Correspondance
inédite de Paul Seippel et Charles Péguy
Seippel
était contemplatif comme un Vaudois et batailleur comme un Genevois[1].
Élève d’Henri-Frédéric Amiel, il entendit à dix-sept ans Hippolyte Taine, venu
lire les premiers chapitres, encore inédits, des Origines de la France contemporaine et Taine s’imposa à lui par la
force et la sincérité de sa pensée. Libre croyant, admirateur de Rousseau en
qui il voit un génie essentiellement religieux, il eut un jour la révélation
d’une foi dégagée de complications dogmatiques, dans la lignée d’autres
protestants émancipés (Ibsen, Carlyle, Emerson) ; ce libéral a des
tendances anarchiques, ce qui se retrouve en politique : il dénonce le
cléricalisme, l’autoritarisme noir et
l’autoritarisme rouge, les dogmatismes de droite et de gauche, pour mieux
défendre l’héritage de la Réforme envers et contre tous, contre Calvin
notamment, dont il dénonce la mentalité romaine. Tout cela, joint à son goût
pour les causes perdues et les personnalités mal aimées, explique l’attrait
intellectuel que Seippel ressentit pour Péguy.
Mais
un dictionnaire aurait d’autres mots : « Paul Seippel
[1858-1926]. Professeur titulaire pendant de longues années de la
chaire de Littérature française à l’École polytechnique fédérale de Zurich[2],
directeur des pages littéraires du Journal
de Genève, essayiste et critique, un des intellectuels suisses romands les
plus influents de sa génération. »
Le professeur appartient à l’Association nationale des
Universitaires suisses. Le critique appartient tout entier au Journal de Genève. Sa Suisse
n’appartient ni à la France ni à l’Allemagne.
Il eut des amis célèbres : Philippe Godet
[1850-1922], Verhaeren, Romain Rolland surtout, en qui il voit un de ces
fidèles de l’Église sans nom et sans dogmes.
1. Seippel, l’ami de Romain Rolland
Il découvre Romain Rolland en février 1904. Il a vite lu
le Théâtre du peuple (V-4) et le
cahier donnant Une lettre inédite de
Tolstoï (III-9).
Il écrit sur Romain Rolland de nombreux articles. Dans le
Journal de Genève : un compte
rendu remarqué de Jean-Christophe. I.
L’Aube (V-9), le 2 juillet 1905 (le premier article important consacré à
cette œuvre) ; un autre de II. Le
Matin (V-10) et de III. L’Adolescent
(VI-8), le 23 décembre 1905. Parallèlement à une présentation, pour la Bibliothèque universelle et Revue suisse,
de « Romain Rolland » (octobre 1911) puis de « Jean-Christophe » (décembre 1912),
Seippel publie en anglais, à la Fornightly
Review (avril 1912) : « M. Romain Rolland’s Jean-Christophe ». Il revient à la langue française dans le Journal de Genève, avec
« L’esthétique littéraire de Romain Rolland », le 2 février 1913 puis
dans la Semaine littéraire, le 5
avril 1913, avec « Les vies héroïques ». Tout cela, avant l’œuvre
maîtresse, Romain Rolland, l’homme et
l’œuvre[3], première
monographie sur l’écrivain et qui évoque Péguy (p. 12-14) :
La
« prostitution intellectuelle » tenait le haut du pavé. Dans le
tumulte de la foire, il semblait que toute parole de vérité dût être couverte
par les coups de grosse caisse et les glapissements des pitres. C’est alors
qu’avec les ressources les plus modestes, un ami de Romain Rolland, Charles
Péguy, fonda les Cahiers de la Quinzaine.
Charles Péguy est, lui aussi, un écrivain d’une puissante originalité. Il était
depuis longtemps connu et apprécié à sa valeur dans les milieux lettrés.
L’Académie française a révélé son nom au grand public, en lui accordant, sur la
proposition de Maurice Barrès, un prix important pour son Mystère de la charité de Jeanne d’Arc. C’est un rude et robuste
ouvrier « en qui survit, a dit Romain Rolland[4],
l’âme raisonneuse et mystique des maîtres d’œuvres gothiques ».
Les Cahiers de la quinzaine ne sont pas une revue, mais de petits
volumes, publiés périodiquement, et contenant chacun une œuvre complète, ou un
fragment d’œuvre important. Tout étant vicié par la réclame, Charles Péguy
résolut de s’en passer complètement. Jamais il n’a voulu démordre de ce
principe. Il l’applique avec une logique invraisemblable. Pas une annonce,
rien. Loin du tumulte des boulevards, il s’est retiré, comme un ermite, dans
une petite boutique obscure de la vieille rue de la Sorbonne. C’était une
gageure. Charles Péguy l’a gagnée. Les Cahiers
de la quinzaine existent depuis plus de douze ans, le premier volume ayant
paru en janvier 1900. La liste serait trop longue des jeunes talents qu’ils ont
révélés : citons au hasard les frères Tharaud et Moselly, tous trois, dans
la suite, lauréats de l’Académie Goncourt, Pierre Hamp, le Gorki français,
Louis Gillet, le critique d’art, les poètes François Porché et André Spire,
Daniel Halévy, André Suarès, le génial auteur de Voici l’homme, enfin Romain Rolland lui-même, qui, en première
édition, a donné aux Cahiers presque
tous ses ouvrages : ses drames populaires, ses biographies de héros, et
son œuvre maîtresse, Jean-Christophe.
