Le verset et la tentation des alexandrins
L’écriture poétique de Péguy à un moment
charnière : 1911
Romain Vaissermann
Surdité fréquente autour de la
poésie :
il suffit d’évoquer tous ceux
qui, en Saint-John Perse,
n’ont jamais entendu le moulin
métrique.[1]
Le 1er avril 1910, Charles Péguy alors en
pleine rédaction du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc confie à
Joseph Lotte : « On n’a rien fait de semblable comme prose musicale,
[…] tous les essais de vers libres qu’on tente depuis vingt ans m’ont mis en
main un instrument épatant ». Le 9 décembre 1911, le secrétaire perpétuel
de l’Académie française Thureau-Dangin note dans Le Temps que certaines
parties de ce Mystère « ont l’allure et le rythme d’une sorte de
poème lyrique ».
De verset, il n’était pas question. Péguy ne prononcera
jamais ce mot, qui néanmoins vient immédiatement à l’esprit d’un lecteur
attentif aux nombreuses citations et allusions intertextuelles que recèle la
trilogie des Mystères de Jeanne d’Arc, directement inspirés, à de
certains moments, de la Bible et de la liturgie catholique. Après Michel Murat
(2002), qui entendit en connaissance de cause revenir au prudent « vers
libre [2]», nous
reprendrons le terme de « verset [3]»
dans la lignée de Jean Onimus (1977), préférant ne pas parler de « vers
libre », sans mésestimer pour autant la proximité entre le vers régulier
et le verset.
L’écriture en prose paraissant seulement dans le
premier et le troisième mystères, c’est bien ce qu’il est convenu d’appeler le
verset péguien qui unit les trois œuvres. Nous l’étudierons dans l’œuvre où il
règne en seul maître : Le Porche du mystère de la deuxième vertu,
et sous l’angle particulier de sa ressemblance avec le vers, car les versets du
Porche sont singulièrement attirés par le rythme de l’alexandrin – le
vers préféré de Péguy – et nombreux à être candidats au nom de « vers
blancs [4]». Il s’agira
de quantifier le phénomène des vers blancs à l’intérieur de l’écriture en
verset ; de déterminer si Péguy adopte, au fil de sa plume, une stratégie
d’évitement de l’alexandrin ; si au contraire les passages riches en
alexandrins sont des moments clefs travaillés pour aboutir à des vers
réguliers.
Péguy a dès 1897 cédé aux charmes de l’alexandrin
et devait y revenir massivement en 1912-1913, aussi l’étude de ces curieux vers
blancs disséminés à travers le Porche intéressera-t-elle non seulement
l’année charnière 1911 – où versets et alexandrins sont comme la forme
chrétienne et la forme païenne conjuguées pour dire l’insertion de l’éternel
dans le temporel – mais l’ensemble de l’œuvre péguienne, puisque celle-ci
s’étend de 1897 à 1913 en ce qui concerne la poésie et 1914 pour la prose.
*
Du plus court ne comportant qu’un mot et une
syllabe[5]
au plus long contenant 118 mots et 175 syllabes[6],
le verset du Porche – ainsi que ses pareils et autres vers libres –
doit, pour exister, se distinguer le plus souvent possible des vers réguliers
et, notamment, de l’alexandrin au mètre 6-6, à ce point fameux qu’il est
souvent présenté comme le plus ample des vers réguliers[7].
Que l’alexandrin est à éviter constitue comme une règle non écrite du verset et
du vers libre français.
Pourtant, on relève – sauf erreur – 255 vers
blancs dodécasyllabes sur un total de 4103 versets[8],
soit près de 6,2 % de vers parfois dits « libres » : près de
deux par page[9]. En outre,
comme si Péguy, après avoir refréné sa tendance à versifier, gagnait peu à peu
en assurance, les vers blancs se raréfient d’abord puis se font de plus en plus
présents : ils sont ainsi 26 dans les 412 versets des 15 premières pages,
27 dans les 559 versets des 20 pages centrales et 26 dans les 312 versets des
10 dernières pages du Porche, dont notre édition de référence comporte
140 pages. Ces données invitent à revoir ce qu’écrivait M. Murat, qui ne
trouvait dans le Porche « presque pas » de séquences 6-6
reconnaissables et expliquait : « Péguy a rompu avec le prosimètre et
les vers blancs, qui caractérisaient la Jeanne d’Arc de 1897 et qui
demeurent un élément constitutif du Mystère de la charité. » non
sans relever pourtant par la suite « une allure quasi métrique, qui tend
vers une image de la poésie versifiée avec l’apparition de strophes et de
moments rimés. [10]»
Nous sommes, certes, encore loin du mètre 6-6
quand nous identifions 255 dodécasyllabes avec prononciation des e muets
et réalisation des éventuelles diérèses : « Et le givre lui fait des
glaçons dans sa barbe. » (27-15) et « À la discrétion du dernier des
soldats » (101-2). L’oubli des « e » caducs et des diérèse
pourrait ne compter que 54 dodécasyllabes blancs (seulement 1,3 %), avec des
vers où la négligence n’est pas sensible à l’oreille, comme « Sa hache et
sa cognée et sa serpe et sa scie » (28-12), ou avec des vers comme
« Et les outils finiss(ent) tout de mêm(e) par s’user. » (29-12) et
comme « Attachement uniqu(e), liaison du cœur fidèle. » (111-21) – si
l’on peut considérer que l’amuïssement prosodique peut se produire à
l’hémistiche sans imposer la caducité du e en position centrale dans
« attachement » ni même, précédemment, celle du e au
centre de la locution adverbiale « tout de même ». Pour
laquelle des deux dictions possibles opter ? L’une tend au
« vers » selon les principes du décompte syllabique, l’autre se veut
« libre » et se rapproche de la prosodie habituelle de la prose.
