Les Cahiers de la quinzaine en 1905

 

Dans la période de 1897-1914 où s’écrit son œuvre, un fait historique marque Péguy. Le 31 mars 1905, face à la France qui proposait à l’État du Maroc une réforme se traduisant par un protectorat, Guillaume II en escale à Tanger conteste l’influence exclusive des Français au Maroc. Le 12 avril, une circulaire de la Chancellerie allemande demande une conférence internationale pour régler la question marocaine. Remous dans la classe politique française ; le 19 avril, le ministre français des Affaires étrangères offre puis retire sa démission. Mais de l’importance du « coup de Tanger », Péguy ne prend conscience qu’à l’été 1905, ressentant une révolution intérieure comparable à sa conversion au socialisme. Robert Burac date une première « crise » de Péguy en juin 1905, que traduira Notre patrie le 22 octobre[1]. De fait, Delcassé démissionne le 7 juin 1905. Péguy complète sa panoplie militaire au Bon Marché le 19 juin 1905 et le 23, croyant imminente une attaque allemande, interrompt la 6e série des Cahiers[2]. Dans la Pléiade, R. Burac distingue comme « période des Cahiers » les séries I à IV (1900 – mai 1905), VII à X (oct. 1905 – juin 1909) et XI à XIV (oct. 1909 –1914).

Mais juin 1909 ne voit nul événement bouleverser l’ordre européen. R. Burac parle de « révolution intérieure »[3] ayant produit le Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, commencé vers le 15 juin 1909. La foi de Péguy a-t-elle des implications littéraires dans ce début du Dialogue ? Quel autre événement pourrait avoir infléchi en 1909 l’écriture de Péguy ? Un accord franco-allemand sur le Maroc[4] (9 février) ; des grèves postales (mars, mai)… Quant à Péguy, le 20 juin, il « doit s’aliter à cause peut-être d’une angine » et « le rétablissement sera difficile »[5]. Rien de majeur jusqu’à la fin de l’année. La vaine visite de Maritain à Lozère le 22 juillet n’a guère heurté que les sentiments religieux du foyer Péguy-Baudouin. En a été bouleversée la famille, non l’œuvre de Péguy. Si 1909 donne lieu à une coupure, seul juin 1905 constitue un tournant.

D’ailleurs, Charles Péguy, la révolution et la grâce, plus récent, dégage trois autres périodes après 1900 : « L’apprentissage » (1900-1904), « Attendre, voir venir, faire venir » (1905-1910), « Maintenant je m’abandonne » (1910-1914). La seconde coupure intervient après le Dialogue charnel et avant le Mystère de la charité, considérant l’écriture de la foi plus que les croyances personnelles. Mais, d’après les confidences biographiques et textuelles, le retour de Péguy à la foi n’est-il pas datable en biseau de 1905-1907 ? Le Mystère de la charité n’a constitué une découverte de la foi de Péguy qu’aux yeux des contemporains qui le connaissaient mal. Fin 1904, Péguy déclarait dans Zangwill : « Le monde moderne, l’esprit moderne, laïque, positiviste et athée, démocratique, politique et parlementaire, les méthodes modernes, la science moderne, l’homme moderne, croient s’être débarrassés de Dieu ; et en réalité, pour qui regarde un peu au-delà des apparences, pour qui veut dépasser les formules, jamais l’homme n’a été aussi embarrassé de Dieu. » et le voilà qui reconnaît, fin 1905, dans Louis de Gonzague : « Héritiers des chrétiens, nos pères, de Pascal recevons cet enseignement que le salut éternel est d’un prix infiniment infini ». Les inédits de la période 1905-1910 font pressentir les confidences à Jacques Maritain (5 mars 1907) et Joseph Lotte (10 septembre 1908), et le thème chrétien de la Création apparaît dès la production de ces années 1905-1907. À cet égard, la coupure de 1905 permet une périodisation économique[6], qui a seule l’avantage de tenir compte à la fois de l’évolution religieuse de Péguy et du choc politique de Tanger. On séparera donc deux époques nettes dans la vie des Cahiers : 1900 – juin 1905 (séries I-IV) et octobre 1905 – 1914 (V-XV).