Rolland
dira que ce qu’écrit Seippel constitue « le meilleur qu’on ait jamais
écrit » sur lui[5],
avant de préciser de façon pessimiste : « C’est un excellent homme,
mais profondément vieux Genevois et vieux Suisse. il m’aime bien et je l’aime
bien. Mais il ne me comprend guère. » (177) Reste que les paroles émues de
Romain Rolland dans « À Paul Seippel. Offrande funèbre de
Jean-Christophe » (Semaine
littéraire, 20 mars 1926) célèbrent sans concession l’ami Seippel :
« mon ami le plus ancien, le plus fidèle de mes amis de Suisse ».
Qui fut Seippel ? Répondre « l’ami de Romain
Rolland » ne saurait suffire.
2. Seippel le polygraphe
Le découpage chronologique de sa seule biographie
(1858-1898 : les jeunes années, 1898-1914 : le professeur zurichois,
1914-1926 : la guerre et ses suites) ne rend pas l’unité de la très longue
carrière d’essayiste de Seippel, qui travaillait beaucoup, aidé par la
compréhension attentive de sa femme Sophie Seippel-Bovet.
Il travaille pour Le
Soir dès 1884. Mais c’est au Journal
de Genève qu’il fera toute sa carrière, de 1887 jusqu’en 1925 (c’est lui
qui ouvrira les portes du Journal à
Charles-Ferdinand Ramuz [1878-1939]).
Il collabore ponctuellement à la Bibliothèque universelle de Lausanne dès 1889 (et ponctuellement
jusqu’en 1915), à l’Illustration
nationale suisse de Genève dès 1890, à la Semaine littéraire dès 1893 et très fréquemment jusqu’en 1923, à la
Gazette de Lausanne dès 1894 et
fréquemment jusqu’en 1925. Il collabore à Foi
et Vie entre 1908 à 1912. Il écrit occasionnellement dans la Revue bleue (1890), le Foyer romand (1902), La Voile latine de Genève (1906),), Sous le drapeau (1914), La guerre mondiale (1915), La Suisse (1920), La Tribune de Lausanne (1920), la Revue de théologie et de philosophie de Lausanne (1921), La Revue mensuelle (1924).
La bibliographie en langue française[6]
de Seippel est longue.
Seippel fut quelque temps secrétaire au Ministère des
affaires de Serbie puis, en 1895, entreprit un tour du monde destiné à changer
les idées d’un jeune patricien genevois dont il était le mentor :
Antilles, Polynésie, Japon, Chine, Inde, Égypte. Matière de son livre Terres lointaines, voyage autour du monde
(P.-Lausanne, Perrin-Payot, 1897). C’est sous sa direction qu’est publiée
l’encyclopédie La Suisse au XIXe
siècle « par un groupe d’écrivains suisses » (3 vol., Lausanne,
Payot, 1899-1901) ; il y écrit « Coup d’œil d’ensemble. La Suisse en
1900 » (t. 3, p. 543-582).
Le fit connaître son essai sur l’Affaire Les Deux Frances [sic] et leurs origines
historiques (P.-Lausanne, Alcan-Payot, 1905), ouvrage qu’il expliquera
encore en 1906, dans La Critique des
« Deux Frances » (Genève, Jullien). Louis Dumur y répliquera par Les Deux Suisse ; Victor Giraud,
tirant les conclusions des Deux Frances,
par La Troisième France.
À l’époque de sa correspondance avec Péguy, Seippel
publie divers essais (Au pays romand.
Contre les Vandales. Les artistes et le public. Questions religieuses)
souvent tirés de ses réflexions données au Journal
de Genève sous formes de chroniques et réunies sous le titre Escarmouches (P.-Lausanne,
Fontemoing-Payot, 1910).
Plus tard, dans Adèle
Kamm (P.-Lausanne, Fischbacher-Payot, 1912) Seippel dresse le touchant
portrait d’Adèle Kamm, [1885-1911], une jeune lausannoise atteinte de
tuberculose mais désireuse de prendre goût aux jours qui lui restent et de
transmettre dans un écrit (Joyeux dans
l’affliction) sa force aux autres malades. La biographie de cette sainte
protestante sera l’un des plus forts tirages des lettres romandes de son temps (elle
atteindra le 8e mille) et aura huit traductions !
La guerre et ses répercussions sur l’identité suisse lui
feront prendre la plume souvent, des Vérités
helvétiques, (Genève-Zurich, Sonor-Rascher, 1917) à L’Indépendance intellectuelle de la Suisse en coll. avec le Dr
Fritz de Quervain, Leonhard Ragaz et Johann-Jakob-Emil Zürcher (Zürich, Orell Füssli, 1917, p. 5-24) jusqu’à L’Europe libérée : novembre 1918
(P.-Genève, Crès-Kündig, 1919).
Mais revenons à sa correspondance avec Péguy.
3. La correspondance entre Seippel et Péguy :
1908-1914
Hans
Marti semble avoir consulté toutes les archives existant de Seippel en Suisse
et ailleurs pour sa biographie Paul
Seippel : 1858-1926 (Helbing und Lichtenhahn, Bâle et Stuttgart,
1973), la seule qui ait été écrite, et qui est en allemand, signe de l’oubli
plus ou moins volontaire qui frappe Seippel en Suisse romande ! Mais un
prestigieux ami de Seippel semble avoir occulté tous les autres : Romain
Rolland, encore que la correspondance des deux hommes (plus de 60 pièces de
1905 à 1925 !) reste en grande partie inédite[7]...
Ce livre commet donc un oubli de taille dans ce livre : les lettres
adressées à Péguy et celles reçues de lui. Ce livre commet donc un oubli de
taille dans ce livre : les lettres de Seippel à Péguy et celles de Péguy à
Seippel[8].