L’apparente tentation alexandrine du verset n’est-elle que le produit d’une
diction syllabique, qu’on peut estimer déplacée justement là où le verset
s’affranchit des autres contraintes, internes et externes – du mètre, de la
rime et de la strophe ? D’autant que la déclaration de Péguy citée en premier
lieu : « […] tous les essais de vers libres qu’on tente depuis vingt
ans m’ont mis en main un instrument épatant » peut justifier l’effacement
de l’e atone devant consonne ou des finales –es et –ent
devant les voyelles, même dans les finales de rhèse (effacement pratiqué par
Kahn, Laforgue, Vielé-Griffin…).
Avant de répondre à ces questions, examinons si
les dodécasyllabes ainsi repérés sont véritablement des « alexandrins
indubitables [11]».
Car le rythme de ces dodécasyllabes est passablement varié et ne ressemble pas
à celui de l’alexandrin traditionnel : 6-6. Faisons d’emblée un sort à la
prononciation prosifiée. Elle semble toute justifiée par cette ressemblance si
souvent notée entre le style de Péguy et le langage parlé, même si ce n’est pas
sans quelque contradiction avec la grandiloquence que l’on a prêtée tout aussi
souvent au Dieu qui s’exprime – par l’intermédiaire de madame Gervaise – dans
le Porche. Peut-on sans casuistique accorder au Dieu bonhomme de Péguy
54 alexandrins blancs et, dans le même temps, au Dieu grandiloquent 255
alexandrins blancs ? Le grand motif péguien de l’insertion du temporel
dans l’éternel pourrait étayer ce point de vue. N’y a-t-il pas de plus certains
vers (23 au total) qui apparaissent dans l’une et l’autre lectures, comme ceux
qui suivent ?
Et pourtant on est si fier d’avoir des enfants.
(46-14)
Mais c’était un pâle orgueil, un orgueil exsangue.
(72-2)
Quand il s’est dérangé d’être assis à la droite.
(85-1)
Il nous semble plus juste de se fier à
l’appartenance du verset à la poésie et, partant, de donner une diction
uniforme du texte dans le décompte des syllabes, associée à un ton adapté pour
sa part aux divers passages, tantôt bonhommes tantôt grandiloquents, du Porche.
Quel sens y aurait-il à décréter que le fil rouge « J’éclate tellement
dans ma création. » (17-4, 17-19, 17-20, 114-26) pourrait se compter comme
comportant douze syllabes en même temps que « J’éclate tellement dans
toute ma création » (19-4) : 2+4+6 ? Nous pensons que le Porche
requiert une diction toujours respectueuse de la moindre syllabe et que cette
cohérence forme la trame à partir de laquelle s’élabore l’œuvre. Le personnage
de madame Gervaise n’est-il pas le seul à prendre la parole dans le Porche ?
Et madame Gervaise ne respecte-t-elle pas « à la lettre »
l’Évangile ? La calligraphie méticuleuse que l’on connaît aux manuscrits
de notre auteur ne milite-t-elle pas elle-même en faveur d’un rendu phonétique
scrupuleux de chaque syllabe lors de la lecture ? Cela dit, même en les
rejetant du nombre des alexandrins blancs, il n’est pas indifférent que
certains versets rappellent le rythme des alexandrins par leur parallélisme
morphosyntaxique et singulièrement par la présence d’un e final à
l’hémistiche : cet à-peu-près conforte la présence à demi cachée de
l’alexandrin dans le texte du Porche.
Parallélismes
Sur la face de la terre // et // sur la face des
eaux.[12]
(17-9 ; parallélisme avec coordination)
Berger de quel troupeau. // Pasteur de quelles
brebis. (56-4 ; parallélisme avec juxtaposition)
Toi qui apaises // , // toi qui embaumes // , //
toi qui consoles. (152-37 ; parallélisme avec juxtaposition ponctuée)
e finaux
Autant l’enfant l’emport(e) sur l’homme en
espérance. (55-14)
Attachement uniqu(e), liaison du cœur fidèle.
(111-21)
Presque avant la premièr(e), ma fille au sein
immense (153-11)
Le domaine de l’alexandrin est plus étendu qu’on
ne le pense : loin de se limiter au nombre 12, la pensée de l’alexandrin
peut surgir dès six syllabes (surtout si elles sont rythmées 3+3) ou à la
lecture de tout verset d’environ douze syllabes (ainsi qu’à l’audition de tout
verset, pour peu que cette lecture fasse un sort expressif à l’unité-verset).
Inversement, 12 ne signifie pas alexandrin : curieux versets que « Au
jugement même, dans le jugement. Et » (110-17) ou « s’avançaient. La
foi, dit Dieu, ça n’est pas malin. » (114-22) !