Car sous des dates différentes, la première période de la biographie est en fait la même : les événements de la guerre russo-japonaise et le discours de Tanger donnent à la vie de Péguy une tonalité tragique et font prendre conscience à Péguy qu’un conflit international est imminent. Le 11 mars, l’armée de Kouropatkine est écrasée à Moukden ; le 27 mai, l’escadre russe de la Baltique est anéantie par les Japonais... R. Burac ne se focalise pas sur un mois particulier et voit en l’an 1905 un tournant. C’est apparemment le seul dans la vie des Cahiers, d’autant que 1905 est aussi le moment d’une inversion rythmique de l’écriture péguienne, qui fut d’abord plus à l’aise dans le planifié et le linéaire que dans la boucle, puis qui prend un chemin buissonnier en marge de la grand-route de la raison – 1905 introduisant dans cette évolution profonde la césure d’un événement. Mais la guerre menace. Cette révélation de l’avance de l’armée adverse aux frontières, ce sentiment et cette sensation de l’avance de l’âge oppriment les capacités créatives et les libèrent tout à la fois en mettant sous pression l’écriture. Le mouvement d’approfondissement s’allie à un mouvement d’ascension.

Cette évolution stylistique vient-elle d’une époque heureuse ? Répondons en deux points.[7]

 

Année morose

 

Tout pourrait aller bien. En octobre 1904, Péguy choisit de collaborer avec Ernest Payen, qui créait sa propre imprimerie au 13, rue Pierre-Dupont à Suresnes. De plus, les Cahiers obtiennent une certaine reconnaissance. Dans le Cri de Paris (16 octobre 1904), Urbain Gohier déclare des Cahiers : « On n’écrira point l’histoire politique et sociale de cette période sans s’y reporter. » En janvier 1905, Les Essais publient un article aussi élogieux d’Étienne May sur « Les Cahiers de la quinzaine ». Le 1er décembre, le prix de La Vie heureuse revient à Romain Rolland pour les premiers tomes de Jean-Christophe, parus aux Cahiers. Le 24 décembre, le Journal de Genève publie un article de Samuel Cornut sur « Les Cahiers de la quinzaine ». Au 1er avril 1905, André Bourgeois voyait augmenter son salaire : les Cahiers vont-ils bien ? Non. Le gérant des Cahiers est découragé. Sa revue a une très mauvaise santé financière. Telle est la triste conclusion du bilan qu’établit Eddy Marix le 30 octobre 1905.

Alors que Péguy a réussi, en 1904, à éditer des Cahiers plus nombreux que les cahiers en projet ou préparation, en 1905 c’est le retour à la normale : les projets se multiplient et dépassent le nombre des cahiers édités. Ce qui pourrait être un signe de vitalité tombe en fait mal.

Le cap optimiste et volontariste des 3000 exemplaires auquel Péguy est parvenu épisodiquement dès la fin de la 1re série et presque la norme pour la 3e série. Ce bon chiffre, qui était le minimum de la 6e série, s’effrite lors de la 7e série. Après le 26 novembre 1905 (CQ VII-6), il sera rarement égalé (CQ IX-16, X-1, XV-3) ou dépassé (CQ VII-18, VIII-2). Mais dans le courant de 1905, les 3000 exemplaires sont une quasi-constante rassurante.

Entre décembre 1902 et mai 1905 (CQ IV-6 et VI-17), les abonnés sont passés de 1400 « et quelques » à 1229… La chute du nombre d’abonnés semble antérieure ; sa prise de conscience date de 1905.

La série VI, la plus stable en tirage et deuxième meilleur score de pagination (alors que la III, qui détient le meilleur score, est une série instable), fait place à une série ordinaire avant la dégringolade qui suivra en réalité. Les séries VI et VII (celles de 1905) sont donc des séries de tassement. Mais rien d’inéluctable. Le gérant se fatigue à la tâche : le rythme de parution est bien régulier, la série VI est la plus importante en pages publiées ; la VII montre un tassement mais honorable : 3e meilleur total (après la V, 2e) bien que la taille des cahiers aille diminuant de volume en 1905, d’une baisse sensible surtout lors de la série VII

Financièrement, 1905-1906 sont des années de difficultés. En 1904 cessent les abonnements de propagande ; 1905 est l’année du document audit de Marix et de la commandite ; en 1906 commencent les abonnements sur whatman. Les collaborateurs mettent la main à la poche, de différentes manières il est vrai, pour voir leurs œuvres publiées. Péguy contracte des dettes importantes, poursuivi qu’il est par d’autres plus anciennes.

