La Jehanne Darc de Clovis Hugues dans son contexte
idéologique :
une Jeanne maçonnique
par Romain Vaissermann
« Poète et romancier, député », dit
sobrement le catalogue de la BnF. En langue française et en provençal,
pourrions-nous ajouter au sujet d’un Lubéronais qui fut félibre en 1884 et même
majoral du Félibrige en 1898… et qui donna le prénom de Mireille à sa deuxième
fille : madame René Andrieu (1881-1967).
Clovis Hugues[1], né en 1851, fils de meunier, fit ses études au
séminaire, près de Carpentras, mais en fut exclu à cause de son soutien à
Garibaldi, dès 1867. On le fit cependant sous-diacre, surveillant dans un
pensionnat religieux, avant qu’il se tourne vers le journalisme et un
journalisme engagé dans le socialisme.
Garçon de bureau au Peuple de Gustave
Naquet (1819-1889), il en devint rédacteur et, au milieu de ses combats pour la
Commune marseillaise, le futur auteur d’une « Sérénade à Louise
Michel »[2] lança La Voix du Peuple en soutenant
Gaston Crémieux. Un Conseil de guerre le condamna en 1871 pour « délit de
presse » à trois ans de prison.
Il fut condamné notamment à cause de sa brochure Lettre
de Marianne aux Républiques[3] au refrain vigoureux : « Déserteurs de
la République, à votre poste ! » et pour avoir été l’un des
capitaines de la « Jeune Légion urbaine » des Communards de moins de
20 ans. Il fait trois ans de prison, côtoie Gaston Crémieux avant
l’exécution de celui qui venait juste d’écrire un poème « À
Clovis Hugues » évoquant les conversations carcérales où les deux
hommes rappelaient les exploits du prolétariat :
Il nous suffit que tu contemples
Leurs traits et leurs noms glorieux,
Qu’ils revivent par leur exemple ;
C’est à nous de mourir comme eux.
Clovis fera encore une année supplémentaire de
contrainte par corps, parce qu’il ne peut payer son amende de 6000 francs,
malgré le soutien de personnalités aussi influentes que Maurice Rouvier,
Édouard Lockroy, Émile Bouchet (1840-1918 ?). En sortiront ses Poèmes
de prison, dont « Ce que nous chantions en prison » (prison de
Tours, mai 1873) :
Et pourtant
que demandions-nous ?
Nous
voulions, comme nos ancêtres,
Ne plus
tomber à deux genoux
Devant le
lâche orgueil des maîtres ;
Nous
voulions que la royauté
Ne vînt plus
bâillonner nos bouches,
Et nous
voulions dans la cité
Garder nos droits et nos cartouches.
Sortiront aussi de l’expérience carcérale sa
proposition de loi de 1885 relative à l’amnistie de tous les délits politiques,
et celle de 1886 en faveur des victimes du coup d’État de 1851 et de la loi de
sûreté générale de 1858.
Clovis, d’abord élu conseiller d’arrondissement
après un échec aux législatives de 1878, devint en 1881 le seul socialiste à la
Chambre, élu comme député de Marseille. Il représente alors le Parti ouvrier de
Jules Guesde.
En janvier 1882, il interpelle le gouvernement sur
l’expulsion du socialiste émigré russe Pierre Lavroff et se classe dès
lors comme possibiliste avec Paul Brousse, avec les socialistes éclairés qui
disaient que l’héritage de « Jeanne d’Arc, Bayard, Turenne, Montaigne,
Rabelais, c’est aussi la France ». Sa devise est : « La Liberté
par principe, l’Égalité comme moyen, la Fraternité comme but. »
Celui qui avait déjà traité le frère Gambetta de
« charlatan de bas étage » en 1871, est démis de ses fonctions fin 1883
pour avoir traité Clemenceau d’« insolent » mais
Théodore de Banville dans Nous tous prend fait
et cause pour lui : « Les
députés ont de ces fugues ! / Ils sont une meute aux abois. / Donc, ils
ont chassé Clovis Hugues, / Comme un sanglier dans les bois. »[4] Le député est réélu néanmoins en 1885 et à la
Chambre se forme un groupe soudé de cinq députés socialistes, appelé « le
groupe des quatre » parce que, quand l’un était à la Tribune, les quatre
autres applaudissaient à tout rompre. Se présentant en 1889 à Lyon, Clovis y
est battu.
Il redevient député, de la Seine, en 1893, en
devançant Aristide Briand en personne. Il prononça en 1894 un discours
retentissant en faveur de la liberté individuelle. Il déposa un projet de loi
permettant aux communes de donner le pain gratuit aux indigents, un projet de
contrôle de l’Assistance publique au moyen de délégués d’associations et
syndicats, etc.
Réélu en 1898 et 1902, il conservera son siège
jusqu’en 1906, année d’un échec aux sénatoriales du Vaucluse.