La
correspondance conservée à la Bibliothèque nationale suisse comprend deux
lettres de Péguy à Seippel et celle conservée au CPO comprend trois copies de
lettres des Cahiers à Seippel et six
pièces originales, dont quatre lettres de Seippel à Péguy ou plutôt à la
rédaction des Cahiers.
Seippel
reçut les Cahiers de la quinzaine à
compter de juillet 1908, devint abonné en 1908-1909 par l’intermédiaire du Journal de Genève et le resta
probablement jusqu’à la mort de Péguy, mais seuls les abonnements aux années
1908-1909, 1909-1910, 1910-1911 et 1911-1912, de la dixième à la treizième
série incluses, sont attestés par la correspondance...
Le
premier document de la correspondance est la réponse des Cahiers (vol. V, p. 88) à une lettre initiale de Seippel non
retrouvée :
mardi 10 octobre
1905
Monsieur Seippel[9]
au Journal de Genève
5-7, rue
Général-Dufour, Genève
Monsieur
Nous avons
l’avantage de répondre à votre lettre du 7 courant ; ainsi que vous nous
le demandez nous vous envoyons aujourd’hui même en un colis postal le Jean-Christophe II et III, notre catalogue et son index ; nous regrettons de ne pouvoir vous faire le service
régulier de nos publications ; nous ne faisons aucun service ; mais
toutes les fois que vous nous témoignerez le désir de recevoir un de nos
cahiers pour en rendre compte dans le Journal
de Genève nous nous ferons un plaisir de vous envoyer ce cahier ;
nous vous prions de
vouloir bien recevoir, monsieur, l’assurance de nos meilleurs sentiments,
l’administrateur
Le
deuxième document de la correspondance (coté CORCQ-IV-97 Inv. 5407) est une
enveloppe à en-tête du « Journal de Genève / rédaction », portant le
cachet du 20 juillet 1908, adressée à « Monsieur Charles Péguy / Directeur
des Cahiers de la Quinzaine / 8 rue de la Sorbonne / Paris » de la part de
« Paul Seippel / Zurich ». Un tampon des Cahiers indique la
date de réception du courrier : le 21 juillet 1908.
Journal de Genève 26
Voltastrasse
Direction littéraire Zurich
18 juillet 1908
Monsieur,
Vous m’avez écrit,
une fois, que vous ne faites pas de service de presse. Désirant cependant
recevoir vos Cahiers, nous nous
décidons, par exception et vu le caractère particulier de votre publication, à
prendre un abonnement à condition que vous puissiez nous envoyer tout ce qui a
paru depuis le commencement de l’année.
Prière de réexpédier
les Cahiers de Jean-Christophe par
retour du courrier et par colis postal, à mon adresse personnelle – quant aux
autres cahiers vous pouvez les envoyer, en un ballot, à la rédaction du Journal de Genève.
Agréez, Monsieur,
mes salutations empressées.
prof. Paul Seippel
adr : Paul Seippel
26 Voltastrasse
Zurich V
Le
CPO conserve une copie de la réponse, de la main d’André Bourgeois (vol. XI, p.
29-30) :
mardi 21 juillet
1908
Monsieur le
professeur Paul Seippel
26 Voltastrasse
Zurich, Suisse
Monsieur
Nous avons l’avantage de répondre à
votre très honorée lettre du 18 courant. Voici comment s’administrent nos
abonnements.
Nos cahiers paraissent par séries.
L’abonnement se prend pour une série.
Une série comporte généralement seize
cahiers.
C’est toujours à la rentrée d’octobre
que nous commençons la publication d’une série nouvelle.
La série IX est entièrement publiée,
mais dans cette série quatre cahiers se trouvent maintenant entièrement
épuisés. Il nous serait donc impossible de vous envoyer cette série IX
complète.
Nous recevons en ce moment les
souscriptions d’abonnement à notre série X.
Le X-1, premier cahier de notre
dixième série paraîtra dans le courant du mois d’octobre prochain.
Nos tirages sont rigoureusement
limités.
Veuillez bien recevoir, monsieur, les
assurances de notre considération très dévouée,
André Bourgeois
Le document suivant (CORCQ-IV-97 Inv. 5408) est une carte postale
portant le cachet du 6 février 1909, adressée à l’« Administration des
Cahiers de la Quinzaine / 8 rue de la Sorbonne / Paris » par le même
« prof. P. Seippel / 26 Voltastrasse / Zurich ». Le tampon des
Cahiers donne la date du 8 février 1909.
Zurich 4
Février
Monsieur
Étant abonné, depuis
cette année-ci, aux Cahiers, j’ai lu
avec intérêt les Cahiers rouges IV et
V de Maxime Vuillaume, et je prépare, sur ce sujet, un article pour le Journal de Genève[10].
Je sais que vous ne faites pas de service de presse mais Mr Péguy m’a écrit
qu’à l’occasion il me ferait envoyer volontiers des cahiers détachés dont je pourrais
avoir besoin. Vous m’obligeriez donc de m’envoyer les numéros I, II et III des Cahiers rouges de Mr Vuillaume.
Agréez, Monsieur,
mes compliments empressés.
P. Seippel
La
lettre suivante (conservée à la bibliothèque nationale suisse) est adressée à
« Monsieur le Professeur Paul Seippel, Zurich, 26, Voltastrasse,
Suisse », écrite de la main de Bourgeois sur papier à en-tête des Cahiers
de la quinzaine mais signée de la main de Péguy :
lundi 4
avril 1910
Monsieur le
Professeur,
Je tiens à vous
écrire combien nous avons été sensibles à l’article que vous avez consacré dans
un récent numéro du Journal de Genève au cahier de M. Suarès intitulé visite
à Pascal[11]. Vous
avez fort nettement marqué en tête de cet article quelles étaient nos
intentions générales, nos mœurs littéraires et l’objet propre de notre effort.