On comprend mieux le pessimisme avec lequel Péguy observe les événements politiques extérieurs. Le 20 juillet 1905, il est maintenu dans les cadres de réserve de l’armée active à sa demande et le 9 septembre 1905 nommé lieutenant de réserve à la 19e compagnie du 276e R.I. : adieu la vie civile, adieu les Cahiers. Cet été-là, Péguy songe à liquider les Cahiers pour écrire une thèse et enseigner en Province, à cause de son surmenage et de la menace de guerre. Péguy doit demander à Albert Baudouin de remplacer au secrétariat des Cahiers – à la fin de juillet et en août – le fidèle Bourgeois lui aussi malade. La maladie frappe encore Eddy Marix.

Alors Péguy fuit dans divers espoirs. Il veut le 4 mai fonder sa revue en commandite au capital de 120 000 francs et, le 29, il estime à 97 000 francs la valeur du stock des Cahiers, ce qui ne tient guère compte de leur très faible liquidité. Ce projet de commandite l’absorbe tout le mois de juin (CL IV-10 ; 16 juin). À cette époque, Péguy songe à faire imprimer les Cahiers chez Jacques Richet (CL IV-107-108 ; 23 juin), pour gagner du temps et ne plus courir entre son domicile, la Boutique des Cahiers et Suresnes. Le problème n’est pas qualitatif, comme le montre une lettre à Payen (CL II-198, 12 nov. 1904). Autre espoir : les gains que pourrait procurer l’édition d’exemplaires de luxe. Le 31 décembre (CQ VII-8), Péguy commence à tirer des exemplaires des Cahiers sur papier de luxe whatman pour le nouvel abonnement de 100 francs. Ces maigres espoirs seront déçus.

 

Les Cahiers face à la Société nouvelle de librairie et d’édition

 

Le 30 décembre 1904, Péguy gagnait le procès intenté à la S.N.L.É., mais l’année 1905 s’assombrit rapidement : le 5 avril 1905, la S.N.L.É. assigne Péguy et Georges Bellais à comparaître devant le Tribunal de commerce de la Seine pour « attaques diffamatoires et violentes ». Ce n’est que le 10 janvier 1906 qu’elle est déboutée de son opposition au jugement du 30 décembre 1904 et de sa demande reconventionnelle ; ce ne sera qu’en décembre 1906 qu’elle se désistera des appels qu’elle avait interjetés contre Péguy et Bellais ; ce n’est que le 18 avril 1907 que Péguy reçoit les dernières sommes dues par la S.N.L.É. Or la S.N.L.É. est comme une rivale des Cahiers.

Si les Cahiers sont une colonie, la S.N.L.É. en est la métropole, au 17, rue Cujas, Paris Ve. Pour preuves les noms de ceux qui collaborèrent à l’édification des deux cités : Péguy bien sûr, mais aussi les Tharaud, Romain Rolland, Jean Jaurès, Émile Vandervelde, Daniel Halévy, Anatole France, Raoul Allier, à qui s’ajoutent Alexandre Millerand, avocat des Cahiers, ainsi que Victor-Louis Bourrilly, Albert Lévy, Albert Mathiez, Paul Mantoux, Albert Thomas, proches amis de Péguy. La Société utilisera d’abord les services de l’imprimerie de Suresnes (voir encore le « vient de paraître » de l’Essai sur le mouvement ouvrier en France d’Halévy)…

N’est-il pas utile de dresser pour la première fois la liste exhaustive des publications entreprises par la S.N.L.É. jusqu’à l’année de publication 1905, année importante pour cette Société, puisqu’elle avait cédé le 18 novembre 1904 ses services de librairie à Albert Schulz, ne se consacrant plus dès lors qu’aux travaux d’édition ?

Après son mariage et en plein accord avec sa belle-famille, Péguy avait engagé la fortune des Baudouin dans la création d’une librairie de propagande socialiste, le 1er mai 1898. Péguy alors boursier d’études en Sorbonne ne pouvant fonder une telle maison sous son nom propre, la librairie prit le nom de son ami Bellais. De juin 1898 à juin 1899, la librairie édita six livres : Marcel, Le Coltineur débile des frères Tharaud, Les Loups de R. Rolland, Le Prince de Bismarck par Andler, l’Histoire des variations de l’état-major (t. I), l’Action socialiste (Ire série) de Jaurès.

La librairie, rapidement en difficultés, est transformée en société anonyme à capital variable (août 1899) dont les principaux actionnaires sont Hubert Bourgin, Léon Blum, Étienne Burnet, Lucien Herr, Albert Monod, Mario Roques, Désiré Roustan et François Simiand. On reconnaît à Péguy – qui reçoit la fonction de « délégué à l’édition » – 200 actions de 100 francs.

