons-nous à présent vers la poésie. Parmi les « amis absents » de la « Présentation
de la Beauce à Notre Dame de Chartres »[98] doivent
figurer Pierre Marcel Lévi – ami en dépression et avec qui Péguy désirait faire
la route de Chartres –, le compagnon Alain-Fournier, Henri Yvon bien sûr – dont
l’absence permettra à Péguy de dormir dans sa chambre à Dourdan – et enfin René
Bichet – mort à la date d’achèvement du poème –, mais aussi Eddy Marix – pour
qui Maritain voulait dès 1908, l’année fatale, que Péguy prenne la route de
Chartres[99].
VI. – Quel juif est donc Marix ?
Marix est-il athée ? Le premier à avoir supposé
de « ce mystérieux Eddy Marix »[100]
qu’il « n’était pas moins » athée
que Lazare est Pie Duployé en 1965[101].
Jacques Viard le suivit d’abord :
Il [Péguy] recourut à trois moyens pour trouver des
commanditaires : une série de démarches personnelles, l’envoi systématique
aux abonnés d’une lettre manuscrite signée par André Bourgeois, et le
dévouement d’Eddy Marix. Cet ami juif (« notre ami et notre frère »,
auquel sera dédié le Porche) avait
été camarade de Péguy au temps où ils étaient étudiants, socialistes,
dreyfusards et athées.[102]
avant de changer d’avis[103]
et de le noter simplement, après Edmond-Maurice Lévy, « très éloigné »
de la pratique[104]. C’est, pour nous, inexact.
Farouchement dreyfusiste, Marix
n’est pas un juif honteux[105]. Et l’on sent les arguments
qu’il put produire face aux antisémites à lire une périphrase comme « le Dieu que le clou païen rendit infirme ! »[106] Ce
ne sont donc pas les Juifs qui ont crucifié Jésus…
Faut-il donc suggérer comme Wladimir
Rabi[107] : « Au surplus,
de tous les intellectuels juifs qui entouraient Péguy, seuls étaient religieux
Edmond-Maurice Lévy […] et, plus tard, Edmond Fleg, peut-être aussi Eddy Marix. » ?
En fait, Maritain, qui rencontre Marix le 11 mai 1907 à
Heidelberg, nous renseigne utilement, dans son Carnet de notes, sur l’évolution de la foi de ce Juif :
« Visite de Marix et de sa sœur, qui vont à Nauheim[108]. Péguy
lui a dit notre conversion, il vient nous manifester son amitié. Cela nous
touche beaucoup. Et lui-même cherche. »[109] En
1908, Maritain ne glosera pas en revanche sur sa mort : « Mort de
Marix, dans les derniers jours de nos vacances à Saint-Pierre. »[110]
Que Marix « cherche »,
c’est ce que confirme sa correspondance avec Péguy, Marix écrivant à Péguy le 2
mars 1908 :
« Puissiez-vous alors n’avoir que de
bonnes nouvelles à me donner. Dieu le
veuille, pouvons-nous dire entre nous ! »[111], sans
que l’on sache très bien si Marix s’opposait ainsi au Pulligny agnostique[112]
ou au Pulligny rationaliste[113],
en ajoutant « Que Pulligny ne l’entende pas, cela lui ferait de la
peine. » Dans la tragédie de Marix, Iseut s’exclame sur le point de
mourir : « L’éternel est en nous, le
feu qui vivifie ! »[114]
Comment donc Marix en vint-il à
« chercher » ? La première trace de cette évolution, nous la
voyons dans un achat effectué le 4 mars 1904 auprès de la librairie des Cahiers : Marix y acquiert une traduction
de La Vie de Jésus de David-Frédéric
Strauss[115]… Le 23 mars 1907, voici qu’il
demande à André Bourgeois de lui procurer « une Bible qui ne soit pas
sainte »[116]. Et Bourgeois de consulter
Edmond-Maurice Lévy, le « chapelain
hébraïque » de Péguy[117], et d’envoyer finalement à Marix la première traduction
intégrale non confessionnelle de la Bible, à savoir les dix volumes d’Eugène
Ledrain publiés chez Lemerre en 1886-1899. Comme Renan, auquel d’ailleurs il
consacra en 1892 une monographie, Ledrain quitta la carrière ecclésiastique
pour se livrer à des travaux d’érudition en abordant les religions d’un
point de vue strictement scientifique.
Quel sens donc donner
exactement au verbe « chercher » dans le cas de Marix ? Marix n’est
pas un juif en train de se convertir au christianisme ni même un juif messianique.
Sa lettre du 13 mai 1907 à Péguy donne de bien autres renseignements que
Maritain :
Nous avons causé en toute
sincérité. Jacques reste un philosophe. Sa foi est en quelque sorte une hypothèse fervente. Il est bergsonien. L’Évolution
créatrice lui cause une satisfaction
profonde. Enfin nous avons parlé des textes sacrés. Je n’ai pas hésité à lui
confier mes intentions et mes projets historiques — et leurs liens avec les
vôtres. Je lui ai dit mes premières réflexions en faveur de la tradition juive
pure – contre le christianisme ; ce qui ne l’a pas empêché d’approuver certains
de mes points de vue. Je pense qu’il nous sera un puissant auxiliaire dans tout
ce travail. Nous aurons en tous cas une direction commune contre Renan.[118]
Issu d’une famille juif
croyante et pratiquante, active dans les diverses communautés juives qu’elle
est amenée à rencontrer, Marix lui-même a dû pratiquer. Lisons le compte rendu
du mariage de ses grands-parents maternels :
Le jour de leur union, célébrée le 29 octobre, ils ont
fait distribuer, par l’entremise de M. le Maire, une somme très importante aux
pauvres de tous les cultes.
Après le mariage civil, le cortège s’est rendu au
temple, où M. Samuel Beer, ministre officiant, accompagné de son chœur et du
célèbre corps de musique de cette ville, a exécuté les cantiques sacrés avec un
talent remarquable, et a vivement ému la nombreuse assemblée par les sublimes
chants de Sion, dont il est un digne et habile interprète. La synagogue était splendidement
ornée en l’honneur des jeunes époux; toute la ville avait un air de fête ; les pauvres étaient dans la
joie. La bénédiction nuptiale a été donnée par M. le grand-rabbin de Metz et
par M. le rabbin de Lunéville, qui ont prononcé des discours dont l’impression
a été vive et touchante. Les paroles de la foi israélite sorties de la bouche
de ces pieux ministres de Dieu ont retenti dans tous les cœurs.