« S’il avait été moins bohème, disait de lui
Auguste Renoir (1841-1919), il serait devenu président de la République »,
tant était grande son éloquence. En voici un extrait qui présente la clef de
son art poétique : « Le rêve et l’action, telle est notre double mission
humaine et sociale. Celui qui ne chante que pour chanter sera peut-être un
admirable rêveur ; il ne sera jamais un poète, dans le sens profond du
mot. »[5]
En 1876, il fonde La Jeune République, qui
deviendra en 1881 Le Petit Provençal. La même année, il se marie avec
Jeanne Royannez (1855-1932), sculpteur de talent rencontrée en 1871, qui lui
donnera deux enfants et cinq bustes, dont celui d’Embrun, lieu de sa sépulture.
Clovis écrira nombre de ses poèmes à l’occasion de l’inauguration des œuvres de
sa femme. Jeanne Royannez était la fille de celui qui, après L’Athée,
dirigeait alors La Voix du Peuple : Adolphe Royannez (ca.
1830-1880).
Un journaliste de L’Aigle, feuille
bonapartiste, remarqua perfidement au sujet de la jeune épousée qu’« une
femme qui ne se marie pas à l’église n’est pas digne de porter la couronne de
fleur d’oranger ». Il n’en fallut pas plus pour que le 7 décembre 1876,
Clovis provoque le journaliste en duel et Clovis le tue d’un coup droit de son
épée. Il fuit de panique en Italie (où il écrivit d’ailleurs quelques poèmes en
italien) mais se ressaisit et écrivit au Procureur de la République qu’il se
rendrait à son procès. Ce qui fut fait. La Cour d’assises d’Aix l’acquitta
début 1878, et il monta aussitôt à Paris pour tourner la page. Ce Provençal y
retrouvait entre autres Alphonse Daudet, Paul Arène.
La femme de Clovis tua elle aussi quelqu’un, qui
plus est au revolver et en plein Palais de Justice (novembre 1884), à
l’occasion d’un scandale que rappellera l’affaire Caillaux : accusée
d’adultère par le détective privé d’une mythomane, elle attaqua le journaliste
en diffamation et, ne pouvant supporter les lenteurs et atermoiements de la
justice, elle commit le meurtre dont elle sera, elle aussi, acquittée, en 1885.
Certes, Clovis avait pris des positions
progressistes en faveur des femmes. Il avait écrit en 1873
« Tue-la ! » dès ses Poèmes de prison, pour dénoncer le
droit de tuer que conférerait, selon lui, l’adultère féminin[6].
Quelle surprise tout de même de trouver Jeanne
d’Arc dans l’abondante bibliographie de Clovis, un « rouge du Midi »[7] qui s’affichait volontiers anticlérical,
notamment au moment de la construction du Sacré-Cœur, dans sa
circonscription ! Quelle surprise, oui, de trouver à l’époque où,
rappelons-le, il est député[8], deux poèmes dramatiques :
Ø 1900 : La Chanson de Jehanne Darc, I,
Fasquelle, 360 pages ; grand-prix de l’Académie française[9].
Ø 1906 : La Chanson de Jehanne Darc, II. Le
sanglot de Jeanne : du sacre au bûcher, Fasquelle, XV + 318 pages.
Deux livres entre lesquels parurent, en 1905, ses Poésies
socialistes…
Oui, à l’époque, Jaurès et Déroulède se sont
battus en duel à l’arme à feu à cause d’un différend sur l’héroïsme de Jeanne
d’Arc. Nous voulons maintenant faire revivre ce contexte un peu oublié et
montrer notamment que les maçons aussi se partageaient au sujet de la Pucelle.
Car Clovis Hugues, de même qu’un bon nombre des hommes politiques de son
entourage déjà cités, était maçon, membre de « La Parfaite Union », à
Marseille, ville où Gaston Crémieux maçonnisait en son temps[10]. On sait peu de choses de la pratique maçonnique
de Clovis Hugues, mais on peut voir dans certaines citations qu’il produit et
dans certaines de ses dédicaces (au député Alphonse Baudin, mort « pour vingt-cinq
francs par jour » ; à Jean-Baptiste Clément, l’auteur du « Temps
des cerises ») la trace de cette appartenance.
À la Belle Époque, dire que Clovis Hugues est
maçon a-t-il des conséquences sur sa vision de Jeanne ? Nous le pensons.
Les débats autour de Jeanne d’Arc montrent que la maçonnerie française n’est
pas une à la Belle Époque, même si elle monopolise presque le pouvoir. S’impose
ici un détour.
Les Républicains arrivent au pouvoir en 1879. Ils
voyaient en Jeanne une jeune patriote issue du peuple, trahie par le Roi,
livrée aux Anglais et condamnée par l’Église. Ils instituèrent en 1880 le
14 Juillet comme fête nationale, quittant toute idée de compromis avec les
conservateurs qui voyaient en Jeanne la Sainte libératrice providentielle du
pays.