Où l’on voit que nous revenons maintenant au
problème soulevé premièrement : nous ne créons pas notre propre objet
d’étude – à savoir ces alexandrins que l’on découvre au sein des versets – en
préconisant une diction qui serait réservée à la poésie régulière. Ce serait
oublier que le fait que ces versets péguiens paraissent dans un mystère invite
à les prononcer de la manière conventionnelle dont l’on disait le théâtre à la
Belle Époque, et oublier encore, de part et d’autre des mystères, autant les
passages versifiés de la première Jeanne d’Arc (1897) – « drame en
trois pièces » où les alexandrins jaillissent hors de la prose et que
Péguy songea fort sérieusement à mettre en scène en 1909-1910 – que la
production poétique ultérieure de Péguy. N’y pas voir un éclairage
anachronique : dans le courant de l’année 1912, l’écriture théâtrale
cédera bel et bien la place à l’écriture poétique, dans la fidélité aux mêmes
thèmes – Jeanne d’Arc compris (La Tapisserie de sainte Geneviève et de
Jeanne d’Arc, novembre-décembre 1912 ; Ève, décembre 1913).
Venons-en donc à ces vers quasi-réguliers
qu’identifie une lecture soignée. La structure ternaire 444 est à peine plus
fréquente que la structure quaternaire 3333 :
444 |
Et au contraire dans le calme d’un beau soir.
(18-21) Et qui seront certainement plus grands que lui.
(30-1) Ah les gaillards ils font semblant de ne rien
faire (38-2) |
3333 |
Assurance, ignorance, innocence du cœur. (39-14) Ô misère, ô bonheur[13],
c’est de nous qu’il dépend (76-20) Tous les jours, dites-vous, tous vos jours sont
les mêmes, (137-27) |
La suite de deux groupes de six syllabes n’est que
majoritaire. Le rythme décroissant 543 et le rythme croissant 345 sont
relativement fréquents à la contester :
5↓4↓3 |
Pour y amasser mesquinement des trésors (19-10) Tout ce que l’on fait on le fait pour les
enfants. (36-17) Et c’est pour cela qu’elle n’en manque jamais.
(126-8) |
3↑4↑5 |
C’est-à-dire, il faut le dire, il dépend de nous
(83-1) Mais aussi c’est pour cela qu’elle est
l’Espérance (126-9) Espérance. Or on me dit qu’il y a des hommes
(143-24) |
Les complètent des rythmes désordonnés, tels les
rythmes déceptifs 354 et surtout 453, l’à peine optimiste 534, l’optimiste 435.
Rythme ascendant
puis descendant
3↑↑5↓4
Peuple alerte, peuple jardinier les jours mauvais
(123-19)
4↑5↓↓3
Qui thésaurise petitement, comme l’homme. (19-6)
Car il est doux et il est honteux de pleurer.
(35-22)
Comme un rapace, comme une bête de proie (71-18)
Rythme descendant
puis ascendant
5↓↓3↑4
Peuple jardinier, qui laboures et qui herses.
(120-31)
Seul un centenier demeurait, et quelques hommes.
(155-24)
4↓3↑↑5
Le Bon Pasteur c’est-à-dire le bon berger. (63-15)
La dévorante inquiétude au cœur de Jésus. (63-19)
Faut-il restreindre le titre d’alexandrin au
verset dodécasyllabe obéissant à l’équilibre symétrique 6/6 ? Accepter en
outre le trimètre régulier ? Jean Mazaleyrat ne voit apparemment un
« verset métrique [14]»
alexandrin que dans les versets césurés[15]
6/6 et 4/4/4… Faut-il, peut-on accepter aussi tout regroupement rythmique
asymétrique du type 5/7 et 7/5, 4/8 et 8/4, etc. ? Accepter tout schéma
rythmique autre ? Et même, le dodécasyllabe régulier coupé 6/6 est-il un
alexandrin s’il est isolé au milieu de versets « irréguliers » ?
Ne convient-il pas qu’il entre dans une certaine relation graphique et
phonétique avec d’autres vers et avec sa strophe d’appartenance ? Auquel
cas les alexandrins isolés du Porche se rapprocheraient finalement de
l’épineux monostique. Or ils sont nombreux : 143 versets (soit 56,1 % du
total des versets) constituant autant d’ensembles dodécasyllabiques singletons
(70,4 % des ensembles dodécasyllabiques) si l’on considère qu’est isolé le
verset dodécasyllabe de rang n sans pareil de rang n+2.