Le soir, M. le maire a fait
illuminer la ville, et la musique de la garde nationale s’est rendue sous les
fenêtres des nouveaux mariés pour exécuter une brillante sérénade.
Le samedi suivant, M. Jules
Lévy et sa famille ont fait au temple une offrande de 1,700 francs, et, le
lendemain, M. S. Marix, beau-frère de M. Lévy, a remis de nouveau à M. le maire
400 francs pour les pauvres de la ville. La jeune et gracieuse dame, à son
tour, a remis à M. le rabbin de Lunéville une somme importante pour l’entretien
du nouvel hôpital israélite fondé dans sa communauté.
Ce mariage a produit dans la
population de Vic une impression heureuse et profonde. Par leur noble et
magnifique charité, M. Jules Lévy et sa famille ont conquis au judaïsme le
respect et l’admiration de nos concitoyens ; espérons qu’ils attireront
aussi sur notre communauté les bénédictions du ciel.[119]
La bonne réputation de la branche Marix implantée à
Lyon dit la même chose : « Une famille si généralement estimée pour
ses sentiments de piété et de haute charité », tels sont les Marix pour le
grand-rabbin de Lyon Jacques Weinberg[120].
Et Simon Bloch d’approuver : « Tous nos coreligionnaires de Lyon, par
leur présence, ont voulu témoigner avec éclat à cet israélite de bien et à sa
famille leur respect, leur sympathie et leur gratitude pour les précieux
services qu’il ne cesse de rendre au culte, aux établissements de bienfaisance,
d’instruction religieuse, etc., à toutes les saintes causes où il s’agit de
glorifier Dieu, d’instruire et de moraliser la jeunesse, de soulager l’humanité
souffrante. »[121]
Quant aux mots importants qu’Eddy Marix utilise dans sa lettre :
« en faveur de la tradition juive pure – contre le christianisme »,
ils indiquent clairement qu’il est d’accord avec Péguy. Ce dernier en effet, au
témoignage de René Johannet, déclarait : « J’aime les choses pures,
les situations nettes. Juifs purs. Catholiques purs. Le petit Lévy est un bon Juif ; madame Favre est une bonne
libre-penseuse. C’est cela. Les Juifs ici. Les catholiques ici. Les
libres-penseurs ici. »[122]
Dans la même ligne, Péguy écrit à Pierre Marcel (Lévi) le 2 août 1912 :
« Je n’ai jamais demandé à personne de faire le chrétien. […] Je ne me
sens évidemment pas armé pour demande à un juif d’entrer dans un statut
chrétien. » Même si Péguy écarte donc tout prosélytisme, il note de son
ami Pierre Marcel et de Blanche Bernard, son aimée : « Des êtres
comme vous, éclairés en dedans des plus grandes vertus chrétiennes […] peuvent
très bien s’installer dans une sorte de grâce particulière. »[123]
Donc, quand Marix, le 19
juin 1906, demande au détour d’une lettre à Péguy : « Est-ce le
commencement de mon évangélisation ? », c’est une question rhétorique
qui ne fait référence qu’à sa capacité nouvelle à oublier ou pardonner les
injures, et non à une conversion. « La fraternité large et l’oubli
salutaire »[124] :
tel est le seul évangile de Marix.
VII. – Leçons
d’une mort
Dans
une lettre à Alexandre Millerand en date du 9 juin 1905, Péguy évoque le
diagnostic qui est fait de la maladie de Marix : « exploration
chirurgicale des reins : on
lui propose la décapsulation des deux reins. »[125]
Totale ou partielle, d’un seul
rein ou des deux à la fois, la décapsulation – ablation de la capsule fibreuse du rein (la
technique, alors nouvelle, n’est plus préconisée aujourd’hui) – devait permettre
de mieux irriguer le labyrinthe du rein en améliorant l’activité fonctionnelle
des cellules sécrétantes. On l’employait contre le mal de Bright (ou néphrite chronique ; aujourd’hui « insuffisance rénale chronique »)[126], qui
provoque notamment un gonflement généralisé, un gain de poids, de l’anémie, des
essoufflements, une fatigue générale.
Il peut y avoir une résonnance biographique dans
tels vers bien sentis de la Tragédie de
Tristan et Iseut : « Un fiévreux tremble à voir quelque étranger devant
/ Cette couche agitée où sa douleur se vautre ! »[127] À cela s’ajoutait dès le
printemps 1905 un « mal moral »[128], dépression psychologique
ou angoisse de la mort…
Marix meurt : « Dans le palais natal,
humblement, comme il sied »[129] – sans doute le kadich fut-il récité pendant ses
funérailles. Mais, malgré les avancées progressives de la maladie, la nouvelle elle-même
bouleverse Péguy. Une correspondance privée reçue par Jacques Viard nous l’apprend :
M. Marcel Péguy m’écrit qu’il était en train de
prendre une leçon de latin avec son père quand arriva le courrier. « Tout
à coup, il sursaute, se lève brusquement. Je lui demande ce qu’il y avait. Marix est mort, me dit-il brusquement. Et il sort brusquement. C’est la seule fois que je l’ai vu agir
ainsi. » Péguy n’avait plus rien publié depuis la Situation parue le 6 octobre 1907 – et l’on se souvient que toutes
les Situations font front contre le
monde moderne et Renan en particulier. Péguy ne publiera rien avant les pages
de juin 1909 où Marix est
désigné comme « un des prophètes d’Israël. »[130]
C’est pour sauver Marix que Péguy avait pour la
première fois, en 1908, après le songé à pèleriner vers Chartres, sans oser le
faire à cause d’une exigence déplacée de Maritain : celle de se déclarer
chrétien[131]. Ce n’est que quatre années
plus tard que Péguy partit à pieds pour Chartres...
Le 2 septembre 1908, Le Temps fait paraître l’entrefilet suivant dans la rubrique
« Nécrologie » : « Nous apprenons la mort de M. Eddy Marix,
décédé le 31 août, à Elteville-sur-Rhin. L’inhumation aura lieu au cimetière
Montparnasse. »[132] C’est précisément ce 2
septembre que Péguy assiste, effectivement à l’inhumation. Et on trouve au carré juif du cimetière Montparnasse ce
caveau familial, libellé en hébreu[133] :
· Emma LUVILLE, née MARX 11-11-1840 /
11-09-1892 (19 eloul 5652).
· Jules
LUVILLE, 29-07-1820 / 29-04-1896 (16 iyar 5656).
· Barbe MARIX, née LUVILLE 20-11-1858 /
28-07-1895 (7 ab 5655).