Pourtant, en 1884 Joseph Fabre (1842-1916), député
de gauche libre-penseur et protestant d’origine, auteur en 1882 d’une Jeanne
d’Arc, libératrice de la France, propose d’instituer une seconde fête
nationale : le jour de la mort de Jeanne le 30 mai (mais c’est bien proche
du 14 Juillet) ou de l’anniversaire de la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc
le 8 mai. Proposition du 30 juin, signée par plus de
200 parlementaires – y compris par Déroulède – et aussitôt enterrée,
notamment parce qu’il perd son poste de député en 1884. Peut-être Clovis
l’avait-il soutenu, avec d’autres hommes de gauche, dont Paul Bert.
En 1888, Léo Taxil, « l’homme indigne à qui
Jeanne avait rendu la foi » de son propre aveu[11], écrit : « Nos libres-penseurs, –
personne ne l’ignore, – ont essayé, à diverses reprises, de laïciser la vierge
lorraine. J’ai été l’un de ces profanateurs. » Il a cette formule :
« Jeanne d’Arc laïcisée ne peut être qu’une hallucinée ou une menteuse. »[12] Précisons, pour saisir la portée de ces mots, que
ce personnage qui sent le soufre était le compatriote de Clovis, qui fut un
temps son ami (de trois ans plus âgé), un temps seulement, pour devenir ensuite
sa bête noire, à tel point que les informateurs de police savaient parfaitement
que « Léo Taxil a la haine la plus terrible pour Clovis Hugues » et
que, de son côté, Clovis aurait affirmé en avril 1897 : « Je tuerai
Léo Taxil ; je vois bien sa main qui agit dans l’ombre contre moi… »[13] Or, lors de son entrevue avec le pape le 24 juin
1887, Taxil lui avait adressé cette prière :
Le malheur de la France, aujourd’hui, vient de son
envahissement par la secte infâme que vous avez condamnée et flétrie par
l’encyclique Humanum genus. Or, la Franc-Maçonnerie, chez nous, est une
importation anglaise. Saint Père, c’est Jeanne d’Arc, suscitée par Dieu, qui a
chassé l’Angleterre. C’est elle qui nous aidera à le chasser encore, en
triomphant de la secte infâme, si vous voulez bien nous autoriser à invoquer tout
haut celle que nous invoquons tout bas, Jeanne d’Arc, patronne de la
France !
Ce
serait de cette époque, des environs de 1889, que daterait l’intérêt des maçons
pour Jeanne d’Arc, un intérêt parfois bienveillant de l’aveu même de leurs
ennemis. « La secte[14] rejeta donc les armes usées du vieil Arouet[15]. Mais profitant de l’ignorance de la masse
vulgaire et de la légèreté d’esprit qui gâte les qualités généreuses de notre
race, elle résolut de nous présenter une Jeanne d’Arc fictive d’abord, une grande laïque, puis de faire retomber
sur la sainte Église catholique […] tout l’odieux du procès de Rouen
[…] ». Mais Jeanne est source de discorde à l’intérieur même de la
maçonnerie : « Elle nous embête. », confie un frère ;
« Jeanne d’Arc est une héroïne, sans doute, mais cette héroïne était une
hallucinée ; et cette hallucinée a été fatale à la France. », aurait
lancé un autre frère lors d’agapes[16]. Quelques maçons du Grand-Orient sont favorables
à Jeanne : Paul Doumer[17], Fernand Maurice[18], le docteur Henri Thulié[19], Paul Viguier[20]. Rien qui permette d’affirmer, alors, que
« la Franc-Maçonnerie déteste Jeanne d’Arc »[21].
Le 29 juillet 1890, fait resté peu connu, le
Conseil supérieur de l’Instruction publique adopte la proposition
suivante : « Est déclaré jour de fête pour tous les établissements
d’Instruction publique le 8 mai de chaque année, jour anniversaire de la
délivrance d’Orléans ». Proposition jamais appliquée. La même année, les
maçons ont même failli dresser une statue à Jeanne d’Arc dans Paris, projet
enterré aussitôt qu’émis[22]. Était-ce en fidélité à Barbès, pour qui il ne
faisait pas de doute que Jeanne « aurait un jour sa statue jusque dans nos
plus petits hameaux »[23] ? Voire.
Toujours est-il que, devenu sénateur en 1893,
Fabre relance le projet. On sait que, cette année-là, Clovis le soutient, avec
les frères Désiré Barodet[24], Charles Floquet[25], René Goblet, Camille Pelletan, Tony
Révillon. 120 sénateurs se rallient au projet. Selon certains, 1894 est
d’ailleurs l’année où Clovis commence d’écrire La Chanson de Jehanne.
Mais l’agitation gagne les rangs de la maçonnerie.
La loge « Les Artistes réunis », à l’orient de Limoges, réfléchit à
la captation cléricale de Jeanne dans Jeanne Darc et les cléricaux. Elle
reconnaît les mérites de Jeanne :
Élevés à l’école de ce noble adversaire des
Jésuites et de la théocratie, Michelet, les générations vraiment républicaines
de notre époque et la Franc-Maçonnerie française ont dès longtemps, à l’exemple
du maître, marqué leur admiration pour la Vierge guerrière qui, sortie des
rangs les plus obscurs de la plèbe, eut au milieu de la profonde nuit du XVe
siècle, l’instinct lumineux de cette grande chose ignorée alors, ou méconnue
des Grands, des Prêtres et du Roi : la patrie.