Vous qui connaissez la situation actuelle des Lettres dans les pays de langue
française, et aussi bien dans les autres, vous avez pu mesurer combien cet
effort était difficile. Nous ne saurions y être mieux encouragés que par des
hommes d’une aussi haute autorité que vous, et aussi généralement reconnue.
Je suis, monsieur le
Professeur, votre très respectueusement dévoué
Trois
autres documents composent un tout. Une carte postale d’abord (CORCQ-IV-97 Inv.
5409), dont le cachet est du 6 décembre 1910. Carte adressée à
l’« Administration des Cahiers de la Quinzaine / Rue de la Sorbonne /
Paris » par « Paul Seippel / Genève ». Le tampon des Cahiers y
est du 7 décembre 1910. On lit au recto :
10 rue des Granges
Genève ce 5 Déc.
1910
Veuillez, je vous
prie, prendre note de l’adresse plus haut – Je passe l’hiver à Genève – Quoique
je sois abonné, par les soins de la rédaction du Journal de Genève je n’ai pas reçu les cahiers de la nouvelle
série. Veuillez, je vous prie, m’en faire le service régulièrement et m’envoyer
les numéros arriérés.
Bien à vous.
prof. P. Seippel
Ensuite,
un coupon (CORCQ-IV-97 Inv. 6908) envoyé par l’« Administration du Journal
de Genève / Genève », avec un cachet du 8 décembre 1910, « pour
abonnement de Paul Seippel / 10 rue des Granges / Genève ». Sa valeur est
de 23 francs (français) 75 centimes. Il s’agit du paiement de l’abonnement pour
l’année 1910-1911.
Enfin,
ce coupon a été envoyé à « M. André Bourgeois / 8, rue de la Sorbonne /
Paris » accompagné d’une carte postale (CORCQ-IV-45 Inv. 2412) portant les
cachets de départ du 8 et d’arrivée du 9 décembre 1910 et dont voici le texte,
non signé si ce n’est par un tampon de l’administration du Journal de Genève :
Monsieur,
Nous vous adressons
par ce même courrier un mandat postal de f. 23.75
pour renouvellement
d’abonnement aux « Cahiers de la Quinzaine »
adressé à M. Paul
Seippel prof.
10 rue des Granges
Genève
Avec considération
Le
sixième document (CORCQ-IV-97 Inv. 5410) est une enveloppe à en-tête du « Journal de Genève / rédaction »,
avec un cachet du 25 septembre 1911, adressée à « Monsieur Péguy / Cahiers
de la Quinzaine / Rue de la Sorbonne / Paris » par « Paul Seippel /
Genève ». Le tampon des Cahiers donne la date du 6 septembre 1911. La
lettre porte la marque « vu ». On lit au recto :
Genève ce 5[12]
septembre 1911
Cher Monsieur[13],
– Vous voudrez bien continuer de m’envoyer les Cahiers au compte du Journal
de Genève. Mon adresse sera :
Jusqu’à fin
octobre : 10 Rue des Granges, Genève.
Ensuite, 4 Zurichbergstrasse, Zurich.
Je pense que vous
nous donnerez cet hiver la fin de Jean-Christophe[14].
J’ai l’intention de
parler prochainement dans le Journal de
Genève des Essais sur la vie de
Suarèz[15].
A cette occasion nous voudrions reproduire une partie de l’article
« Servir ». Je ne connais pas l’adresse de Mr Suarès. Auriez-vous
peut-être l’occasion de lui demander s’il veut bien nous accorder
l’autorisation ? Je vous en serai très obligé.[16]
– Permettez-moi de saisir cette occasion pour
Et au
verso :
vous dire avec quel
plaisir j’ai appris la récompense si méritée que vous a décerné [sic]
l’Académie française[17].
– Il est beau de voir comment votre petit groupe indépendant arrive à la
lumière sans compromission ni réclame. Croyez, cher Monsieur, à mes sentiments
dévoués.
Paul Seippel
Une réponse (vol. XV, p. 203) est conservée au CPO :
lundi
25 septembre 1911
Monsieur
le Professeur Paul Seippel
10,
rue des Granges
Genève,
Suisse
Monsieur
M. Péguy nous prie de
répondre à votre aimable carte du 5 courant.
La fin de Jean-Christophe passera en effet très
vraisemblablement dans cette XIIIme série.
L’adresse de M. Suarès
est
monsieur A. Suarès
20, rue Cassette
Paris 6e
Veuillez bien recevoir,
monsieur, les assurances de nos sentiments respectueusement dévoués,
André Bourgeois
Dernière lettre de notre correspondance (conservée à la
bibliothèque nationale suisse), une invitation de Péguy (de sa main) à Seippel,
en des termes qui montrent que Péguy espérait mieux connaître Seippel et s’en
faire un véritable ami :
dimanche premier mars 1914
cher
monsieur Seippel je suis très sensible à vos articles[18].
ne manquez point, si quelque jour vous venez à Paris, de me donner un
rendez-vous aux cahiers. je suis votre affectueusement et fidèlement dévoué
Péguy
Toute cette correspondance n’est pas restée lettre morte,
comme on en jugera par les deux principaux articles que Seippel a consacrés à
Péguy, parmi une activité littéraire assez importante.