· Eddy MARIX, né le 02-08-1880, décédé à Eltville le 31-08-1908 (4 eloul 5668).
Sa mort,
due à une grave maladie des reins, fait rencontrer le Christ à Péguy, pour
Robert Burac[134],
qui suit globalement Jacques Viard mais néglige quelque peu la lettre du 13 mai
1907 de Marix à Péguy[135].
Jacques Viard était néanmoins plus prudent : la mort de Marix révèle à
Péguy que tout ne meurt pas avec elle, tant Eddy Marix lui est présent au-delà
de la tombe[136].
Cela n’échappa point à Edmond-Maurice Lévy : « Vous me demandez pourquoi Péguy a
traité Marix de prophète à côté de Darmesteter et de Bernard-Lazare. Je ne sais
pas. Peut-être pour flatter son père, qui était très généreux. Il y avait
certainement chez Marix, qui est mort fort jeune, quelque chose qui pouvait
rappeler certains aspects du prophétisme… »[137]
C’est
profondément ébranlé par la perte de son ami que Péguy confie à Lotte son
retour à la foi, le 10 septembre 1908[138] –
confidence que Marix avait déjà
recueillie.
Après la
mort d’Eddy, Péguy continue de fréquenter les Marix. En témoignent les lettres
cordiales et même affectueuses des sœurs d’Eddy, Aimée
(28 lettres envoyées à Péguy de 1908 à 1914) et Marguerite (14 lettres de 1908
à 1913), de son frère Henry (13 lettres de 1909 à 1913) et de son père Paul (10
lettres en 1909-1910). Péguy leur répondait et les voyait, à déjeuner par
exemple. Péguy demande ainsi, le 9 juin
1912, à Claude Casimir-Perier de convier à dîner Pierre Marcel et « Henry
Marix 8 rue Clément Marot et téléphone »[139].
Et le déjeuner avec les Marix passe devant tous les autres, preuve de l’attachement
qui liait Péguy à cette famille. Le 21 avril
1911, Péguy écrit à Geneviève Favre : « Grande amie c’est encore
changé. Accablez-moi de reproches et ensuite de pardons. Lundi je déjeune chez les Marix et c’est
jeudi que nous déjeunons chez vous. »[140] Le
10 janvier 1913 à Alain-Fournier : « Fournier je passerai chez vous
demain matin 11 heures 30 car le samedi je
déjeune chez les Marix »[141]. Et le 25 juin 1914 à
Pierre Marcel : « les demoiselles Marix m’ont reconvoqué pour samedi
/ adieux / le déjeuner lundi absolument ferme de mon côté »[142].
Aimée et
Marguerite[143]
ne fondèrent pas de famille. Toutes deux furent d’excellentes pianistes et s’impliquèrent
dans la vie parisienne de leur communauté (charité, culte, scoutisme…). Elles
ne livrèrent, hélas, pas de souvenirs relatifs à Péguy. Henry mourut jeune,
après avoir tâté des vers – tropisme familial ? – et avoir contribué au bimensuel
Théâtre & littérature, l’une de
ces Revues littéraires éphémères
paraissant à Paris entre 1900 et 1914 :
Directeur
: Jean-Jacques de La Borie, baron de La Batut. – Rédacteur en chef : Émile
Hanotte, 125, rue du Faubourg Poissonnière, Paris (9e). – Contenu :
Poèmes, récits, essais littéraires divers, théâtre, chroniques. – Principaux
collaborateurs : Jean Aicard, J.-J. de la Batut, Jules Bois, Francis de
Croisset, André Gayot, Henri Grégoire, Émile Hanotte, Edmond Haraucourt, Abel
Hermant, Jules Lemaître, Henri de Régnier, Laurent Tailhade, André Theuriet,
André Tudesq, Gustave Zidler…[144]
Paul
Marix exerça sa générosité envers les Cahiers
par l’intermédiaire de son fondé de pouvoir, qui signa « Isar »
quelques courriers d’affaires envoyés aux Cahiers.
Quand il meurt, c’est une nouvelle catastrophe pour Péguy, financière cette
fois-ci. Jules Riby confie à Joseph
Lotte, le 11 mars 1912 : « Le père Marix vient de mourir, et c’était
un des plus généreux mécènes des
Cahiers. »[145]
Mais Riby n’est pas très bien informé, car Paul Marix avait cessé ses
versements un peu plus tôt, non sans quelque amertume de Péguy, confiée à
Pierre Marcel le 18 décembre 1911 : « En attendant ils vivent [le
parti intellectuel tombé en décomposition], et
le père Marix me demande de me suspendre cette pension alimentaire de cent francs par mois qu’il me faisait. Il
est très chargé par ses affaires. »[146]
En
épilogue, pour revenir à des questions spirituelles, je citerai la dernière lettre
connue de Marguerite Marix, écrite le 24 décembre 1914 et envoyée à Charlotte
Péguy :
Chère
Madame,
Il y
aura dimanche matin 27 décembre à 10 h ¾, au temple israélite 44 rue de la
Victoire, un office religieux à la mémoire des soldats tombés au champ d’honneur.
Mr Dreyfuss[147]
grand rabbin de Paris énumérera les soldats israélites tombés jusqu’alors. Nous
lui avons demandé de joindre le nom de Monsieur Péguy, sachant que tel était
votre désir. Je crois que la chose est accordée, mais Mr Dreyfuss (95 rue
Taitbout) demande que vous lui écriviez vous-même à ce sujet. Voulez-vous le
faire sans retard ? Comme sans doute vous voudrez assister à l’office,
nous pourrions nous trouver à 10 h ½ devant le n° 17 de la rue St-Georges.
Recevez, chère Madame, nos meilleures amitiés.
M. Marix[148]
Fit écho à la cérémonie[149]
L’Univers israélite, qui avait quinze
jours auparavant publié ces belles lignes sur Péguy de Baruch Hagani
(1885-1944), chirurgien-dentiste de son état, théoricien du petit groupe des
sionistes français, rédacteur en chef de L’Écho
sioniste et futur auteur d’ouvrages comme Le Sionisme politique et son fondateur Théodore
Herzl (1917), Bernard Lazare
(1919) ou L’Émancipation des Juifs
(1928) :
Il avait
du judaïsme en tant que doctrine une idée très haute et très pure ; il le
plaçait parmi les trois ou quatre « humanités vraiment dignes de ce nom »
; il savait que toute doctrine, pour être agissante, suppose une race et il se
plaisait à découvrir, sous les apparences modernes, les prédestinations
ancestrales : « Cet athée ruisselant de la parole de Dieu »,
a-t-il dit en parlant de Bernard Lazare, qu’il vénérait comme un saint.