Les autres cas de figure (60 soit 29,6 % des
ensembles dodécasyllabiques – concernant 112 versets non isolés, soit 43,9 %
des versets dodécasyllabes) sont :
-
un verset dodécasyllabe immédiatement suivi d’un autre verset dodécasyllabe
rimant (deux : « Dans le futur du temps et de l’éternité. / Sur le
chemin montant, sablonneux, malaisé. [16]»,
26-11-12 ; « Et qui sont comme un baume au cœur endolori. / Car ils
sont comme un baume au pied endolori. », 130-9-10), assonancé (un seul
cas : « Parce qu’aussi elle est infiniment terrestre. / À celle qui
est infiniment éternelle. », 58-21-22) ou sans rime ni assonance (25 cas)
[28 occurrences : 52 versets, en raison des successions de trois
dodécasyllabes, soit 20,4 % des dodécasyllabes] ;
- un dodécasyllabe immédiatement suivi d’un verset
métrique mais non dodécasyllabe – 1 trisyllabe, cas limite (35-23) ; 1
heptasyllabe (71-8), 1 vers de cinq syllabes (116-18) ; 1 octosyllabe
(47-29) ; 2 ennéasyllabes (46-15 et 122-28) ; 1 décasyllabe en 5/5
(125-5) ; 2 hendécasyllabes (103-9, 127-19) ; enfin 3 vers de
quatorze syllabes, autres cas limites (76-19, 118-2 et 150-21) – puis d’un
autre verset dodécasyllabe [12 occurrences : 24 dodécasyllabes soit 9,4 %
de leur total] ;
- un dodécasyllabe immédiatement suivi d’un verset
non métrique puis d’un autre verset dodécasyllabe [13 occurrences : 25,
oui, soit 9,8 %] ;
- un dodécasyllabe immédiatement suivi de deux
versets métriques puis d’un verset dodécasyllabe (30-28-31, 145-13-16) [2
occurrences : 4 soit 1,6 %] ;
- un dodécasyllabe immédiatement suivi soit d’un
verset métrique puis d’un verset non métrique et enfin d’un autre verset
dodécasyllabe (20-8-11) soit d’un verset non métrique puis d’un verset métrique
et enfin d’un autre verset dodécasyllabe (153-24-27) [2 occurrences : 4
soit 1,6 %] ;
- un dodécasyllabe immédiatement suivi de deux
versets non métriques puis d’un autre verset dodécasyllabe (22-5-8, 128-9-12,
154-22-25) [3 occurrences : 6 soit 2,4 %].
Il est patent que la définition externe du verset
alexandrin – rapport de mètres voire de rimes (nul effet strophique n’est à
relever) – aboutit à des chiffres bien plus modestes que l’analyse métrique
interne. Mais le moyen d’aboutir à un résultat différent dans une écriture en
versets ? N’appliquons pas au verset des exigences auxquelles le vers ne
répond pas toujours. L’apparition du verset dodécasyllabe dépend de ses
cotextes antérieur et postérieur, c’est un fait évident. Mais est peut-être
moins évident le fait que le verset dodécasyllabe apparaisse de préférence au
voisinage de versets plus amples que 12 syllabes.
Les versets non dodécasyllabes que nous venons de
localiser entre deux versets dodécasyllabes sont 39 : 18 sont métriques,
21 non. Voici les versets métriques : 1 dissyllabe (30-29), 1 trisyllabe
(35-23), 1 pentasyllabe (116-18), 1 vers de six syllabes (20-9), 1 heptasyllabe
(71-8), 2 octosyllabes (47-29, 145-15, 153-26), 3 ennéasyllabes (46-15, 122-28,
145-14), 2 décasyllabes (30-30, 125-5), 2 hendécasyllabes (103-9, 127-19),
enfin 3 vers de quatorze syllabes (76-19, 118-2 et 150-21). 15 vers ont moins
de douze syllabes ; 3 en ont plus. Ces versets sont contenus entre 24
versets dodécasyllabes. Voici les versets non métriques : versets de 13
syllabes (50-19, 76-17, 154-23), 15 syllabes (22-6, 153-25), 17 syllabes (22-7,
27-16, 120-20), 18 syllabes (110-18, 128-10), 19 syllabes (87-6), 20 syllabes
(20-7, 36-16), 21 syllabes (76-4, 154-24), 25 syllabes (19-5), 26 syllabes
(128-11, 130-11), 28 syllabes (120-17), 30 syllabes (40-21), 37 syllabes
(20-10). Ces 21 vers ont plus de douze syllabes ; aucun n’en a moins. Ces
versets sont contenus entre 41 versets dodécasyllabes.
Il semble donc que, plus il y a de dodécasyllabes,
plus les versets environnants s’allongent. Le poète semble donc pratiquer le
plus souvent un verset de taille plus ample que 12 syllabes – ce qui confirme
en passant que le mode d’écriture du Porche est bien le verset, connu
pour son étendue – et s’appliquer à ne pas versifier en empruntant des mètres
peu courants (trisyllabes, vers de 6 syllabes, hendécasyllabes)…
Nous avons examiné plusieurs passages, disséminés
dans l’œuvre et ne contenant aucun des vers susdits, afin de déterminer ces
impressions quant à la quantité syllabique des versets du Porche (en