Le camp adverse, antimaçonnique, délire :
« Quant à l’évêque Cauchon, ce fut, on le sait aussi, Gouthe-Soulard[26] l’a dit et il faut l’en croire, l’incarnation
diabolique de l’irréligion et de l’impiété au XVe siècle, un
mécréant, un hérétique, une sorte de franc-maçon avant la
lettre ! »
La franc-maçonnerie se montre du coup
prudente ; elle recommande une attitude stratégique vis-à-vis du symbole
que veulent s’attribuer les cléricaux : « […] des républicains qu’on
croyait avoir le droit d’estimer sincères, des Francs-Maçons même, et non des moindres,
se sont laissés illusionner au point de faire le jeu de la réaction cléricale
en votant au Sénat le principe de la susdite fête »[27]. Non au projet Fabre, qui nuirait au 14 Juillet
puis le remplacerait ; oui à l’érection dans les grandes villes françaises
de monuments à Jeanne, dont la formule calquerait l’inscription placée au
fronton du Panthéon (« aux grands hommes, la patrie
reconnaissante ») : « à l’héroïne plébéienne, le pays
reconnaissant ». Jeanne n’est d’ailleurs pas le seul héros patriotique à
célébrer.
Parallèlement, en 1894, le publiciste Edgar Monteil (1845-1926), de
« La Clémente Amitié », écrit directement aux députés maçons, qui
devaient discuter du projet (qui, après avoir fait la navette, était de retour
du Sénat), cette injonction ahurissante, aussi impérative qu’injuste :
La Chambre est aujourd’hui saisie d’un rapport
sentimental appuyé [d’un rapport appuyé] sur des pétitions de femmes,
colportées par les curés[, dans les alcôves]. Le projet de loi pour une fête de
Jeanne d’Arc porte de nombreuses signatures de membres du Parlement, aveugles
ou complices de la réaction cléricale. Les aveugles, adressez-vous à eux, TT.·. CC.·. FF.·., et relevez leurs paupières ; les
complices, complices du Pape et des Jésuites, c’est notre affaire ; nous
les [re]connaîtrons et nous ne les oublierons pas ; mais nous vous
supplions, TT.·. CC.·. FF.·.
républicains, sans compromissions sordides [républicains sans compromissions
sordides], d’empêcher l’institution de la fête [d’une fête nationale] de Jeanne
d’Arc.[28]
Le plus incroyable est encore qu’une telle
pression parvint à empêcher effectivement le projet de passer.
Du coup, les antimaçons s’indignent :
« Nous avons opposé à la fausse Jeanne des Maçons la Jeanne de l’Histoire,
la sainte à l’amazone, la fille de Dieu et de l’Église à la fantasmagorique
créature inventée par la Libre-Pensée. Nous avons rendu Cauchon à ses émules et
à ses pareils. » Kotska de Borgia attaque en 1896 ce qu’il
appelle « la Jeanne d’Arc des francs-maçons » dans la brochure Jeanne d’Arc
et la franc-maçonnerie[29]. Mais qui est donc Kotska de Borgia ?
C’est Jules Doinel (1842-1902).
Bibliothécaire-archiviste de la ville de Niort (1868), archiviste du Cantal
(1871) puis du Loiret (1874), Jules-Stanislas Doinel écrit sous divers
pseudonymes plus ou moins transparents : Jules-Stany Doinel (1878) ou
Nova-lis (1878). Tombé par hasard, en 1888, sur un manuscrit médiéval orléanais
d’un disciple des Cathares, il commença de se passionner pour la gnose,
communiquant avec les esprits. Il s’autoproclama patriarche de la Gnose
restaurée sous le nom de Valentin II, en 1890. Il parvint la même année au
Conseil suprême de l’Ordre martiniste de Papus (Gérard Encausse,
1865-1916), tout en restant maçon de la loge « Étienne-Dolet » ;
il avait même été membre du Conseil de l’ordre du Grand-Orient. Mais, en 1895,
il abandonna son patriarchat pour se convertir au catholicisme romain.
Johanniste fervent et érudit[30], il passa aussitôt dans le camp antimaçon, de
façon d’abord secrète, écrivant Lucifer démasqué sous le nom de Jean
Kotska en 1895. Il défend par Jeanne d’Arc et la franc-maçonnerie
sa propre Jeanne d’Arc telle qu’elle est, essai paru dans les Mémoires
de la Société archéologique et historique de l’Orléanais et tiré à part
chez Herluison à Orléans en 1892, contre les ouvrages récents de deux
frères : Ernest Lesigne (ca. 1850-1920), La Fin d’une légende,
vie de Jeanne d’Arc de 1409 à 1440[31] ; Auguste Delpech (1845-1935), Jeanne
d’Arc[32]. Mais la défense de Doinel par Kotska de Borgia
est si maladroite qu’on comprit bien vite que les deux ne faisaient
qu’un : Doinel fut démasqué par sa propre loge[33].