Et pour
avoir approché des juifs francs et sincères, pour avoir connu un Georges
Delahache ou un André Spire, il savait aussi qu’« il n’est pas facile d’être juif
» :
« Quand
ils demeurent insensibles aux appels de leurs frères, aux cris des persécutés,
aux plaintes, aux lamentations de leurs frères meurtris dans tout le monde,
vous dites : C’est des mauvais juifs.
Et s’ils ouvrent seulement l’oreille aux lamentations qui montent du Danube et
du Dnièpr, vous dites : Ils nous trahissent.
C’est des mauvais Français. »[150]
R. Vaissermann[151]
[1] Allusion conjointe à la dédicace du Porche du mystère de la deuxième vertu,
où Charles Péguy appelle Eddy Marix son « frère », et à un vers de la Tragédie de Tristan et Iseut de Marix
où Iseut demande à Tristan de ne pas « gémir ainsi qu’un exilé sans frère »
(CQ VI-15, p. 53).
[2] Page 371 de Jacques Viard, « Prophètes d’Israël et annonciateur chrétien d’après
les archives inédites des Cahiers »,
Revue d’Histoire
littéraire de la France, 73e année, n° 2/3 :
« Péguy », mars-juin 1973, pp. 333-380 [désormais, pour renvoyer
à cet article : RHLF].
[3] Marcel Péguy, Le Destin de Charles Péguy, Perrin, 1946, p. 87.
[4] Jules Isaac regrette de ne pas l’avoir
connu (Expériences de ma vie,
Calmann-Lévy, 1959, t. I, p. 310).
[5] 24e
année, n° 8659, 6 janvier 1901, p. 3 ; idem à même date dans Le Rappel
(p. 3), et Le XXe siècle
(p. 3).
[6] Vers et prose, t. II, juin-août 1905, p. 5.
[7] Vers et prose, t. III,
septembre-novembre 1905, p. 7.
[8] « Rhin » apparaît même (CQ VI-15, p. 143) dans le cahier que
Marix écrit… sur Tristan et Iseut !
[9] Ch.
Péguy, Œuvres en prose complètes, t.
II, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1989 [désormais :
B], p. 1572.
[10] Nécrologie
dans les Archives israélites de France,
t. V, novembre 1844, pp. 757-758.
[11] Ce pensionnat de jeunes filles
israélites, sis au 4, rue du Grand-Chantier,
avait ouvert en 1842.
[12] Les Bords du Rhin de Bâle à la frontière de Hollande, Coblence, Karl Bædeker, 1868, p. 171.
[13] Pour le contexte : Pierre Birnbaum,
Le Moment antisémite. Un tour de la
France en 1898, Fayard, 1998.
[14] Autre descendant du couple : le
chanteur français Michel Berger.
[15] Der Israelit,
3 août 1864 : « Eltville (Nassau), den 26. Juli
(1864). Ihre Majestät, die Kaiserin von Russland, welche gegenwärtig in Bad Schwalbach
weilt, beehrte heute unseren Glaubensgenossen, den Gutsbesitzer Herrn Adolph
Marx, mit Allerhöchstihrem Besuche. »
[16] Sur les Marix, signalons le site de l’association
« Alemannia
Judaica » : www.alemannia-judaica.de/eltville_synagoge.htm
(créé en 2015 ; consulté en
2017).
[17] Pour en savoir plus : www.heimatforschung-villmar.de/spielbank.htm (consulté
en mai 2017).
[18] Ces grands-parents d’Eddy Marix étaient
riches. En 1866, ils font une donation d’immeubles au Consistoire israélite de
Lyon, dont Jules Marix était membre. – Ils avaient changé de nom un an après
leur mariage, en 1858, passant de Lévy à Luville (sans doute inspirés par
Lunéville).
[19] Salomon aimait également les fleurs et
les plantes rares ; il participait à des concours d’horticulture et créa
une rose « Madame
Olga Marix » grâce à un obtenteur
lyonnais : le fameux rosiériste Joseph Schwartz. Hybrides de Noisettes, ces rosiers, très remontants,
ont une fleur blanc carné, moyenne et harmonieuse. – Le grand Ginkgo biloba planté devant la Villa
Marix (il existe toujours) fut désigné en 1893 comme l’un des plus beaux arbres
d’Allemagne.
[20] Le Talmud interdit le mariage entre
tante et neveu, mais autorise le mariage entre oncle et nièce, que ce soit un
mariage avec la fille de son frère ou la fille de sa sœur (compilation Choulhan aroukh, partie Even Haezer, chapitre 2, § 6). La Gémara affirme qu’il est même bon d’épouser
la fille de sa sœur (traité Yevamot,
62b, en bas). La dispense de parenté s’entend donc au regard de la loi civile
française. L’article 163 du Code civil prohibe
le mariage entre l’oncle et la nièce (3e degré de parenté) ;
mais son article 164 permettait alors au Chef de l’État de lever la prohibition
pour causes graves, ce qui fut fait le 28 octobre 1879. Quelle est la
justification de la dispense ? On ne la connaît pas ; tout juste
peut-on imaginer la liaison des deux futurs époux, leur cohabitation, l’intérêt
moral ou matériel à ce qu’il y ait mariage. – Il
se célébrait alors 200 mariages par an en France entre oncle et nièce ou tante
et neveu ; il n’y en a après les années 1930 que 20 par an. Que l’oncle
épouse une fille d’une sœur est le cas plus fréquent ; en revanche, les
deux époux qui nous concernent sont bien plus jeunes que la moyenne.
[21] Paul Arnsberg, Die jüdischen Gemeinden in Hessen: Anfang, Untergang, Neubeginn,
Francfort, Societäts-Verlag, 1971, t. I,
p. 159 ; Micheline Gutmann, « De Besançon à Moscou et
Saint-Pétersbourg, à Lyon et Paris », GenAmi,
n° 60, juin 2012, pp. 12-18.
[22] CQ II-10, 4 avril 1901, p. 1.
[23] En 1903 : RHLF, p. 340.
[24] Ch.
Péguy, Œuvres en prose complètes,
Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, 1987
[désormais : A], p. 1903 et B 1590.
[25] C’est du moins l’avis de Robert Burac (B 1590) ; mais deux lettres d’André Bourgeois à l’imprimeur
Ernest Payen en 1906 laissent penser le contraire (Marie-Charlotte Godderidge, Charles Péguy et l’édition des
« Cahiers » d’après la correspondance inédite, mémoire de
maîtrise, Université d’Orléans, 2003, pp. 43 et 46, voire p. 27).