Paraissent cette année 1899 :

 

Gaston Brière, Pierre Caron et D. Maïstre, Répertoire méthodique de l’histoire moderne et contemporaine de la France, 5 vol., 1898-1902

Edgard Milhaud, Le Congrès socialiste de Stuttgart, préf. Jaurès

Émile Vandervelde, Les Villes tentaculaires, « Bibliothèque du Mouvement socialiste », n° 1

 

La Société édite aussi, à l’automne, un Catalogue bibliographique : sciences sociales, économiques, juridiques et politiques, histoire contemporaine, socialisme.

Paraissent en 1900, outre les volumes de la « Bibliothèque socialiste », cités plus loin à part :

 

La Constitution du grand-duché de Finlande. Recueil des lois fondamentales et autres actes officiels

Diète de Finlande en 1889. Réponses des États aux propositions impériales concernant le service militaire personnel, traduit du texte officiel suédois

revue Notes critiques, sciences sociales : bulletin bibliographique [nos 1-20, 1900 ; n° 1, 1901 – n° 57/58, 1906]

Léon Blum, L’Article 7

Bulot, Procès des Assomptionnistes. Exposé et réquisitoire du procureur de la République. Compte rendu sténographique

Jules Guesde, Double Réponse à MM. de Mun et Paul Deschanel, Chambre des députés (15 et 24 juin 1896), « Bibliothèque du Parti ouvrier français » ; Le Collectivisme au Collège de France, « Bibliothèque du Parti ouvrier français »

Paul Lacombe, La Guerre et l’homme. – Ouvrage possédé par Péguy (désormais : « Bibl. Péguy »).

Henry-Charles Lea, Histoire de l’Inquisition au moyen-âge, trad. S. Reinach, introd. P. Frédéricq, t. I : « Origines et procédures de l’Inquisition », 1900 ; t. II : « L’Inquisition dans les divers pays de la chrétienté », 2 vol., 1901

Paul Mautouchet (P. Mantoux), Le conventionnel Philippeaux, « Bibliothèque d’histoire moderne et contemporaine »

Cne Patiens (Gaston Moch), La Réforme militaire. Vive la milice !

Parti socialiste français (P.S.F.), Congrès général des organisations socialistes françaises, tenu à Paris du 3 au 8 décembre 1899. Compte rendu sténographique officiel (Bibl. Péguy) ; Premier Congrès national et international de la coopération socialiste, tenu à Paris les 7, 8, 9 et 10 juillet 1900

Mathurin Régnier, Macette (satire XIII), éd. F. Brunot et alii

A. Richard, Manuel socialiste, « Parti ouvrier socialiste révolutionnaire [Union fédérative du Centre] »

 

Mais une mauvaise gestion conduit la librairie au bord de la faillite. Reprochant à la société ses agissements plus commerciaux qu’idéologiques et devant le refus de celle-ci de mettre à exécution son projet de périodique authentiquement socialiste, Péguy démissionne avec Bellais (28 octobre 1900). En 1901, les actions de Péguy et de Bellais sont remboursées par semestre.

Paraissent en 1901 :

 

Congrès international des voyageurs et représentants de commerce tenu à Paris du 8 au 11 juillet 1900 sous la présidence de M. A. Millerand

Émile Bertaux, De Gallis qui sæculo XIII a partibus transmarinis in Apuliam se contulerunt, thèse, Fac. des Lettres de l’Univ. de Paris (F.L.U.P.)

Alexandre Bertrand, Réflexions sur l’Inquisition au moyen âge

Pierre Bertrand, Les Atrocités de la guerre de Chine, « Publication du Comité d’action socialiste contre la campagne de Chine »

Theophila Cohn, Contribution à l’étude de l’anatomie pathologique et de la pathogénie des nodosités des cornes utérines d’origine salpingienne

Comité général du P.S.F., Projet d’unité socialiste soumis à la ratification des groupes ; Discussion sur l’unification et l’organisation du parti. Novembre 1900 – février 1901

Henri Gilardoni, La Courbe de la contraction ventriculaire, th., Fac. des sciences de l’U.P.

D. Halévy, Essais sur le mouvement ouvrier en France. – Bibl. Péguy.

Adolphe Landry, L’Utilité sociale de la propriété individuelle, th., F.L.U.P. ; De « Responsibilitate » sontium, th., F.L.U.P.