diction poétique, rappelons-le). Voici les résultats du sondage :
Groupes de… |
…moins de 12 syllabes |
…12 syllabes |
… plus de 12 syllabes |
Page 34 Total : 16/2/14 |
3 trisyll. ; 1 pentasyll. ; 1 de six
syll. ; 1 de sept syll. ; 2 octosyll. ; 3 ennéasyll. ; 5
décasyll. |
2 dodécasyll. |
13 syll. : 2 ; 14 syll. :
3 ; 15 syll. : 2 ; 16 syll. : 1 ; 17 syll. :
1 ; 21 syll. : 1 ; 22 syll. : 1 ; 24 syll. :
1 ; 25 syll. : 1 ; 37 syll. : 1 |
P. 51 Total : 15/1/12 |
1 pentasyll. ; 1 de six syll. ; 1
octosyll. ; 4 ennéasyll. ; 3 décasyll. ; 5 hendécasyll. |
1 dodécasyll. |
13 syll. : 2 ; 14 syll. :
2 ; 16 syll. : 1 ; 17 syll. : 1 ; 19 syll. :
1 ; 20 syll. : 3 ; 22 syll. : 1 ; 28 syll. : 1 |
P. 63 Total : 6/2/14 |
1 pentasyll. ; 2 de six syll. ; 3
ennéasyll. |
2 dodécasyll. |
13 syll. : 2 ; 14 syll. :
1 ; 15 syll. : 1 ; 16 syll. : 2 ; 17 syll. :
1 ; 18 syll. : 2 ; 24 syll. : 1 ; 39 syll. :
1 ; 41 syll. : 1 ; 42 syll. : 1 ; 43 syll. : 1 |
P. 81 Total : 14/0/15 |
1 dissyll. ; 5 trisyll. ; 1
tétrasyll. ; 2 de six syll. ; 1 de sept syll. ; 3
décasyll. ; 1 hendécasyll. |
0 dodécasyll. |
13 syll. : 2 ; 15 syll. :
1 ; 16 syll. : 3 ; 17 syll. : 1 ; 18 syll. :
3 ; 20 syll. : 1 ; 21 syll. : 1 ; 24 syll. :
1 ; 26 syll. : 1 ; 31 syll. : 1 |
P. 96 Total : 11/0/14 |
1 de six syll. ; 1 de sept syll. ; 2
octosyll. ; 1 ennéasyll. ; 2 décasyll. ; 4 hendécasyll. |
0 dodécasyll. |
13 syll. : 1 ; 15 syll. :
1 ; 16 syll. : 5 ; 19 syll. : 1 ; 20 syll. :
1 ; 21 syll. : 2 ; 22 syll. : 1 ; 25 syll. :
1 ; 59 syll. : 1 |
P. 111 Total : 18/0/13 |
1 trisyll. ; 3 tétrasyll. ; 5 de six
syll. ; 1 octosyll. ; 5 ennéasyll. ; 3 décasyll. |
0 dodécasyll. |
13 syll. : 4 ; 14 syll. :
2 ; 15 syll. : 1 ; 17 syll. : 1 ; 18 syll. :
1 ; 19 syll. : 1 ; 22 syll. : 2 ; 27 syll. : 1 |
P. 124 Total : 16/1/17 |
2 trisyll. ; 2 pentasyll. ; 1 de six
syll. ; 8 octosyll. ; 1 décasyll. ; 2 hendécasyll. |
1 dodécasyll. |
13 syll. : 1 ; 14 syll. :
2 ; 15 syll. : 3 ; 16 syll. : 1 ; 17 syll. :
5 ; 18 syll. : 1 ; 20 syll. : 1 ; 30 syll. :
1 ; 34 syll. : 1 ; 37 syll. : 1 |
P. 143 Total : 9/4/19 |
4 octosyll. ; 1 ennéasyll. ; 2
décasyll. ; 2 hendécasyll. |
4 dodécasyll. |
13 syll. : 2 ; 14 syll. :
4 ; 15 syll. : 4 ; 16 syll. : 2 ; 17 syll. :
1 ; 18 syll. : 2 ; 19 syll. : 1 ; 20 syll. :
1 ; 22 syll. : 1 ; 24 syll. : 1 |
Le total général de 105 versets inférieurs à 12
syllabes, de 10 versets dodécasyllabes, de 118 versets supérieurs à 12 syllabes
confirme les chiffres concernant les versets dodécasyllabes non isolés :
15/65/24. À savoir que les versets dodécasyllabes sont plus nombreux quand les
versets environnants s’allongent.
Péguy, dans la mesure même où il évite ces
résurgences de l’alexandrin qui sont mécaniques et de la « métrique
involontaire héréditaire [17]»,
hébraïse son verset au sens où il pratique une « rythmique irréductible à
une opposition entre vers et prose [18]»
propre à la Bible. C’est ici qu’il faut en venir à l’éventuelle influence du
verset biblique sur le style de Péguy. Il convient de prêter attention au
statut énonciatif particulier de ces versets théo-logiques du Porche :
si madame Gervaise est le personnage qui prononce toutes les paroles du
mystère, c’est néanmoins parfois au nom de Dieu (et le discours indirect libre
n’est jamais très loin) et parfois – mais parfois seulement – au discours
direct. Par la voix de Gervaise donc, Dieu monologue d’abord (p. 17-22)
puis un prêtre entre en dialogue avec un enfant (p. 22-23). Gervaise entre à son
tour en dialogue avec Jeanne (p. 23-26), laissant la parole apparemment à
Dieu (p. 26-27) puis la reprenant implicitement (p. 27-97). Dieu intervient une
troisième fois (97), laissant ensuite la parole à Gervaise (p. 97-115), puis
une quatrième fois (p. 115-134), Dieu ne faisant parler le vulgaire qu’à
deux reprises (125). Après Gervaise qui reprend la parole (p. 134-143), c’est
Dieu qui parle à la fin du Porche (p. 143-156) et qui continuera,
d’ailleurs, de parler au début du Mystère des saints Innocents. Par
madame Gervaise parle l’Église – 155 versets dodécasyllabes en 100 pages – et
Dieu lui-même dit 99 versets dodécasyllabes en 39 pages. Si le verset
dodécasyllabe est, certes, proportionnellement un peu plus présent dans la
bouche de madame Gervaise faisant parler Dieu, on conviendra qu’il n’appartient
nullement en propre à Dieu.