[26] RHLF,
p. 338.
[27] La
commandite est montée dans la foulée de la parution du cahier VI-15, dû à Marix.
Ce dernier y souscrit pour 500 F et démarche le Consistoire central des
Israélites de France par l’entremise du rabbin Israël Lévi : Feuillets de l’Amitié Charles-Péguy
[désormais : FACP], n° 151, pp.
21 et 33.
[28] B 1590.
[29] FACP 151, p.
15.
[30] B 1356.
[31] Dépouillant La Libre parole, Le Temps
et La Revue politique et
parlementaire : RHLF, p.
338.
[32] CQ VI-15, 18
avril 1905. – À cette période, cinq jours environ séparent bon à tirer et datation
imprimée du cahier, postérieure ; le présent cahier n’a pas de datation
propre mais une lettre à Payen nous apprend qu’à la date du 22 avril le cahier
n’était pas encore entièrement composé (M.-C. Godderidge, Charles Péguy et l’édition des « Cahiers », op. cit., p.
33).
[33] Le premier à posséder ce format fut un
cahier de Louis Gillet sur Les Primitifs
français, qui se justifie par la présence de reproductions d’œuvres d’art
plastique (CQ VI-7, 20 décembre
1904). Eddy Marix a dû, lui, payer le cahier à compte d’auteur (nous suivons
pour une fois Henri Guillemin, Charles
Péguy, Seuil, 1981, pp. 152 et 164 n. 2).
[34] Nous n’avons guère trouvé que trois vers
cités dans le Gil Blas (Berthe
Delaunay, « Alphonse XIII à l’Île de Wight », 27e année,
n° 9683, 21 avril 1906, p. 1) et la pièce recensée par
Alain Corbellari, qui évoque – durement – les « lourds alexandrins »
de cette « pièce ronflante » dans Joseph
Bédier, écrivain et philologue (Droz, 1997, pp. 139 et 288). Henri Guillemin juge même le cahier de
Marix « pitoyable » (Charles
Péguy, op. cit., p. 164 n.
2). – Relevons une évocation succincte : « Eddy Marix, Drama, 1905 »
dans The Romanic Review (p. 278 d’Albert
Eugene Curdy, « Arthurian
Literature. II », The Romanic
Review, vol. 1, n° 3, juillet-septembre 1910) et une mention tout aussi
brève dans deux ouvrages de Wolfgang
Golther : Zur deutschen Sage und
Dichtung: gesammelte Aufsätze, Berlin, Behr, 1914, p. 149 ; Tristan und Isolde in der französischen und
deutschen Dichtung des Mittelalters und der Neuzeit, Berlin, De Gruyter,
1929, p. 70.
[35] Auguste Martin, « Pour l’honneur de
l’esprit. Correspondance entre Ch. Péguy et R. Rolland », Cahier Romain Rolland, n° 22, 1973, p.
137.
[36] Auguste Martin, « Pour l’honneur de
l’esprit », art. cité, p. 264 (Romain Rolland à Péguy, le 9 août
1908 : « Donnez-moi des nouvelles de Marix, je vous prie. »).
[37] Bibliothèque de Mme Sarah Bernhardt. Catalogue, t. I, Leclerc, 1923, p. 22, notice 90.
[38] RHLF,
p. 341. – La lettre de Marix à Péguy du 17
décembre 1904 mentionne effectivement un courrier de Péguy à Jules Claretie,
administrateur général de la Comédie-Française.
[39] CQ VI-15, p.
<163>.
[40] Figure néanmoins
au programme des fêtes théâtrales de Béziers, le
21 août 1910, « un mimodrame-ballet de M. Gabriel Boissy, la Résurrection
d’Adonis ».
[41] Περὶ
τῆς Συρίης
Θεοῦ (De Dea Syria),
VI. – Rodin a sculpté une œuvre sur le sujet ; cf. Hélène Tuzet, Mort et
résurrection d’Adonis : étude de l’évolution d’un mythe, Corti, 1987.
[42] A 1903.
[43] BACP 33, p. 5. – On ne confondra pas ce témoignage
et l’expression ambiguë choisie par Henri Clouard : « Il [Péguy] y est entré [à l’École normale] en 1894
après une année de service militaire, et un stage à Sainte-Barbe et à Louis-le-Grand. » (Henri Clouard et Robert Leggewie, Anthologie de
la littérature française, 1960, t. II, p. 288 ; Oxford University
Press, 1975, t. II, p. 271).
[44] Raoul
Blanchard, Ma jeunesse sous l’aile de Péguy, Arthème Fayard, 1961.
[45] Jules Durel (pseudonyme de Joseph Lotte), « Œuvres
choisies. 1900-1910, par Charles Péguy », Bulletin des professeurs catholique de l’Université, n° 5, 23 mai 1911. Le
passage est fameux, on le retrouve dans : Pierre Pacary, Un compagnon du Péguy : Joseph Lotte
(1875-1914), Gabalda, 1916, p. 7 ; Louis-Alphonse Maugendre, La Renaissance catholique au début du XXe siècle,
Beauchesne, 1963, pp. 184-185 ; dom Louis Bergeron, Dom Louis Baillet,
moine de Solesmes (1875-1913), l’ami bénédictin de Péguy, tapuscrit, 1975,
p. 22 ; BACP 103, pp. 299-300.
[46] Péguy
écrit à Ernest Tharaud le 12 juillet 1905 : « Tu es une brute épaisse
de ne pas être allé voir à Chaville, 14 route des Gardes, ce bougre qui est
malade, immobilisé, seul » (Simone Fraisse [dir.], Revue des lettres modernes, série « Charles Péguy », t.
II : « Les Cahiers de la
quinzaine », 1983, p. 118 ; cote au Centre Péguy d’Orléans :
CL-IV-354-355).
[47] Jérôme et Jean Tharaud, Notre cher Péguy, Plon, 1926, p. 55.
[48] J. et J. Tharaud, Notre cher Péguy, op. cit.,
p. 48.
[49] Félicien
Challaye, Péguy socialiste,
Amiot-Dumont, 1954, p. 24.
[50] Michel Manoll,
Entretiens avec Robert Garric, Éditions de l’épargne, 1970, p. 46.
[51] Jacques Viard, Philosophie de l’art littéraire et
socialisme selon Péguy, Klincksieck,
1969, p. 135 n. 63.
[52] A 1903 et
B 1590.
[53] CQ
VI-15, p. 67.