Du coup, la même année 1896, le frère Louis Martin
(dit Marthin-Chagny, 1859-19..) prend la tête du mouvement maçonnique
anti-johannique et publie L’Erreur de Jeanne d’Arc[34].
En 1898, le convent du Grand-Orient proteste
officiellement contre le projet de Fabre : cette fête de Jeanne
« serait un outrage à la vérité historique, un prétexte aux machinations
de l’Église, une cause de troubles intérieurs, une menace pour la liberté de
conscience, un défi à la France républicaine et libre-penseuse ». En outre,
raison non mentionnée, la maçonnerie était d’origine anglaise et portait en
elle un idéal internationaliste soupçonneux vis-à-vis de l’héroïne patriotique.
Le projet est donc enterré. Le docteur Antoine
Blatin (1841-1911), ancien président du Conseil de l’ordre[35] qui
était à l’origine de la protestation du Convent de 1898, porte l’estocade et
considère que Jeanne d’Arc n’a servi qu’à séparer France et Angleterre pendant
de longs siècles. Le triomphe d’Henry VI, roi d’Angleterre et de France,
aurait bénéficié aux destinées de l’Europe et favorisé le progrès économique et
social…
Nous avons précisé le contexte historique du
premier volume de Clovis : la façon dont Jeanne d’Arc est perçue avant
1900 par les maçons et les antimaçons. Les deux exergues du long poème contenu
dans le volume I de la Chanson de Jehanne s’éclairent :
Voltaire : « Elle aurait eu des autels dans les temps héroïques où
les hommes en élevaient à leurs littérateurs. » ; Michelet :
« Quelle légende plus belle que cette incontestable histoire ? »
Il faut maintenant expliquer par leur contexte les deux exergues du
volume II de 1906 : Gambetta : « Je suis un dévot de Jeanne
d’arc » ; Thalamas : « C’est une brave et bonne fille de
France qui est du sang des héros de Valmy et eût avec eux chanté la Marseillaise
sous les plis du drapeau tricolore. »[36]
Édouard Drumont n’hésitait pas, dans une
conférence publique en 1904, à définir la race de Jeanne : « C’est
une Celte, Jeanne d’Arc, qui sauva la patrie. Vous connaissez mes idées […] et
vous savez de quel nom nous appelons l’ennemi qui a remplacé chez nous
l’Anglais envahisseur du XVe siècle... Cet ennemi s’appelle pour
nous le Juif et le franc-maçon. »
À l’opposé de l’échiquier politique, Amédée
Thalamas[37], professeur d’histoire au lycée Condorcet,
s’attaque à Jeanne dans un de ses cours après l’exposé d’un élève pieux sur
« le personnage et le rôle de Jeanne d’Arc », le 14 novembre 1904.
Nationalistes et Action française d’un côté, de l’autre socialistes et
Jeunesses laïques s’affrontent dans des bagarres pendant dix jours en
novembre-décembre 1904. L’affaire provoque une interpellation au
gouvernement ; le frère Marcel Sembat défend Thalamas le 1er décembre
à la Chambre, mais « l’insulteur » sera finalement muté au lycée
Charlemagne. Il donnera en loge plusieurs virulentes conférences, continuant en
1905 d’attaquer la légende de la « gardeuse de dindons ». À Tours, le
29 avril 1905, parlant sous les auspices de la Ligue de l’Enseignement, il
rappelait l’opinion du professeur Paul Robin (1837-1912), un de ses maîtres,
qui niait carrément l’existence historique de Jeanne d’Arc.
Le père Ayroles s.j., celui-là même par
lequel l’apologétique catholique faisait son entrée en 1885 dans
l’historiographie johannique[38], publie en 1905 la brochure M. Thalamas
contre Jeanne d’Arc à la Maison de la Bonne Presse. Le mot de maçonnerie
n’est pas employé dans l’ouvrage mais affleure en de nombreux passages, comme
quand le père Ayroles évoque « le procès de réhabilitation, cauchemar du
rationalisme et de la libre-pensée » (p. 5).
Thalamas n’est pas si isolé qu’il n’y paraît. Le
frère Henry Bérenger[39] écrit dans son journal L’Action :
« Maladive, hystérique, ignorante, Jeanne d’Arc, même brûlée par les
prêtres et trahie par son roi, ne mérite pas nos sympathies. Aucun des idéaux,
aucun des sentiments qui inspirent l’humanité d’aujourd’hui, n’a guidé
l’hallucinée mystique de Domremy. »
En décembre 1908-1909, un nouveau scandale
éclatera à la faveur de ses cours libres donnés le mercredi en Sorbonne.