L’auteur du Porche a donc produit une
imitation du style biblique, la liberté rythmique de son écriture en versets ne
se départant pas toujours du cadre métrique. Les deux domaines ne sont-ils pas
liés ? M. Murat nous a pourtant mis en garde : « Verset
présente deux inconvénients. D’une part, il suppose avec le texte biblique un
lien généalogique et une homologie formelle ; d’autre part, il comporte
une équivoque, car il peut se rapporter à deux choses très différentes :
la segmentation du texte en paragraphes (qui s’applique à l’ensemble du corpus)
et le parallélisme binaire (caractéristique des textes poétiques, en
particulier des Psaumes). La forme du Porche ne présente aucune
correspondance avec ces deux acceptions du verset biblique.[19]
» Nous trouvons que le verset est là fort bien défini ; mais la dernière
phrase citée, en revanche, est une contre-vérité. La Bible nourrit
l’inspiration du Porche de toute part[20] ;
le Porche est segmenté en paragraphes – non numérotés, il est vrai, et
c’est ici la seule différence que nous voyons entre lui et la Bible (une
édition numérotnt les versets du Porche serait même d’une grande
commodité pour l’exégète…) – auxquels Péguy accorde une attention toute
particulière lors de la genèse de l’œuvre ; les parallélismes
morphosyntaxiques abondent, notamment binaires[21].
Quant à la structure accentuelle des versets
hébraïques, si prégnante qu’elle permet par exemple à Henri Meschonnic (op.
cit., p. 429) d’appliquer à ses traductions des versets bibliques le terme
d’« alinéa interne », elle semble nous autoriser à relativiser
l’argument avancé alors par M. Murat : « Dans un premier temps
[p. 63] Péguy reproduit le texte en conservant les versets ; mais lorsqu’il
le reprend, il le redécoupe en unités plus courtes [p. 91-92, puis
107] ; le texte cité s’incorpore au rythme du poème tout en gardant, du
fait de sa syntaxe, une allure distincte. [22]»
Trois faits complètement hétérogènes s’opposent aux sous-entendus d’une telle
affirmation : la composition rythmique des versets bibliques, la tradition
de la glose interprétative et la pratique des traductions, notamment
juxtalinéaires.
Mais si le verset péguien vient de la Bible, que
penser des versets dodécasyllabes ? Faut-il les traiter avec le sentiment
irénique de Jean Mazaleyrat : « Le verset apparaît […] comme métrique
ou non selon qu’il ordonne ou non le discours poétique dans les formes de
l’organisation métrique [23]» ?
Ou avec l’esprit polémique d’Henri Meschonnic : « La Bible n’a pas de
métrique. Donc ne connaît pas la distinction entre la prose et le vers. Mais
elle est de part en part une codification du rythme, corporel-oral, verset par
verset. Jusqu’à contrarier la syntaxe. » ; « le verset biblique,
ayant cette propriété unique d’être un principe de rythme tel qu’il n’y a plus
ni vers ni prose, est une panrythmique. [24]» ?
Loin de ces oppositions, Péguy a sans doute voulu
harmoniser l’héritage poétique français de l’alexandrin et la tradition du
verset biblique. Un simple « là » suffit parfois à l’accord d’un
alexandrin au verset (35-14 : « Et elle ne connaît pas toutes ces
histoires-là. », 121-17 : « Très douloureux jardins des âmes ont
poussé là »). Aussi le lecteur du Porche gagnera-t-il à adopter un
type de diction syllabique sans être toujours classique (puisqu’il pratique la
diérèse classique des mots finis par –tion seulement si besoin est).
Ignorant des possibilités créées par l’apparition du vers libre symboliste, le
lecteur du Porche a la surprise de découvrir comment, chez un poète qui
ne s’était que très peu exprimé en alexandrins et qui ne s’exprimera désormais
plus qu’en alexandrins, l’alexandrin est considéré en 1911 comme un repoussoir
déterminant chez le poète en versets une stratégie d’évitement plutôt que comme
l’aboutissement d’un travail particulier de ciselure.
*
Curieux verset péguien qui, entre étymologie
voulant en faire un diminutif (« petit vers ») et conceptions
d’époque y voyant un « vers long », s’écrit en refusant de s’avouer
présent. Après l’alexandrin pathétique de Jeanne d’Arc en 1897[25],
après l’alexandrin surprise suivant les mètres courts de la Chanson du roi
Dagobert essayée sous pseudonyme en 1903[26],
mais avant l’entraînement aux groupes rythmiques de six syllabes de la Ballade
du cœur (oct. 1911-1912) conservée dans son carton, le verset est encore
pour Péguy un moyen de retrouver cet alexandrin qu’il se refuse à employer
seul. Mais dans le Porche, l’évolution s’accélère : l’alexandrin
est très présent, jusqu’à occuper la place de l’antienne, ce verset qui, dans
la liturgie, introduit (17-4, 19-4, 20-6) ou suit (59-28, 61-14) un psaume ou
encore aère la lecture d’un psaume (127-18, 127-20). Et pourtant, Péguy l’évite
quand il le peut. Bien sûr, le lecteur d’aujourd’hui ne recense pas tous les
versets dodécasyllabes s’il lit le Porche à sa façon, contemporaine mais
anachronique, escamotant les diérèses et refusant de compter l’e caduc.