[54] Page 4 d’Edmond-Maurice Lévy, « Mes
souvenirs de Charles Péguy » [8 décembre 1965], éd. Wladimir Rabi, FACP 175, pp. 1-7.
[55] František
Laichter, Péguy et ses Cahiers de
la quinzaine, Maison des sciences de l’homme, 1985, p. 131.
[56] Traduction
du rabbinat, publiée comme on sait en 1899.
[57] RHLF,
p. 347 ; Auguste Martin, « Pour l’honneur de l’esprit », art.
cité, pp. 157 et 183.
[58] RHLF,
pp. 363-365. – Paul Marix était propriétaire au
Tréport d’une villa et
d’un grand domaine, dont l’ancien poste de sémaphore qu’il acquit à la
fin de 1905. Il s’intéressa à la desserte des Terrasses par une ligne
de tramways électrique puis par le funiculaire du Tréport (Édouard Hospitalier,
« Chronique de l’électricité », L’Industrie
électrique, 1re année, n° 13, juillet 1904, p. 516). Sur
ce terrain, aménagé d’abord en terrasses en 1906, apparurent
quelques petites habitations et Paul Marix y fera construire en 1911 un grand hôtel
(« Les Terrasses », Le Gaulois,
46e année, 3e série, n° 12257, 6 mai 1911, p. 2). (« 200
chambres, Salles de bains, Golf, Tennis. Téléphone 62 et 86. 3 heures de
Paris », le « grand hôtel
Trianon Les Terrasses » fut construit sous la direction de l’architecte
Henri Sauvage et dynamité par
les Allemands en 1942 dans le cadre
de l’opération du Mur de l’Atlantique.
[59] Jacques
Viard, « Les Œuvres posthumes de Charles Péguy », Cahiers de l’Amitié Charles-Péguy, n°
23, 1969, pp. 256-257 puis RHLF, p.
364.
[60] R. Vaissermann, La Digression dans l’œuvre en prose de Charles Péguy, thèse de
doctorat, Université d’Orléans, 2005, pp. 237-238.
– Le sainfoin ne fleurit d’ailleurs qu’une fois l’an, et en mai.
[61] Arnaud Teyssier, Charles Péguy. Une humanité française, Perrin, 2008, p. 221 ; cf. Julie Sabiani dans CACP 27, p. 9 n. 14.
[63] FACP 191, p.
21 ; manuscrit de la main de Péguy coté MTCQ-II-17 (les
dix autres feuillets de formats divers sont aujourd’hui séparés en deux lots de
cinq). Le texte figure dans le CQ VI-15, pp. <V> et
<VII>.
[64] Pierre Suire, Le Tourment de Péguy, Laffont, 1956, p. 101.
[65] Pie Duployé, La
Religion de Péguy, Klincksieck, 1965, p. 444.
[66] Simone Fraisse, Péguy et le Moyen-Âge, Champion, « Essais sur le
Moyen-Âge », 1978, pp. 35-36.
[67] Ch.
Péguy, Œuvres poétiques et
dramatiques, éd. Cl. Daudin, P.
Bruley, J. Roger & R. Vaissermann, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 2014 [désormais : P2], p. 769. – Hélas, le poème de Péguy y a été estropié de
trois vers.
[68] La date
est celle de la mort de Marix. Nous respectons la typographie du cahier (CQ X-6, 27 décembre 1908, p. <9>),
comme en B 1544.
[69] Marix désigne par le nom de leurs
auteurs trois cahiers récents, à savoir respectivement : Un épisode (CQ IX-6, 15 décembre 1907), Sur
le chemin des souvenances (CQ
IX-7, 29 décembre 1907) et Der Professor
ist die deutsche Nationalkrankheit (CQ
IX-8, 12 janvier 1908) ; lettre citée dans RHLF, p. 368.
[70] P2
627 (Ch. Péguy, Œuvres poétiques complètes, éd. Marcel Péguy & Julie Sabiani,
Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1975 [désormais : P1],
p. 529) ; mais nous revenons à la
typographie originelle (CQ XIII-4, 22
octobre 1911, pp. <11>, <13> et <15>).
[71] P2
777 (P1 673) ; nous respectons la typographie du cahier (CQ XIII-12, 24 mars 1912, p.
<13>).
[72] BACP 86, p.
148.
[73] Nelly Wilson, Bernard-Lazare: Antisemitism and the Problems of Jewish Identity in
Late Nineteenth-Century France, Angleterre, Cambridge University Press,
1978, p. 324 n. 29.
[74] Romain Rolland, Péguy, Albin Michel, 1945, t. I, p. 286 : « N’oublions pas la
dédicace en tête de l’œuvre : « Dilectissimis
in intimo corde » – « aux très chéris dans le fond du cœur » –, les
trois jeunes têtes sur lesquelles se pose le regard de Péguy... »
[75] FACP 207, p.
3.
[76] Alain de
Benoist, Bibliographie générale
des droites françaises, Coulommiers, Dualpha, « Patrimoine des
lettres », 2005, t. IV, p. 435.
[77] P2 1676.
– Cf. Ch. Péguy, Le Mystère des saints Innocents, Salvator, 2016, p. 19.
[78] Bernard
Guyon dans son Péguy (Hatier,
« Connaissance des lettres », 1960, p. 4 et 1973, p. 4) ainsi que l’abbé
Joseph Barbier dans Claudel : poète de la
prière (Mame, 1962, p. 6).
[79] Marie-Clotilde
Hubert, Exposition Péguy, BnF, 1974,
p. 154.
[80] Vente aux enchères Baron Ribeyre &
associés du 14 novembre 2013, lots 55-56 et 58.
[81] CQ
VI-15, p. 51 (Tristan) : « Ô mère ! Ô Blanchefleur ! Et ma gorge
voudrait / Crier sur l’océan un sanglot sans arrêt ! »
[82] Un poète l’a dit (un écrit posthume, il est vrai) : B 873.
[83] RHLF,
p. 355.
[84] Louis de Gonzague, CQ VII-8 : B 387.
[85] À nos amis, à nos abonnés, CQ
X-13 : B 1280 ; remarquons que ce n’est pas tout à fait « le
centre de son texte » (CACP 27,
p. 36 n. 2). – Péguy avait-il pu, en racontant en B 1269 sa « crise
de foie » de la fin de l’été 1908 (maladie datée du 10 septembre 1908), ne
pas songer déjà à son ami ?
[86] La mort de Bernard-Lazare n’est-elle pas
au contraire ineffable pour Péguy ? Cf.