H.-Ch. Lea, Léo Taxil, Diana Vaughan et l’Église romaine, histoire d’une mystification ; Esquisse d’une histoire de la main morte, trad. S. Reinach

Wilhelm Liebknecht, Souvenirs. Souvenirs d’exil en Suisse (anno 1849). Souvenirs de jeunesse. Premier discours. Quand j’étais maître d’école, trad. J.-G. Prodhomme et Ch.-A. Bertrand

L. Melchine, Dans le monde des réprouvés. Souvenirs du bagne sibérien, trad. J.-É. Legras

P.S.F., Deuxième Congrès général des organisations socialistes françaises, tenu à Paris du 28 au 30 septembre 1900. Compte rendu sténographique officiel ; Troisième Congrès général des organisations socialistes françaises, tenu à Lyon du 26 au 28 mai 1901. Compte rendu sténographique officiel ; [Cinquième] Congrès socialiste international, tenu à Paris du 23 au 27 septembre 1900. Compte rendu analytique officiel

Paul Roux, Des dommages-intérêts pour nullité de contrat, th., Fac. de droit de l’U.P.

 

La société continue son existence sous la direction de Félix Malterre (1900-1902) puis Clément Rueff (1902-1904).

Paraissent en 1902 :

 

Léon Cahen, Le Grand Bureau des pauvres de Paris au milieu du XVIIIe siècle, contribution à l’histoire de l’Assistance publique, « Bibliothèque d’histoire moderne » sous les auspices de la Société d’histoire moderne (S.H.M.), t. I, fasc. 3

P. Caron et Philippe Sagnac, L’État actuel des études d’histoire moderne en France

Théophile Cart, À la recherche d’une langue internationale.

N. C. Frederiksen, La Finlande, économie publique et privée

Charles-Victor Langlois, L’Inquisition d’après des travaux récents

Aimé Lavy, L’Œuvre de Millerand, un ministre socialiste. – Bibl. Péguy.

H.-Ch. Lea, Histoire de l’Inquisition au moyen-âge, t. III : « Domaines particuliers de l’activité inquisitoriale », trad. S. Reinach

E. Milhaud, La Science économique, leçon d’ouverture au cours d’économie politique à l’Université de Genève

P.S.F., Quatrième Congrès général du Parti socialiste français, tenu à Tours du 2 au 4 mars 1902. Compte rendu sténographique officiel ; Table analytique des matières contenues dans les comptes rendus des Congrès généraux des Organisations socialistes françaises (Paris 1899, 1900 ; Lyon 1901 ; Tours 1902)

 

En 1903 :

 

Raoul Allier, Le bordereau annoté, étude de critique historique. – Bibl. Péguy.

Louis Cazamian, Le Roman social en Angleterre (1830-1850), th., F.L.U.P.

Émile Chauvet, La Protection légale des travailleurs en Espagne, th., Fac. de droit de l’U.P.

Léon Côte, L’Industrie gantière et l’ouvrier gantier à Grenoble, préf. Jaurès

Armand Guillon, Essai historique sur la législation française des faillites et banqueroutes avant 1673, th., Fac. de droit de l’Univ. de Rennes

Élie Halévy, Thomas Hodgskin (1787-1869)

J. Jaurès, Le Faux impérial : discours prononcé à la Chambre des députés (6 et 7 avril 1903)

Eugène Prévost, Le Procès du Bon-Pasteur. Plaidoirie de Me Eugène Prévost. Arrêt de la Cour de Nancy

Louis Radiguer, Maîtres imprimeurs et ouvriers typographes, th., Fac. de droit de l’U.P.

Gustave Rodrigues, Quid de mundi externi existentia senserit Cartesius, th., F.L.U.P. ; L’Idée de relation, essai de critique positive, th., F.L.U.P.

Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, nouvelle édition, éd. G. Beaulavon

Nahum Slouschz, La Renaissance de la littérature hébraïque (1743-1885), th.

Joseph-Trumbull Stickney, De Hermolai Barbari vita atque ingenio, th., F.L.U.P. ; Les Sentences dans la poésie grecque, d’Homère à Euripide, th., F.L.U.P.