4. Les articles de 1914 et la conférence de 1915
Seippel
présente Péguy en un diptyque paru comme « Feuilleton du Journal de Genève », les 22 février
et 1er mars 1914, et lu par Péguy comme le prouve la marque
« vu » de sa main, lisible sur les coupures de presse conservées au
CPO.
Seippel
y compare Péguy à Jean-Jacques Rousseau :
Comme Rousseau,
Péguy est de caractère ombrageux ; comme lui, il foudroie son
siècle ; comme lui, il pourfend tous les puissants du jour ; comme
lui, enfin, il aime à faire des examens de conscience et à se confesser
publiquement. [...] « Je n’ai jamais su, dit-il, m’asseoir dans un
fauteuil, non par crainte des voluptés, mais parce que je ne sais pas. J’y suis
tout raide. Ce qu’il me faut, c’est une chaise ou un tabouret. » - Ô Jean-Jacques,
ne croit-on pas t’entendre parler ?
Seippel
dresse alors une courte biographie de l’homme Péguy puis détaille l’œuvre du
poète mystique d’Ève :
Deux mille strophes
de quatre alexandrins chacune, sans une division, sans une coupure, d’un seul
jaillissement formidable qui fait songer à la cataracte du Niagara. Je dois
bien avouer que je ne comprends pas encore très bien. Je le dis en toute
humilité et sans esprit d’ironie. Et pourtant je me suis donné de la peine.
Sans doute, ma formation intellectuelle est on ne peut plus différente de celle
de Péguy. [...] il faudrait [...] avoir le cerveau fait comme celui d’un
contemporain de Jeanne d’Arc. Peut-être, du reste, sommes-nous en train d’y
revenir. L’humanité vieillie a une tendance à retomber en enfance. Nos peintres
vont bien plus loin que Péguy. Ils nous font des femmes préhistoriques.
Seippel
passe ensuite au prosateur :
On nous a enseigné
que la répétition est une faute de style. C’est, je crois bien, de
Chateaubriand que vient cette idée-là, qui avait tourné chez Flaubert à l’état
de manie. Les grands prosateurs classiques ne l’ont jamais eue. Bossuet ou
Pascal aiment mieux répéter un mot que lui chercher un équivalent approximatif.
Il faut observer que tous les écrivains contemporains qui cherchent à puiser à
la source vive de la langue parlée et populaire (dans notre pays M. C.-F.
Ramuz) loin de fuir la répétition la recherchent. Car le peuple aime les
redites. [...] Chez Péguy la répétition est devenue le principe essentiel du
style.
Il faut songer à un
charpentier, tapant à coups redoublés sur des clous pour les enfoncer dans le
bois dur.
Seippel
réfute tout rapprochement de Péguy et de Jean
Barois :
Le Jean Barois de M. Roger Martin du Gard
nous a été l’occasion d’étudier un de ces voyages aller et retour de la foi
catholique à la libre pensée et de la libre pensée à la foi catholique qu’ont
exécuté tant d’intellectuels français de la génération qui est aujourd’hui
parvenue à l’âge de la maturité. En apparence le cas de M. Charles Péguy est
tout semblable. Élevé lui aussi, en province, dans une famille strictement
croyante[19], il perd la
foi sous l’influence de la discipline scientifique à laquelle il est soumis à
l’école normale. L’affaire Dreyfus le conduit au socialisme révolutionnaire.
Puis, après la liquidation du dreyfusisme, il fait machine arrière et revient
au catholicisme. M. Charles Péguy a donc parcouru exactement les mêmes étapes
que le héros de M. Roger Martin du Gard. Et cependant il ne lui ressemble en
rien.
Car
Seippel finit par mettre en garde le lecteur de Péguy contre toute
récupération ; le pamphlétaire « a toujours suivi qui allait le plus
à l’encontre de son intérêt personnel », dénonçant le règne de l’argent,
célébrant la valeur du travail, faisant front au combisme, retrouvant la foi
naïve de son enfance sans se soumettre à nul dogmatisme :
Qu’on se garde donc,
en dépit de ses opinions présentes, de lui coller dans le dos l’épithète
« traditionaliste ». À coup sûr, n’a-t-il rien de commun avec les
théoriciens du parti. Ils n’ont, eux, qu’une doctrine toute sèche. Péguy a une
foi de poète, toute dans la sensibilité. Je le vois bien plus près d’un
Verlaine que de M. Bourget, ou même que de M. Maurras. Aussi demeure-t-il,
aujourd’hui comme hier, un isolé. Les sincères ne sont-ils pas tous des
isolés ? Il est bien certain que si les idées que M. Péguy défend à cette
heure arrivaient à devenir en France une doctrine officielle, il trouverait
moyen de s’arranger à n’en recueillir aucun avantage. Et si les bons apôtres de
l’Action française, qui font, à
journée faite, l’apologie de la Saint-Barthélemy et de la Terreur blanche,
étaient jamais en mesure de réaliser leur séduisant programme, ils auraient
contre eux, n’en doutez pas, l’intraitable polémiste des Cahiers de la quinzaine. On a beau dire, cet homme n’est pas au
titre. Le virus de l’individualisme l’a contaminé, comme ils disent[20].
On ne s’en guérit pas plus que des fièvres paludéennes. Il n’y a qu’à
voir : l’esprit de liberté et de justice est en lui. Comment ne serait-il
pas suspect d’hérésie ?