Vladimir Jankélévitch, La Mort,
Flammarion, 1966, première partie : « La mort en-deçà de la
mort », chapitre II, § 5 : « Silence indicible, silence ineffable ».
[87] CQ X-13, 30 juin 1909.
[88] L’Anarchie, in-folio, numéro du 30 juillet 1908.
[89] R. Vaissermann, La Digression dans l’œuvre en prose de Charles Péguy, op. cit., pp. 267-268. Cf. Jacques Viard, « Les Œuvres posthumes de Charles Péguy »,
op. cit., pp. 250-251 et RHLF, p. 371 ; B 1577.
[90] B 1312-1315.
[91] À
nos amis, à nos abonnés, CQ X-13 : B
1314 n. 1.
[92] CACP
27, p. 36 n. 2.
[93] Romain Rolland à Péguy, le 3 septembre
1908 : Auguste Martin, « Pour l’honneur de l’esprit », art.
cité, p. 267.
[94] Eylau fit plus de 13 000 morts dans la
Grande Armée et obligea Napoléon à différer l’offensive ; dans la France
de l’époque, les naissances de garçons en un jour étaient cependant inférieures
à ce total (13 000 garçons naissaient en neuf jours environ, à l’échelle
de toute la France).
[95] Pour preuve de ce soutien, renvoyons à
la correspondance fournie échangée par Péguy et les Marix, toutes lettres que
conserve le C.P.O. et que recense Julie
Bertrand-Sabiani dans Charles Péguy et les « Cahiers de la
quinzaine ». Catalogue de la correspondance générale, t. I, Ville d’Orléans, pp. 45 et 49.
[96] Jaunisse
qui alite Péguy trois semaines en septembre 1908, neurasthénie consécutive et
même tentation du suicide à la mi-novembre 1908 (B XXXIX)…
[97] Nous
sommes des vaincus, posthume : B 1319.
– C’est Paul Marix qui consent cet « effort » à Péguy, en lui
envoyant à plusieurs reprises, par quinzaine, une somme de 100 francs.
[98] Vers 6 : P2 1140 (P1
896).
[99] Lettre de Maritain à Baillet du 31
décembre 1908, Péguy au porche de l’Église, Cerf, « Textes »,
1997, p. 100 : « Je lui répondis [à Péguy] alors [au premier semestre
de 1908] que j’étais tout disposé à faire ce pèlerinage pour Marix, mais que la
participation de Péguy n’était acceptable que s’il allait à Chartres en
chrétien […] ».
[101] Pie Duployé, La
Religion de Péguy, op. cit., pp.
443 et 457.
[103] RHLF, p. 334.
[104] E.-M. Lévy, « Mes souvenirs de
Charles Péguy », art. cité, p. 4.
[105] Certains membres éloignés de sa famille
furent accusés de l’être (Philippe Sapin, Indicateur
israélite. Noms, professions et adresses des Juifs de la France entière,
Lyon, chez l’auteur, 1900, p. 321 – source qu’on utilisera avec précaution).
[106] CQ
VI-15, p. 107.
[107] Page 29 de
« Charles Péguy et Blanche
Raphaël », Les Nouveaux cahiers,
6e année, n° 22, automne 1970, pp. 28-32
[108] Eddy
Marix, 2, villa Veneta, Victoriastrasse, Bad Nauheim, Allemagne. On ne sait de quelle sœur il s’agit.
[109] Jacques et Raïssa Maritain, Œuvres
complètes, vol. XII :
« 1961-1967 », Éditions Saint-Paul, 1992, p. 175 (ce qui devient en B
1590 et p. 30 de Péguy au porche de l’Église,
op. cit. : « Péguy lui a dit sa conversion » !).
[110] Il s’agit de Saint-Pierre-en-Port. – J. et R. Maritain, Œuvres complètes, vol. XII, op.
cit., p. 188.
[111] RHLF, p. 353. –
« Alors » : en avril 1908, quand Péguy n’avait pas encore révélé
au public son retour à la foi.
[112] Celui qui écrit le 4 décembre 1906 à
Péguy : « Agnosco ! »
[113] Celui qui traduisit Le Monde sans Dieu. A New Catechism de M. M. Mangasarian (texte
original : 1902 ; en français : CQ V-11, 1er mars 1904) et présidera en 1907 l’Union de
libres penseurs et de libres croyants pour la culture morale.
[114] CQ
VI-15, p. 152. Cf. Pierre-Yves Le
Priol, En route vers Chartres. Dans les
pas de Charles Péguy, Le Passeur, « Chemins
d’étoiles », 2016, pp. 139-140 : « […] ce cher Marix,
engagé lui aussi dans la voie d’un approfondissement religieux […] ».
[115] C’est Émile Littré qui traduit les deux volumes de
ce livre. Première édition : 1839-1840 ; 2e édition
traduite sur la 3e édition allemande : 1856-1864.
[116] RHLF, pp. 351 et 360.
[117] Lettre d’Edmond-Maurice Lévy à Lazare
Prajs (Lévrier) en date du 8 septembre 1960, citée dans Lazare Prajs,
Péguy et Israël, Nizet, 1970,
p. 112 n. 48.
[118] RHLF,
p. 359. – L’Évolution créatrice était
parue au début du mois de mai. – Bref commentaire de cette « union sacrée judéo-chrétienne contre
Renan, rationaliste, scientiste, père du modernisme » dans Péguy devant Dieu de Bernard Guyon
(Desclée De Brouwer, 1974, p. 106).
[119] Pages 229-230 de Simon Bloch,
« Nouvelles diverses », L’Univers
israélite, 13e année, n° 1, septembre 1857, pp. 227-235.
[120] Page 214 de Jacques Weinberg, sermon du
20 novembre 1863, L’Univers israélite,
19e année, n° 5, janvier 1864, pp. 214-220. – Aaron Marix
(1816-1876), grand-oncle d’Eddy, venait de faire solennellement présent d’un Sefer Torah au Temple de Lyon,
« pour rendre grâce au Seigneur du rétablissement de sa digne et
charitable épouse, dont les jours étaient menacés par une grave maladie. »
[121] Simon Bloch, « Une solennité au
temple de Lyon », L’Univers
israélite, 19e année, n° 5, janvier 1864, pp. 213-214.
[122] René Johannet, Vie et mort de Péguy, Flammarion, 1950, pp. 453-454.
[123] CACP
27, p. 132 ; cf. l’unique rêve
connu de Péguy, confié en décembre 1911 à Pierre Marcel (ibidem, p. 84) : « J’ai rêvé que nous étions morts.