L’hebdomadaire antimaçonnique La Bastille réfutera les idées de
Thalamas, qui voyait notamment en Jeanne une martyre de la libre-pensée ayant
refusé de renier le cri de sa conscience.[40] Le père Louis-Albert Gaffre (1864-19..),
johanniste fervent et érudit, et A.-C. Desjardins[41] remonteront même d’étrange façon le cours de
l’Histoire dans L’Inviolée Jeanne d’Arc, de Cauchon à Thalamas :
« En 1793, les Jacobins, exécuteurs du complot maçonnique tramé dans le
mystérieux couvent de Wilhelmsbad en 1782, brûlent à Orléans les dernières
reliques de la Vierge qui a incarné la Patrie. »[42]
Mais revenons à l’année 1907. En 1907, la loge
orléanaise « Étienne Dolet » demande à participer en corps aux
traditionnelles cérémonies fêtant la libération d’Orléans par Jeanne. L’évêque
annonce qu’il retirera des fêtes son clergé, si l’accord est donné aux
francs-maçons. Aussitôt les antimaçons, tels Paul Copin-Albancelli[43], dénoncent une manœuvre visant à exclure le
clergé des festivités. Le préfet lui-même refuse de prendre part au cortège
pour des raisons protocolaires : la loi de Séparation ayant privé le
clergé du titre de fonctionnaire, le préfet ne peut plus défiler comme
auparavant derrière l’évêque ! Clemenceau, consulté par les deux députés
du Loiret Henri Roy et Fernand Rabier, eux-mêmes maçons[44], interdit aux fonctionnaires de participer aux
cérémonies religieuses. Mgr Touchet négocie avec le Maire d’Orléans un
accord : les corps de l’État auront le pas sur le clergé dans le défilé,
mais les maçons en seront exclus.
Ce, avant un
retournement de situation : le Conseil municipal, cédant aux pressions
d’« Étienne Dolet », accepte de la voir participer au défilé.
Mgr Touchet ne peut faire autrement que d’ignorer le défilé et de célébrer la
fête religieuse à part. L’Association antimaçonnique de France confectionne
alors des affiches qu’elle placarde sur les murs de la ville à la veille des
fêtes, elle y dénonce l’hostilité foncière des francs-maçons envers Jeanne et
invite la population à donner « à la mascarade maçonnique l’accueil
qu’elle mérite ». Une affiche placardée sur les murs d’Orléans avant les
fêtes johanniques donne le ton :
Regardez-les donc défiler […] tous ces grotesques qui n’ont pas assez d’ironie
pour les principes du Culte Catholique et qui vont sortir pour vous, de leurs
Temples fermés, leurs oripeaux hébraïques. […] Ce que vous verrez, c’est une
équipe de Paris ou d’ailleurs, dans laquelle paraderont des Instituteurs niant
la Patrie, des disciples du F.·. Naquet qui traita Jeanne de cabotine,
ou des élèves du F.·. professeur Thalamas qui la qualifia d’hystérique.
[…] Officier français chassé de l’armée par la délation maçonnique avec des
centaines de Camarades, je n’ai d’autre ambition que de traduire ici leur protestation
indignée ![45]
Les maçons furent hués sur tout le parcours du
cortège, mais entendirent aussi de nombreux encouragements. Le Maire reçut
cependant un camouflet : il n’avait expressément accordé qu’à la loge de
sa ville l’autorisation de défiler, or des antimaçons lui apportèrent des
preuves qu’avaient participé au défilé de très nombreux frères parisiens. En
1908, c’est le clergé qui participe au défilé et non les francs-maçons, qui n’y
reviendront plus – que je sache, même après que Rabier devint Maire d’Orléans
en 1912.
Les maçons, prétendument possesseurs d’oripeaux
« hébraïques » ne frémissaient pas face à la Sainte parce qu’elle
était catholique. Pas plus les maçons n’étaient-ils liés au protestantisme dans
leur protestation contre Jeanne ; mais les antimaçons le croyaient :
« Ce que la Maçonnerie internationale déplore dans le triomphe de Jeanne,
c’est moins la défaite de tel ou tel roi anglais, Henry VI dans le cas
particulier, que l’écrasement dans l’œuf d’un rêve inouï et à jamais
regretté : la réunion de la France à l’Angleterre qui, sous le sceptre
futur d’Henri VIII Barbe-Bleue et d’Élisabeth la Sanglante, eût imposé à notre
patrie, vassale d’Albion, la Réforme avec toutes ses conséquences. »
Les maçons, moins hypocrites apparemment que ne le
soupçonnaient les antimaçons, voulurent en vain neutraliser les fêtes de Jeanne
d’Arc. Certains, à la Belle Époque, n’ont-ils pas en conscience honoré Jeanne
en déposant au pied de sa statue une gerbe porteuse de ces mots : « À
Jeanne d’Arc trahie par son roi, brûlée par les prêtres. » ? Écoutons
un discours interne, qui ne peut être suspecté d’hypocrisie :
Nous ne pouvons que nous incliner devant ces héros
martyrs, fussent-ils les martyrs d’une idée absolument erronée, qui n’aurait
pour base qu’une superstition ridicule. […] MM. Les Camelots du Roi se
contentent d’insulter les professeurs, qu’ils s’appellent Thalamas ou qu’ils
s’appellent Loisy ! / On insulte à la science, on insulte aux cheveux
blancs. / Ce courage-là, vous me permettrez de ne pas le qualifier. / J’aime
mieux celui de la Pucelle et je dénie le droit à ces godelureaux sans dignité
le droit de défendre Celle que nous n’avons jamais attaquée, mais il est du
devoir de tout maç.·. de stigmatiser comme il
convient les institutions et les êtres qui ont terrorisé le monde pendant des
siècles en abusant de son ignorance et de sa crainte de l’inconnu.[46]
Ces fêtes de Jeanne furent une
première mort de Clovis. Lucien Millevoye, républicain nationaliste, relance le
projet de Fabre au Palais-Bourbon en 1907, mais sans suite[47]. On comprend pourquoi. Fabre
s’en plaint explicitement : « La Franc-Maçonnerie demeure inexcusable
d’avoir multiplié les obstacles pour empêcher que la France célébrât
solennellement, tous les ans, cette paysanne. » Même avis chez Léon
Denis ; c’est l’étroitesse d’esprit de certains républicains qui a permis
l’accaparement par les catholiques de la figure de Jeanne :
La franc-maçonnerie elle-même, cette association
puissante qui, pendant des siècles, fut l’asile de toutes les idées généreuses,
le refuge et le soutien de ceux qui luttaient pour la liberté contre
l’oppression, aveuglée maintenant par son matérialisme doctrinal, s’est
abaissée jusqu’à prendre l’initiative d’un mouvement contre la grande inspirée.