Seippel
écrira encore au Journal de Genève un
article nécrologique ému, « Charles Péguy », le 19 septembre 1914,
dont un extrait paraît sous le même titre dans l’Indépendance roumaine du 17 octobre 1914. En voici les passages les
plus intéressants :
Je le revois, assis
sur un tabouret de paille, au fond d’une obscure boutique, où, en face de la
Sorbonne, il préparait ses chers Cahiers
de la Quinzaine. Il était pauvre, il était seul - car les indépendants sont
toujours seuls. Chaussé de gros souliers mal lacés, vêtu d’une vareuse
fatiguée, il avait l’air d’un paysan qui a trop peiné. Mais deux yeux de flamme
luisaient dans sa face blême et tourmentée, qui faisait songer au masque de
Verlaine, un Verlaine dont la vie eût été pure.
Dans les deux
lignes, il était de souche paysanne et s’en vantait. Il sentait couler dans ses
veines le sang d’un vilain de la vieille France. Sa mère, humble femme,
« pauvrette et ancienne », comme la mère de Villon, louait des
chaises dans la cathédrale d’Orléans. Il grandit à l’ombre de ces voûtes
augustes qu’habite l’âme de la Pucelle. Et il eut lui-même une âme faite à la
ressemblance de Jeanne Darc, ardente, candide et mystique.
[...]
L’avenir dira :
dans l’histoire des lettres françaises, il n’y a pas de plus pure gloire que
celle-là. Les hommes de tous les pays et de tous les temps s’inclineront devant
cette tombe, comme devant celle du Tyrtée allemand de 1813, Körner. Et que l’on
inscrive sur la pierre qui recouvrira les restes mortels du héros les fières
strophes de Hérédia :
Heureux ceux qui
pour la Gloire ou pour la Liberté,
Dans l’orgueil de la
force et l’ivresse du rêve,
Meurt ainsi, d’une
mort éblouissante et brève !
En
1914 déjà, le 19 décembre, à Lausanne[21],
Seippel avait donné une conférence sur Péguy, dont il a probablement remanié le
texte pour sa seconde conférence, le 4 mars 1915, à Fribourg.
Seippel
donne le texte de sa conférence de Fribourg à une revue romande : la Bibliothèque universelle et Revue suisse de Lausanne[22]
(1er mai 1915, p. 210-235). Un tiré à part des Imprimeries
réunies (auquel renvoient toutes nos références), conservé au CPO, fut adressé
par Seippel à Charlotte Péguy ainsi dédicacé : « à Madame Charles
Péguy / ce trop imparfait hommage / à la plus pure des gloires françaises / P.
Seippel ». Ce texte « imparfait » porte, il est vrai, une
correction de la main de l’auteur (« aujourd’hui », p. 2, est barré) et, avant de paraître
comme livre à part entière sous le titre Un
Poète français tombé au champ d’honneur chez Payot à Lausanne en 1915, il
recevra encore d’autres corrections(« aujourd’hui » est bien absent
du livre en page 4 ; les coquilles de la page 3 sont corrigées ; la
note est supprimée et un paragraphe se trouve introduit en page 10 ;
« y a-t-il » de la page 27 devient « est-il »). Deux échos
au livre apparaissent dans la grande presse[23].
Seippel
connaît-il bien l’œuvre de Charles Péguy ? Oui. Seippel montre qu’il a
acquis une fort bonne connaissance de celle-ci à la lecture de nombreux livres
de première main. Théâtre : Jeanne
d’Arc, le Mystère de la charité de
Jeanne d’Arc, le Mystère des saints
Innocents. Poésie : Ève. Prose : Marcel, Notre patrie, Notre jeunesse, Victor-Marie, comte Hugo.
Seippel
a également lu les critiques évoquer l’œuvre de Péguy : le pasteur Roberty
bien sûr dans Évangile et liberté, le
28 novembre 1914 ; Maurice Barrès aussi dans l’Écho de Paris, le 26 décembre 1914 et le 27 février 1915
(respectivement « Un témoin raconte la mort héroïque de Péguy » et
« Péguy raconté par le témoin de sa mort »). Mais aussi des articles
de fond : René Johannet, « Péguy et ses Cahiers », (Les Lettres, n° 3, 15 janvier
1914) ; et surtout Daniel Halévy, « Quelques nouveaux maîtres »,
Moulins, Cahiers du Centre. Même le Durel (BPCU,
20 janvier1914, « L’Ève de Péguy ») des resurgements n’est pas
étranger à Seippel.
Nous
donnons ci-après les passages les plus originaux de Un Poète français tombé au champ d’honneur. À commencer par les
divergences que Seippel voit entre Péguy et Romain Rolland (p. 6) :
Grâce à son
intelligence et à son application têtue, Péguy ne tarda pas à devenir un des
plus brillants élèves de l’École normale. Au nombre de ses maîtres, il y en
avait un qui était plutôt un camarade un peu plus âgé : Romain Rolland.
Péguy se sentit attiré vers lui par de communes aspirations morales. Il en
résulta une amitié qui s’affirma plus tard par une longue et féconde
collaboration aux Cahiers de la Quinzaine.
Les deux amis étaient d’ailleurs bien différents l’un de l’autre. Péguy plus
strictement, ce qui veut dire plus étroitement français ; Romain Rolland
Français aussi et bon Français, mais représentant une autre tradition de la
France, la tradition plus largement humaine et d’esprit universel, celle des
grands écrivains du XVIIIme
siècle.
Seippel
approfondit au contraire les ressemblances entre Péguy et Rousseau, remarquant
étonné (p. 15) :
[…] quelle analogie
il y a entre cette conversion [de Péguy] et celle qui, également vers la
quarantième année, terrassa J.-J. Rousseau sur la route de Vincennes et lui
montra la route qu’il aurait désormais à suivre. Comme Jean-Jacques, Péguy
avait jusqu’alors tenté de se conformer à son milieu. Désormais, il se
différencie, en revenant, ainsi que l’avait fait Rousseau, à ses origines.