Mais il convient de ne pas oublier qu’une part non négligeable des versets
laisse analyser son rythme à la façon des vers réguliers, à tel point même que
la définition externe du verset doit intervenir pour dissocier verset de petite
taille et vers régulier. Cette définition externe est nécessaire, entre tous
les versets, pour les dodécasyllabes, qui, s’ils ne sont pas exactement les
vers les plus longs utilisés par les poètes en langue française, doivent
néanmoins à leur grande fortune dans l’histoire littéraire – sous la forme du
mètre 6-6 de l’alexandrin – d’être immanquablement associés, dans l’esprit de
tous, à la poésie régulière. Aussi faudrait-il déterminer si Péguy, qui fait un
assez grand usage du verset dodécasyllabe, est original ou non chez les poètes
ayant pratiqué le verset. Et, ce que nous pensons, si le dodécasyllabe est
généralement évité par souci de démarquer le verset du vers.
Résumé (100 mots)
Un lecteur attentif à l’intertextualité à l’œuvre
dans la trilogie des Mystères de Jeanne d’Arc, largement inspirés de la
Bible et de la liturgie catholique, doit appeler « verset » leur
forme poétique. Ce dernier règne en seul maître dans Le Porche du mystère de
la deuxième vertu. Il y est étudié pour sa ressemblance avec le vers :
quelle est la quantité des dodécasyllabes au sein des versets ? Péguy
adopte-t-il une stratégie d’évitement de l’alexandrin ? L’auteur du Porche
n’a pas dû aller au-delà de l’imitation du style biblique pour conquérir la
liberté rythmique de son écriture.
Abstract (100 mots)
A careful reading of intertextuality in Mysteries
of Joan of Arc – the latter was influenced by the Bible and the Catholic
liturgy – reveals that the poetic form of this trilogy is similar to the
verset. The verset plays a predominent role in The Portal of the Mystery of
Hope. We shall study it because of its likeness to verse. How many dodecasyllabic
lines can be found in the versets ? Does Peguy deliberately avoid the
alexandrine ? The author of The Portal did not need to distance his
style from the biblical style to attain rhythmic freedom in his writing.
[1] Henri Meschonnic, Poétique
du traduire, Verdier, 1999, p. 213.
[2] Michel Murat, « La
forme du Porche du mystère de la deuxième vertu », Bulletin de
l’Amitié Charles Péguy, n° 98, avril-juin 2002, p. 137-153. Cf.
notamment Bernard Guyon, L’Art de Péguy, Cahiers de l’Amitié Charles
Péguy, n° 2, Paris, 1948 ; et Roy Jay Nelson, Péguy poète du sacré.
Essai sur la poétique de Péguy, Cahiers de l’Amitié Ch. Péguy, n° 13, p. 82
– mais cet auteur emploie aussi l’expression « prose rythmée » (p.
63).
[3] J. Onimus, « Le
verset de Péguy », Péguy écrivain (actes du colloque du
centenaire : Orléans, 1973), Paris, Klincksieck, 1977, p. 117-132 et la
discussion. « Écrits en vers libres, adoptant la forme du verset »,
les Mystères rendent apparemment hésitant Le Petit Robert 2.
C’est toujours mieux que de mettre côte à côte « poèmes en prose » et
« une sorte de verset » (Gustave Lanson, Histoire de la
littérature française, adaptation par Paul Tuffrau, Paris, Hachette, 1952,
p. 1146).
[4]
Visuellement, le vers blanc ne se dégage par exemple de la prose qu’à la
condition de paraître constituer un paragraphe et justement : il paraît le
constituer, le constitue-t-il ? Comment distinguer, en ce cas précis,
prose et vers ? Seul le point de vue externe le permet, non l’interne.
[5] « Même. », p.
19, v. 28 (désormais simplement : 19-28). Nous renvoyons là à l’édition la
plus récente, qui est annotée : Le Porche du mystère de la deuxième
vertu, éd. Jean Bastaire, Paris, Gallimard, « Poésie », 1986. –
Il convient parfois de se reporter à l’édition originale, plus sûre (Cahiers
de la quinzaine, XIIIe série, 4e cahier, Paris, 22
oct. 1911), voire au manuscrit pour les cas ambigus de sauts à la ligne et de
retraits en début de ligne, conditionnant le comptage des vers (en 135, le
dernier verset est ainsi : « Vous faites vingt fois le même chemin
terrestre. Pour aboutir vingt fois. » sans alinéa).
[6] 23-8. On comprendra que,
par manque de place, nous ne le citions pas.
[7] Nous appelerons vers le cadre de réalisations rythmiques variées ; le vers n’est pas un mètre si ses syllabes sont trop nombreuses pour être facilement comptées ou s’il n’admet pas de schéma rythmique récurrent ; nous appelons mètres les schémas rythmiques traditionnels qui s’imposent au vers, quelles que soient les unités comptées.
[8] Une analyse rythmique
aurait pu rechercher les vers blancs qui sont présents à l’intérieur des
versets – alexandrin « d’attaque » ou « de clausule » selon
la terminologie de Mazaleyrat (Jean Mazaleyrat et Georges Molinié, Vocabulaire
de la stylistique, Paris, PUF, 1989, p. 376). Il y en a certes, mais même
leur grand nombre ne conteste pas vraiment l’ordre de marche poétique
général ; seuls nous ont intéressé ces vers blancs qui peuvent faire
disparaître le régime général d’écriture en versets.