Ludovic Trarieux, Cinq plaidoiries : l’Union générale, l’affaire Chambige, le procès Raynal, le procès de la Ligue des droits de l’homme, le procès de Gyp

 

En 1904 :

 

L’armée : ce qu’elle doit être, ce qu’il faut modifier

Mélanges de philologie offerts à Ferdinand Brunot, à l’occasion de sa 20e année de professorat dans l’enseignement supérieur

Pour l’Arménie et la Macédoine. Manifestations franco-anglo-italiennes [introd. V. Bérard et P. Quillard ; F. de Pressensé, Clemenceau, D. Cochin, A. France, Jaurès, M. Sembat…]

Victor-Louis Bourrilly, Fragments de la première Ogdoade de Guillaume du Bellay, Seigneur de Langey, th., F.L.U.P. ; Guillaume du Bellay : seigneur de Langey, 1491-1543 (Bibl. Péguy).

André Chapron, L’Heure unique

Pierre Georget La Chesnais, La Représentation proportionnelle et les partis politiques

Comité de protection et de défense des indigènes, La Situation des indigènes aux Comores

Pierre Conard, La Peur en Dauphiné (juillet-août 1789), S.H.M., t. I, fasc. 1

Joseph-Émile Dresch, Gutzkow et la Jeune Allemagne

Louis Eisenmann, Le Compromis austro-hongrois de 1867, th., Fac. des sciences politiques et économiques de Dijon

A. France, Le Parti noir

Jules Gay, Le Pape Clément VI et les affaires d’Orient (1342-1352), th., F.L.U.P.

Albert Lévy, Stirner et Nietzsche, th. auxiliaire, F.L.U.P.

Albert Mathiez, Les origines des cultes révolutionnaires (1789-1792), S.H.M., t. I, fasc. 2

Anton Menger, L’État socialiste, trad. E. Milhaud, introd. Ch. Andler, 1904

Georges Nicolet, Essai sur le style de l’Épître aux Hébreux et des lettres de saint Paul, th., Fac. de théologie protestante de l’U.P.

Dr Valérien Boleslas Pietkiewicz, Cure radicale des fistules d’origine dentaire

R. L. M. (Théodore Reinach), Histoire sommaire de l’Affaire Dreyfus

Louis Reynaud, N. Lenau, poète lyrique, th. ; Recherches sur la date des poésies lyriques de Lenau, th. auxil.

G. Rodrigues, L’Existence du monde extérieur d’après Descartes, th., F.L.U.P.

Marie Sevadjian, Nouvelles, trad. F. Macler

François Simiand, Le Salaire des ouvriers des mines en France, th., Fac. de droit de l’U.P.

Raymond-Charles Weill, Recueil des inscriptions égyptiennes du Sinaï, th., É.P.H.É., 3 fasc. en 1 vol.

 

Rueff, après avoir puisé dans la caisse, s’enfuit aux États-Unis. Le remboursement des actions de Péguy et de Bellais en est interrompu. Après un long conflit, Péguy obtient satisfaction des tribunaux (1904-1906). En 1905 paraissent :

 

L’Affaire Dreyfus. Le Procès Dautriche, compte rendu sténographique in extenso, 705 p.

La Diète de Finlande, 1904-1905, 63 p.

H. Bourgin, Fourier. Contribution à l’étude du socialisme français, th., 617 p. – Bibl. Péguy.

V.-L. Bourrilly, Jacques Colin, abbé de Saint-Ambroise (14??-1547). Contribution à l’histoire de l’humanisme sous le règne de François Ier, S.H.M., t. I, fasc. 4, 140 p.

P. Caron, Publications de la Société d’histoire moderne. Série des instruments de travail, « I. Concordance des calendriers républicains et grégorien », 59 p.

Émile Combes, Une deuxième campagne laïque : vers la séparation, XVIII-549 p.

Albert Demangeon, Les sources de la géographie de la France aux Archives nationales, 120 p.

Ferdinand Dreyfus, L’Assistance sous la Législative et la Convention (1791-1795), S.H.M., t. II, fasc. 1, 180 p.

Axel Charlot Drolsum, La Norvège, état souverain, 128 p.

Édouard Droz, Au Petit-Battant, scènes de la vie populaire en province, VI-460 p.

Pompiliu Eliade, Histoire de l’esprit public en Roumanie au dix-neuvième siècle, t. I : « L’occupation turque et les premiers princes indigènes, 1821-1828 », XLII-402 p.

Alexis François, La Grammaire du purisme et l’Académie française au XVIIIe siècle, th., XV-279 p.