Ou
bien il rapproche Péguy et Lamennais (p. 16-17) : « Il y a bien des
affinités entre Lamennais et Péguy. L’un et l’autre ont en eux l’esprit de
révolte, un ardent amour de la liberté et du peuple laborieux et le désir de
réconcilier l’Église et la Révolution. » Sans jamais tomber dans le
panégyrique, à preuve ce jugement stylistique sévère (p. 23-24) :
Cette œuvre est
énorme, touffue comme les halliers de l’Argonne, inextricable parfois. Péguy a
écrit des pages admirables et des livres incohérents. Il en est même
d’illisibles. Je ne pense pas qu’on en puisse citer un qui soit un chef-d’œuvre
achevé. [...] mais il laisse une œuvre. Elle me fait songer à un incendie dans
la nuit : des flots de fumée opaque et de brusques jaillissements de
flammes. À dix lieues à la ronde, le pays en est éclairé comme en plein jour.
Cette œuvre ébauchée, mais géniale, est riche de semences qui germeront sans
doute dans l’époque sui suivra la guerre. Il me semble en particulier que Péguy
a trouvé la voie d’une renaissance religieuse en France. Son catholicisme
populaire qui plonge ses racines jusqu’au plus profond du sol français, et
tente, comme Lamennais l’avait fait, de réconcilier par la liberté les deux
grandes forces rivales, l’Église et la Révolution, son catholicisme imagé et
politique est à coup sûr mieux adapté à l’esprit français que le moralisme et
le rationalisme protestants.
Seippel,
après cette grande conférence, continue de se souvenir de Péguy avec fidélité.
Il
donne deux comptes rendus louangeurs du livre d’André Suarès, dans Paris Midi (« Le livre dont on
parle. Charles Péguy », 23 novembre 1915) et dans le Journal de Genève (« Le Péguy
de Suarès », 23 janvier 1916). Il rejoint notamment Suarès dans son
appréciation de la foi de Péguy. Péguy « n’a jamais été loin du
fagot », écrit Suarès, à quoi Seippel répond : « C’était bien la
conclusion à laquelle nous étions arrivé nous-même. Mais nous craignions de
nous être laissé égarer par nos préjugés d’hérétique genevoix. »
Dans
« Péguy et son ami Lotte », le 11 juin 1916, il fait au Journal de Genève la recension de
l’ouvrage de Pierre Pacary Un Compagnon
de Péguy, Joseph Lotte (Gabalda-Lecoffre, 1916).
Seippel
cite enfin Péguy dans son article « L’influence de l’Allemagne en Suisse,
I, L’emprise » (La Semaine
littéraire, 7 octobre 1916).
« Seippel a sa place légitime et nécessaire dans la lignée des
douaniers intellectuels romands »[24] :
il fut un vrai passeur, comme d’autres suisses le furent en leur temps –
d’Alexandre Vinet à Marcel Raymond en passant par Amiel –, et, par son rôle
dans le rayonnement de Péguy, il annonçait finalement Albert Béguin. William
Cuendet[25]
indiquera la pleine mesure de cet agent de liaison nécessaire entre la pensée
de la Suisse romande et celle de la Suisse allemande : « En vérité,
Seippel était un représentant authentique de cette tradition morale qui est
bien l’originalité et la force de notre patrie romande, de cet universalisme de
bon aloi qui a fait l’honneur de Genève. Sa mort est pour le protestantisme de
langue française une perte douloureuse. »
[1] Sa famille, originaire de Cassel, s’était établie à Genève en 1707. Paul Seippel perdit son père à l’âge de neuf ans.
[2] Pierre Kohler [1887-1956] lui succédera.
[3] Ollendorff, 1913. Seippel est l’auteur le plus probable du compte rendu anonyme d’« Au-dessus de la mêlée » (Journal de Genève, 23 septembre 1914). Plus tard, Seippel signera en tous les cas un article intitulé « Dans la mêlée » (Journal de Genève, 26 juillet 1915).
[4] Chronique parisienne de la Bibliothèque universelle et Revue suisse. Novembre 1911, p. 400. (N.D.A.)
[5] Hans Marti, Paul Seippel : 1858-1926, Helbing und Lichtenhahn, Bâle et
Stuttgart, 1973, p. 172 et 177.
[6] Nous donnons ici une bibliographie succincte : quelques tirés à part ne sont pas vraiment à classer parmi ses ouvrages : « La langue et la culture française en Suisse », extrait du Journal de Genève (19, 25 et 30 janvier 1908) ; « À propos d’une conversion. Réponse à M. Ferdinand Brunetière », Genève et Paris, 1895 ; « La Littérature française dans la seconde moitié du XIXe siècle », Lausanne, 1906.
Seippel a aussi préfacé Édouard Junod, capitaine à la légion étrangère (1875-1915), P.-Genève, Crès-Kündig, 1918. Il a introduit Mon village (Genève, Georg puis Jullien, 1919 et 1927) de son ami Philippe Monnier [1864-1911], livre qui atteindra le 8e mille ; il introduit encore La Croix et la crise actuelle de l’humanité (Alençon-Genève, Corbière & Jugain - Fraternité genevoise d’hommes, 1922), les Souvenirs de la Campagne romaine de Jacob-Evert-Louis Van Muyden (Genève, Boissonnas, 1923) du pédagogue Friedrich Wilhelm Fœrster [1869-1966], opposé à la politique de Guillaume II.