L’institution d’une fête de Jeanne d’Arc fit probablement craindre aux grands
maîtres de la Maçonnerie française, que la glorification de l’épopée de Jeanne
provoquât un réveil de l’idéal religieux.[48]
Le 11 juin 1907, Clovis meurt d’emphysème.
Clovis n’est pas un grand poète mais un poète
délicat à la lyre sociale. « Il a, avec beaucoup moins d’art, la facilité
de Banville ; il n’est pas affligé de la mièvrerie d’un Coppée et n’a pas
les subtilités philosophiques d’un Sully-Prudhomme. »[49] C’est un Romantique par son abondance, mais qui
se sent destiné à écrire en Parnassien et ne peut, faute de temps, donner tout
le fini souhaité à sa poésie. Exprimer son idée généreuse et agir par ses
projets de loi : les deux vont de pair. L’allusion à Banville est
particulièrement bienvenue : l’image qu’a Clovis de Jeanne vient dans une
large mesure de la méditation du poème que Banville a consacré à la sainte,
comme il appert du poème « Théodore de Banville » écrit par
Clovis Hugues en janvier 1901, en hommage à son maître[50].
Auteur de vigoureux récits (Monsieur le
gendarme, roman villageois, Charpentier, 1891), il possède une grande
sensibilité qu’il laisse particulièrement s’épancher dans des chansons
politiques proches du peuple (Les Soirs de bataille, Lemerre,
1882 ; Les Jours de combat, Dentu, 1883) ou quand il écrit pour un
public d’enfants[51]. Il avait dès son séjour en prison composé des
comédies enfantines, qui seront en 1906 publiées à destination de ses
petits-enfants : Les Joujoux de théâtre. Nombre de ses poèmes sont
en outre adressés à ses enfants et petits-enfants, ainsi « La mort du
liseron »[52]. Pourtant, curieusement, Clovis écrit à l’ami
Jules Belleudy (1855-1938), début 1907, au sujet du Temps des cerises,
roman posthume effectivement paru l’année de sa mort : « J’achève en
ce moment un roman pour l’éditeur Delagrave. C’est pour les jeunes filles.
C’est d’une moralité révoltante, mais il faut bien vivre. »[53] Est-ce un véritable désaveu ? ou un désaveu
ironique de sa production enfantine ?
Toujours est-il que c’est pour un public d’enfants
qu’il écrit sur Jeanne : pour enseigner la paysanne à sa petite-fille
Jacqueline Ballieu[54] :
Je t’offre ceci, ma petite belle,
Comme si c’était frileuse hirondelle
Cognant à la vitre et voulant merci,
Tout ce que mon cœur dolent te demande,
C’est de bien aimer, quand tu seras grande,
La bonne Jehanne – et grand-père aussi.
Il s’adresse donc aux
enfants, et avec succès : on sait même que Clovis avait transmis à sa
fille Mireille son culte pour Jeanne. Culte n’est pas exagéré : Clovis
conservait précieusement, dit-on, une parcelle de cire du sceau de l’acte de
condamnation de la Pucelle.
Et il n’a jamais renié ces deux volumes, dont les
vers, décasyllabiques, sont bien du disciple de Victor Hugo, qui fut en 1885
des personnalités admises à porter le cercueil de celui qui lui écrivait comme
à son « cher et vaillant poète ». Le ton en est humble mais la Chanson
de Jehanne est sans contredit l’un des « chefs-d’œuvre » de
Clovis[55].