« Ligue de l’affranchissement », Loi fondamentale de l’Empire russe, projet d’une constitution russe, préf. P. Struve, XXXV-139 p.

Paul Grunebaum Ballin, La Séparation des Églises et de l’État, étude juridique sur le projet Briand et le projet du gouvernement, préf. A. France, III-392 p.

James Guillaume, L’Internationale : documents et souvenirs (1864-1878), t. I : « De la fondation de l’A.I.T. à avril 1870 », LVII-302 p., 1905 ; t. II, X-356 p., 1907.

Léon Legras, Les Légendes thébaines en Grèce et à Rome. Étude sur la « Thébaïde » de Stace, th., F.L.U.P., 356 p. ; Les Légendes thébaines dans l’épopée et la tragédie grecques, th. auxiliaire, F.L.U.P., 192 p.

Jules Marsan, La Sylvie du sieur Mairet, tragi-comédie-pastorale, édition critique, th., F.L.U.P., « Société des textes français modernes », LXII-244 p.

Georges Pagès, Contributions à l’histoire de la politique française en Allemagne sous Louis XIV, 103 p. ; Le Grand Électeur et Louis XIV, 1660-1688, XXVI-672 p.

Auguste Pouget, Les Idées religieuses et réformatrices de l’évêque constitutionnel Grégoire, th., Fac. de théologie protestante de l’U.P., 148 p.

Henri Schirmer, Georges Périn et la géographie. 1838-1903, préf. Clemenceau, LXXII-852 p.

Charles Schmidt, La Réforme de l’Université impériale en 1811, IV-132 p.

Émile Terquem, Généraux de débâcle et de coup d’État, XII-239 p.

 

En 1906, la société entre dans une période de sommeil, le montre le registre des procès-verbaux d’assemblées générales, vierge de 1907 à 1909 et de 1911 à 1929, année où Maurice Loewé et M. Roques sont nommés liquidateurs et reversent les profits résultants à l’édition des œuvres complètes de L. Herr. Paraîtront en 1906 un seul ouvrage, en 1907 quatre ouvrages et en 1908, encore un seul. Les derniers actes de la société dateront de 1932.

Or la collection de la « Bibliothèque socialiste », près de 50 volumes in-16 simples ou doubles, véritable fleuron de la S.N.L.É., rappelle curieusement les Cahiers. Des centres d’intérêts identiques, des collaborateurs communs, une taille voisine… Voici la collection complète, à bien distinguer de la « Bibliothèque socialiste (de l’agglomération parisienne du parti ouvrier) », qui est un éditeur actif de 1886 à 1897 :

 

1900, 1 : Maurice Lauzel (pseud. de M. Loewé), Manuel du coopérateur socialiste, 100 p. – Bibl. Péguy.

2-4 : É. Vandervelde, Le Collectivisme et l’évolution industrielle, 285 p.

1901, 5 : H. Bourgin, Proud’hon, 97 p.

6-7 : L. Blum, Les Congrès ouvriers et socialistes français (1876-1900), 2 vol., 99+99 p.

8 : K. Marx et Fr. Engels, Le Manifeste communiste, trad. Andler, 2 parties en 1 vol., 100 p.

9-10 : Ch. Andler, Le Manifeste communiste de Karl Marx et F. Engels. Introduction historique et commentaire, 212 p.

1902, 11-12 : William Morris, Nouvelles de nulle part ou une ère de repos. Roman d’utopie, trad. P. Georget La Chesnais, 2 vol., 346 p. – Bibl. Péguy.

13-14 : A. France, Opinions sociales, 2 t. en 1 vol., « I. Conte pour commencer l’année. Crainquebille… » et « II. La religion et l’antisémitisme. L’armée et l’affaire. La presse… », 99+217 p. – Bibl. Péguy.

1903, 15 : A. Millerand, Le Socialisme réformiste français, 121 p.

16 : François Fagnot, Le Syndicalisme anglais, résumé historique (1799-1902), 115 p.

17 : André Créhange, Le Gaz à Paris, 97 p.

18-19 : Charles Fourier, Le Socialisme sociétaire : extraits des œuvres complètes, éd. H. Bourgin, 200 p.

20 : A.Thomas, Le Syndicalisme allemand, résumé historique (1848-1903), 101 p.

1904, 21 : Albert Schaeffle, La Quintessence du socialisme, trad. B. Malon, 110 p.

22 : Maxime Leroy, Le Code civil et le droit nouveau, 117 p.