Enfin, nous donnons une bibliographie en français : s’il introduit en 1908 des auteurs romands dans la Chestomathie française d’Alexandre-Rodolphe Vinet [1797-1847] en usage dans les écoles, cet auteur écrira néanmoins dans la presse de langue allemande à savoir Wissen und Leben de Zurich (1909-1915), le National-Zeitung de Bâle (1919-1920) et le Neue Zürcher Zeitung (1920). Seippel a aussi publié en allemand les trois volumes de Die Schweiz im neunzehnten Jahrhundert (Berne, Schmid und Francke, 1899-1901). Die heutigen Ereignisse vom Standpunkte der romanischen Schweiz (soit : Les Événements actuels vus de la Suisse romande, Zurich, Buchdruckerei Post, 1915) est, notamment, le texte de sa conférence de Bâle, qui eut une affluence record et déclencha un tollé en Suisse romande. Seippel voulut tenir à ses compatriotes romands le même langage tenu par Carl Spitteler [1845-1924 ; prix Nobel de Littérature 1919] dans sa déclaration à l’opinion suisse germanophone. Cette ambition lui valut bien des inimitiés : le souhait exprimé par Seippel de conserver à tout prix la neutralité fut ressenti comme anti-romand et pro-alémanique. Seippel écrira, peu après, une introduction à F. Hodler. Étude de son développement psychique et de l’importance nationale de son art (titre original allemand ; Zurich, Rascher, 1916) d’Alphonse Maeder.
[7] Dans Romain Rolland, Seippel donne de nombreux extraits des lettres de Romain Rolland à lui-même.
[8] Nous donnons cette correspondance grâce à l’aide reçue de M. Marius Michaud des Archives Littéraires Suisses (Berne) et avec l’aimable autorisation de M. Claude Seippel, fils de Paul Seippel, qui, avec sa sœur Marguerite Seippel, a déposé de précieux documents à ces Archives, en 1986.
[9] « Seipper » de la main d’André Bourgeois corrigé au crayon bleu par Péguy en « Seippel ».
[10] Article non retrouvé, s’il a jamais existé. Seippel possède les cahiers X-7 et 8 et désire acquérir les IX-10, 11 et 12.
[11] Cahier XI-1, 10 octobre 1909. Le compte rendu « Une visite à Pascal » a paru au Journal de Genève le 21 novembre 1909.
[12] Un « 4 » est corrigé en « 5 ».
[13] Pour la première fois, Seippel s’adresse à Péguy en lui disant « Cher Monsieur ».
[14] Les Cahiers donnent en effet du Jean-Christophe cet hiver-là : III. La fin du voyage, déjà « commencée » dans le cahier XI-8, continuera dans les numéros XIII-5 et XIII-6 ; mais elle ne finira que dans la série suivante avec les numéros XIV-2 et 3. Il est très probable que les articles du Journal de Genève non signés intitulés « La fin de Jean-Christophe » (15 septembre et 17 octobre 1912) et « vus » par Péguy, soient de Seippel. Ce qui rend probable l’abonnement de ce dernier aux Cahiers pour 1912-1913.
[15] Sic. Est-ce l’article « André Suarès » paru le 1er septembre 1912 dans le Journal de Genève?
[16] Aucune trace dans la correspondance Péguy-Suarès de cette demande de Seippel. Péguy se contente de donner l’adresse de Suarès à Seippel.
[17] La récompense en question : non le Grand prix de littérature mais le prix Estrade-Delcros le 8 juin 1911.
[18] Il s’agit du diptyque des 22 février et 1er mars 1914 au Journal de Genève dont nous parlons peu après.
[19] Seule affirmation de Seippel au sujet de Péguy qui soit erronée (N.D.É.).
[20] C’est Charles Maurras qui emploie l’expression « virus de l’individualisme ».
[21] Voir l’annonce et le compte rendu de l’initiative dans la Gazette de Lausanne des 17 et 23 décembre 1914 (respectivement intitulés « Charles Péguy » et « La conférence de M. P. Seippel »).
[22] La Bibliothèque universelle de Genève absorba en 1861 la Revue suisse puis s’installa en 1866 à Lausanne. Henry-Albert-Édouard Tallichet [1828-1911] règne en maître jusqu’en 1909 sur ce foyer des voix littéraires de Suisse romande, avant de laisser la place à Philippe Monnier.
La Bibliothèque universelle. Revue suisse suit pas à pas les publications des Cahiers et évoque souvent Péguy dans ces comptes rendus. Comptes rendus du cahier XIII-1 en septembre 1911 ; des XI-13, XI-14 et XIII-2 en octobre 1911 ; des XIII-3 et XIII-4 en novembre 1911, des XIV-4 et XIV-5 en janvier 1913 ; du XIV-6 en mars 1913 ; du XIV-10 en juin 1913 ; du XV-4 en février 1914.
Péguy est aussi cité dans d’autres articles de cette revue : s. n., « La Symphonie parisienne [...] », novembre 1912 ; Henri Bachelin, « Chronique parisienne », mars 1915 ; Arnold Reymond, « Notre neutralité et ses difficultés présentes », juin 1915 ; Victor Giraud, « La Marne (seconde et dernière partie) », octobre 1915.
[23] Un compte rendu anonyme, « Paul Seippel : Un poète français tombé au champ d’honneur », Gazette de Lausanne, 13 août 1915 ; un extrait intitulé « Charles Péguy », Paris-Midi, 23 novembre 1915 avec ce jugement introductif : « Paul Seippel a bien compris Péguy. »
[24] Alfred Berchtold, La Suisse romande au cap du XXe siècle, Lausanne, Payot, 1966, p. 236.
[25] Archive privée (15 mars 1926) citée dans Hans Marti, op. cit., p. 341.