Jamais nous n’avions été si heureux. Une grande quantité de questions, qui nous
embarrassent, étaient, du même coup, solutionnées.
Jamais nous n’avions été aussi libres. Nous marchions, Blanche, toi et moi,
comme dans une campagne. L’air était vif et léger. Nous allions le nez à l’air.
Blanche à gauche, toi au milieu, moi à droite. À un moment vous fîtes mine de
me quitter. Je vous dis : Où allez-vous.
Alors vous avez éclaté de rire et vous avez dit : Eh bien, nous rentrons dans le sein d’Abraham. Je haussai les
épaules et je vous dis : Mais non, venez
donc dans le Paradis, on rigole davantage. Et vous vîntes. »
[124] CQ
VI-15, p. 63. – Vont plus loin que nous Thierry Dejond (Charles Péguy. L’espérance d’un salut universel, Culture et vérité,
1989, p. 37) pour qui c’est « surtout à Eddy Marix […] que Péguy doit son
initiation aux textes sacrés et à la tradition juive », ou Charles Coutel
(Petite vie de Charles Péguy, Desclée
De Brouwer, 2013, p. 58).
[125] Cote au Centre Péguy d’Orléans : CL-III-471 et
472.
[126] Isaac S. Bassan, Contribution à l’intervention chirurgicale dans les néphrites médicales,
Lyon, Storck, 1903, pp. 8-12. Cf.
Raoul Poussié, Traitement du mal de
Bright par la néphro-capsulectomie ou opération d’Edebohls, Montpellier,
Firmin, Montane & Sicardi, 1906.
[127] CQ
VI-15, p. 18.
[128] RHLF, p. 342.
[129] CQ
VI-15, p. 52.
[130] RHLF, p. 366. – Si la lettre de
Marcel Péguy n’a pas été retrouvée, la nouvelle de la mort de Marix en revanche
correspond au télégramme du 1er septembre 1908, reçu par Péguy ce
même jour.
[131] Maritain, dans sa lettre à Baillet du 31
décembre 1908, ne se rend pas compte de l’inopportunité de cette exigence en évoquant
« cet incident qui, semble-t-il, lui est resté sur le cœur » (Péguy
au porche de l’Église, Cerf, « Textes », 1997, p. 100).
[132] « Nécrologie »,
Le Temps, 48e année, n° 17235, 2 septembre 1908, p. 3. – Romain Rolland lit l’article et écrit
aussitôt à Péguy (Auguste Martin, « Pour l’honneur de l’esprit.
Correspondance entre Ch. Péguy et R. Rolland », Cahier Romain Rolland, n° 22, 1973, p. 266). – Même texte : « Deuil »,
Le Matin, 25e année, n°
8953, 1er septembre 1908, p. 4 ; cf. Francesco Ferrari, « Deuil », Le Figaro, 54e année, 3e série, n° 245, 1er septembre 1908,
p. 2.
[133] Concession
à perpétuité n° 373, année 1892, dans Gilles Plaut, Recherches
cimetières en milieu juif. Cimetière du Montparnasse. Division XXX, 1997,
p. 28.
[134] BACP 86, p.
153.
[135] RHLF, pp.
359-360.
[136] RHLF, p.
336.
[137] E.-M. Lévy, « Mes souvenirs de
Charles Péguy », art. cité, p. 7. – Jacques Viard répond vertement à l’argument
du père « très généreux » : (RHLF,
p. 336) : « Croit-on vraiment, comme on l’écrit, que Péguy aurait
nommé Marix un prophète par simple
politesse, pour remercier de ses souscriptions généreuses le père du Juif à qui
est dédié Le Porche du mystère de la
deuxième vertu […] ? »
[138] RHLF, p.
371.
[139] FACP 188, p. 9.
[140] BACP
65, p. 3.
[141] FACP 174, p.
37.
[142] CACP
27, p. 219.
[143] Les faire-part du décès d’Aimée et celui
de Marguerite seront publiés dans Le Matin (48e année, n°
17422, 1er décembre 1931, p. 2) pour la première, dans Le Matin (53e année, n° 19271, 24 décembre 1936, p. 2), Le Figaro (111e année, n° 360, 25 décembre 1936, p.
2) et L’Univers israélite (92e
année, n° 17, 1er janvier 1937, p. 271) pour la seconde.
[144] Roméo
Arbour, Revues littéraires éphémères
paraissant à Paris entre 1900 et 1914, Corti, 1956, p. 60.
[145] FACP 104, p. 31.
[146] CACP
27, pp. 83-84 ; cf. FACP 69,
p. 6. C’est moi qui souligne.
[147] Jacques-Henri Dreyfuss (1844-1933), fils du
rabbin de Saverne, élève du Séminaire rabbinique de Paris et diplômé du premier
degré rabbinique (1862-1868), fut rabbin de Sedan (1874-1879), grand-rabbin de
Belgique (1880-1891) puis grand-rabbin de Paris, après Zadoc Kahn et avant
Julien Weill.
Sa nomination à Paris suscita polémique : malgré des sermons au
patriotisme ardent et son choix de la nationalité française, on mit en doute
son patriotisme, parce qu’il avait été en poste à l’étranger et que son père
était demeuré en Alsace après 1871. La montée de l’antisémitisme politique en
Allemagne et en France, surtout après 1886, le rendirent sceptique envers la
modernité, non sans rigorisme moral. Il exaltait la piété et le sacrifice, au
mépris de la souffrance et de la persécution. – Sur lui : Jean-Philippe
Schreiber, Dictionnaire biographique des Juifs de Belgique. Figures du
judaïsme belge. XIXe-XXe siècles, De Boeck &
Larcier, 2002, pp. 89-90.
[148] Première
édition : BACP 91, p. 374 ;
édition postérieure mais moins soignée : BACP 147, p. 327.
[149] « À
la mémoire de Charles Péguy », L’Univers
israélite, 71e année, n° 17, 15 janvier 1915, p. 234.
[150] Page 153 de Baruch Hagani, « Ceux qui
pieusement sont morts… Charles Péguy », L’Univers israélite, 71e année, n° 15, 1er
janvier 1915, pp. 151-153. – Citation de Notre jeunesse, CQ XI-12,
17 juillet 1910 (dans Ch. Péguy, Œuvres
en prose complètes, t. III, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 1992, p. 137).
[151] Professeur
de lettres en CPGE au lycée Paul-Cézanne (Aix-en-Provence), éditeur de « Châteaux
de Loire » et vers inédits de Charles Péguy (Delatour, 2016).