23-24 : Lieutenant Z., L’armée aux grèves : grève générale des mineurs (oct.-nov. 1902), 166 p.

25 : Charles Albert, Jean Duchène et Georges Renard, Paroles d’avenir, 101 p.

26 : Iouda Tchernoff, Louis Blanc, 112 p.

1905, 27 : Eugenio Rignano, La Question de l’héritage, introd. A. Landry, 116 p.

28-29 : Édouard Dolléans, Robert Owen (1771-1858), 227 p.

30-31 : E. Milhaud, La tactique socialiste et les décisions des congrès internationaux, 2 t. en 1 vol., 232 p.

32 : Adrien Veber, Les Impôts, 116 p.

33 : Étienne Buisson, La Grève générale, 93 p.

34-35 : François Fagnot, Le Chômage, « Institutions de secours et d’assurance » et « Les subventions de l’État aux caisses syndicales », 2 vol., 102+108 p.

36 : Paul Louis, Le Colonialisme, 110 p.

É. Cornély éditeur

1906, 37 : Gracchus Babeuf, La Doctrine des Égaux : extraits des œuvres complètes, 96 p.

38 : Georges Fréville, Les Retraites ouvrières, 93 p.

39-40 : É. Vandervelde, La Belgique ouvrière, 192 p.

1907, 41-42 : G. Bourgin, Histoire de la Commune, 192 p.

F. Rieder éditeur

1920, 43 : Gal Alexandre Percin, L’Armée de demain, 95 p.

1921, 44 : Ossip-Lourié, La Révolution russe, 125 p.

45 : Dr André de Maday, La Charte internationale du travail, 127 p.

1922, 46 : Ernest Poisson, Socialisme et coopération, 128 p.

 

1905, c’est finalement l’année où les Cahiers tiennent bon quand la S.N.L.É. sombre, et où ils se transforment, de revue qu’ils étaient, en maison d’édition, en partie parce que la S.N.L.É. s’éteint. Quant à l’argent dû par la S.N.L.É. à Péguy et tardivement remboursé, c’est lui qui constituait le fond de roulement nécessaire aux nombreuses publications de la S.N.L.É. : voilà pourquoi la S.N.L.É. doit s’arrêter de publier peu après d’avoir remboursé ses dettes à Péguy et d’avoir comblé le trou laissé par Rueff.

Beau bilan que ce Petit index alphabétique du Catalogue analytique sommaire et Table analytique très sommaire de la sixième série (CQ VII-1), le 1er octobre 1905. 1905, c’est pour toujours l’année où en janvier La Délation au droits de l’homme (CQ VI-9) flétrit le combisme ; où en octobre Notre patrie (CQ VII-3) répond à Leur patrie de Gustave Hervé (début juin 1905) ; l’année où sont écrits en novembre Par ce demi-clair matin, fin 1905 Heureux les systématiques, en décembre Les Suppliants parallèles (CQ VII-7), qui distinguent révolte et révolution ; l’année où le 31 décembre Louis de Gonzague (CQ VII-8) appelle à la vigilance face aux menaces de guerre.



[1] A 1873.

[2] B XXVII.

[3] A XII.

[4] Une conférence internationale de conciliation se réunit à Algésiras de janvier à avril 1906 : l’intégrité du Maroc est confirmée, l’acte final reconnaît la prépondérance française au Maroc. À partir de 1906, l’ingérence administrative et financière française progresse. Le Sultan est renversé, la tension monte. En février 1909, France et Allemagne trouvent un accord mais la conquête militaire française se poursuit et l’Allemagne réinterviendra.

[5] B XLI.

[6] Cf. les conclusions de R. Balibar (Les Français fictifs, Hachette, « Analyse », 1974, p. 164) : « Péguy fit trois parts successives dans sa vie d’écrivain » : période mêlée de journalisme et de littérature (jusqu’en 1900), journalisme politique (jusqu’en 1905), période où les Cahiers deviennent une collection littéraire.

[7] Grâce à plusieurs sources d’information : l’article de Géraldi Leroy « Pour une histoire financière des Cahiers de la quinzaine » (ACP 93, janv.-mars 2001, p. 7-29), le mémoire inédit de Marie-Charlotte Godderidge Charles Péguy et l’édition des « Cahiers » d’après la correspondance inédite (Orléans, 2003), le fonds 40 AQ du Centre des archives du monde du travail (A.N., Roubaix) et Patrice Bellais, petit-fils de Georges Bellais.