[9] La
moyenne est presque identique dans la partie inédite, retranchée sur manuscrit,
qui contient 7 versets dodécasyllabes en deux pages : Péguy ne s’est donc
pas particulièrement censuré sur ce point (ex. : « Voilà où je me
suis engagé envers eux. », 184-8 ; « Ainsi ma fille tu es la
plus efficace », 188-9).
[10] M. Murat, art. cit., p.
140, 141 (cf. 149).
[11] M.
Murat, dont c’est l’expression (art. cité, p. 151, n. 1), n’en trouve que deux
dans tout le Porche : « Dans le futur du temps et de
l’éternité. » (26-11) et « Aux pieds de la Très Sainte et de
l’Immaculée. » (132-12 ; pourquoi, dans ces conditions, ne pas
compter aussi : « Au bras de la Très Sainte et de l’Immaculée. »
en 153-23 ?)…
[12] Cf. « C’est
eux qui régneront sur la face de la terre. », 32-32.
[13] Hémistiche hugolien.
[14] J. Mazaleyrat et G. Molinié,
op. cit., p. 375.
[15] H. Meschonnic (op. cit.,
p. 429) applique à ses traductions des versets bibliques le terme de
« césure ».
[16] On aura ici reconnu une
citation de La Fontaine (Fables, VII-9 : « Le coche et la
mouche », v. 1 : « Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé
[…] »).
[17] Jacques Roubaud, La
Vieillesse d’Alexandre, Paris, Maspero, 1978, p. 182.
[18] H. Meschonnic, op. cit.,
p. 56.
[19] M. Murat, art. cité, p.
137-138.
[20] Y compris la Bible
hébraïque : lire sur ce point les travaux de Katarzyna Kern-Pereira, dont
« Une clef pour la lecture du Porche du mystère de la deuxième vertu »,
Le Porche, Orléans, n° 4, nov. 1998, p. 38-49.
[21] Énumérations (« Sa
hache et sa cognée et sa serpe et sa scie. », 28-12), parallélismes
internes au vers (« Et de les voir manger et de les voir grandir. »,
46-16 ; « Peuple qui fais le Pain, peuple qui fais le Vin. / Ô ma
terre lorraine, ô ma terre française. », 120-18-19 ; « Celui de
ce matin et celui de ce soir », 142-18) ou vers à vers (« Et le
baptême est le sacrement des petits. / Et le baptême est le sacrement le plus
neuf. / Et le baptême est le sacrement qui commence. », 36-24-26 ;
« Parce qu’aussi elle est infiniment courtoise. / […] / Parce qu’aussi
elle est infiniment petite. / […] / Parce qu’aussi elle est infiniment penchée.
/ […] / Parce qu’aussi elle est infiniment touchée. », respectivement
54-8, 18, 24 et 29 ; « Et qui sont comme un baume au cœur endolori. /
Car ils sont comme un baume au pied endolori. », 130-9-10)…
[22] M. Murat, art. cité, p.
138.
[23] J. Mazaleyrat et G.
Molinié, op. cit., p. 373. J. Mazaleyrat précisera d’ailleurs :
« le verset est une unité de présentation d’abord stylistique,
versifiée à l’occasion mais non métrique de nature. » (ibid., p.
376).
[24] H. Meschonnic, op. cit.,
p. 100 et 137. À comparer avec une phrase comme : « Une rythmique,
codifiée, une oralité, organisée, régit tous les textes de la Bible. L’unité
rythmique est le verset. » (H. Meschonnic, ibid., p. 153) et avec
sa traduction des Cinq Rouleaux (Gallimard, 1970).
[25] Jeanne d’Arc est
un drame écrit en prose pour l’essentiel mais contient quelque 750 alexandrins.
Les 405 de la première pièce, sont presque tous dus à Jeanne, face à qui madame
Gervaise « à Domremy » n’en « aligne » que 26. La
deuxième pièce ne contient plus que 109 alexandrins, dont 8 seulement ne
viennent pas de Jeanne : si grande est son emprise sur « les
batailles ». Jeanne n’a donc jamais trouvé une aussi forte opposition que
dans la dernière pièce : ses 174 alexandrins ont fort affaire avec les 74
autres que prononcent ses accusateurs. Même « à Rouen » pourtant,
Jeanne remporte la joute poétique.
[26] Robert Burac, dans sa
méticuleuse édition de la Chanson (Contribution à l’étude des humeurs
et de l’humour de Charles Péguy, t. I, Lille, A.N.R.T., 1993), montre que Péguy,
outre les vingt couplets traditionnels, utilise l’alexandrin, isolé, dès les
couplets de son crû édités de son vivant (nos 27, 28, 33, 63). Des
deux couplets posthumes, le premier contient un alexandrin isolé et le second,
écrit en prosimètre, pas moins de 85 ! Quant aux couplets abandonnés (nos
63 à 66), ils sont entièrement en alexandrins (63 alexandrins en tout), de même
que les 7 vers jetés au brouillon qui vont avec. Les projets de couplets moins
développés contiennent 3 alexandrins et leurs simples notes préparatoires, 31.
Le dossier critique en vient donc à éditer 189 alexandrins en plus des 4
alexandrins du texte de la Chanson tel qu’édité du vivant de Péguy.