Gustave Kahn nous confie que Clovis admire le
peintre Camille Corot[56]. Clovis écrivit d’ailleurs en son honneur
« La tournée de Corot ». G. Kahn explique dans la préface des Poésies
choisies :
Ce ne serait pas connaître Clovis Hugues que
d’ignorer ses écoles buissonnières et que dans le bois sacré lyrique et
sentimental de son œuvre se trouvent des clairières de jolies fleurs naturistes
au pur arôme. Clovis Hugues, ce prisonnier des enceintes politiques était un
fanatique des arbres et des eaux.[57]
La Jeanne d’Arc de Clovis est la versification de
la figure décrite par Michelet. « Il s’agissait pour lui de raconter un
évangile de douceur et de simplicité, ce que, dans le style du temps où il
écrivait son poème, on aurait appelé le récit d’un miracle laïque. »[58] Dans la pure tradition de la pastorale
provençale, il fut le « ravi » de Jeanne[59]. Dans sa longue préface au Sanglot de Jehanne[60], Clovis explique sa dévotion socialiste à
Jeanne : Jehanne Darc est devenue Jehanne comme Jésus devint le Christ.
C’est d’un élan sincère que la spiritualité de Clovis le porte à mettre en
scène saint François d’Assise et sainte Claire dans le conte mystique
« L’Oiseau de Vénus »[61]. Si Clovis adopte finalement des positions
politiques anticléricales, c’est sans préjudice de convictions métaphysiques
élevées et d’une moralité exigeante qui le pousse même à se présenter, par
figure poétique certes, « devant les piédestaux »[62].
En 1907 paraissent dans La Durance deux
hommages à Clovis, qui évoquent sa Jehanne[63]. Jules Claretie, membre de la loge
« L’École mutuelle » et de… l’Académie française :
Le poème de Jeanne par Clovis Hugues fut à la fois
une œuvre de poète civique et un acte de foi nationale. […]
Les boudoirs du XVIIIe siècle avaient,
en leurs bibliothèques discrètes, à côté des Bijoux indiscrets ou des
dialogues pervers de Crébillon, la Pucelle de Voltaire ; les
bibliothèques d’aujourd’hui devraient avoir, auprès du volume de Michelet, le
grand enthousiaste, le romantique de l’Histoire, La Chanson de
Jehanne Darc, le poème de Clovis Hugues, que Laurent Pichat eût
baptisé un poète de combat.[64]
Le fidèle Gustave Kahn, enfin :
S’il a donné l’effort de ses dernières années à
cette chronique de Jeanne d’Arc qui compte parmi les efforts épiques de notre
littérature, c’est qu’il voyait en son héroïsme l’incarnation de l’âme
populaire, vive, généreuse, héroïque, douloureuse, qui chante comme l’alouette
avant de chanter comme le cygne. Il n’écrivait pas « Jeanne d’Arc »,
mais « Jehanne », et cela disait d’autant mieux que celle qu’il
chantait était la fille du vieux temps tragique terrorisé par le prêtre et le
routier, la fille de la terre qui en avait tant le frisson ; et le silence
et le murmure des choses, et le susurrement des eaux et des brises, qu’elle les
avait animés de sa voix, lui commandant des merveilles et des miracles, des
héroïsmes simples et de sublimes résignations […].
Si Jeanne d’Arc était revenue à Orléans sous le
nom de Madame des Armoises, si la martyre était apocryphe, qu’importait ;
la légende de Jeanne d’Arc étant un poème de liberté, il fallait que ce fût un
militant des idées de liberté qui la reprît à pleine voix, qui la mît près des
grandes images dont Hugo a endiamanté l’épopée révolutionnaire, de ses pages
sur les soldats de l’An II et du cloître Saint-Merry et sur l’héroïque Gavroche.
Et, ayant voulu cette épopée, Clovis Hugues la fit belle parce que beau poète
et parce que son âme était restée peuple […][65]
On jugera de la poétique de Clovis Hugues à l’aune
de la fidélité à cette veine populaire. « Les vers de son poème, courts,
chantants, auxquels il refusa tout ornement futile, tout cabochon, sont le
vêtement même de l’épopée populaire », fondée sur l’émotion[66]. On en jugera d’après l’anthologie anthume des Poésies
choisies, qui de chaque volume prend deux extraits, à savoir dans la Chanson
de Jehanne : « Comment il y avait grands méfaits en le doux pays
de France » et « Comment Jehanne lisait sans savoir
lire » ; dans le Sanglot de Jehanne : « Où Jehanne
apprend la suprême sentence » et « Où Jehanne est brûlée »[67]. Oui, vraiment, Nils Forbery eut raison de
peindre, à une date inconnue, un tableau de Clovis qu’il dédia « au maître
de La Chanson de Jeanne d’Arc ».
Dès 1875, Clovis écrivait à Jules Béranger sa
conception du roman : « Mon Ami, je suis avant tout pour l’Art parce
que l’Art est le Beau, parce que le Beau est le juste, parce que le juste est
le rêve, la sainte chimère de notre travail social. » Si des poèmes comme
« Sa Majesté le Peuple » ou « Le petit sou »[68] appartiennent à la veine sociale, on peut dire
qu’une autre veine, plus sentimentale, coule dans l’œuvre de Clovis.
Finalement, Banville n’avait-il pas un jugement fin sur l’art de Clovis dès
1884 dans Nous tous (op. cit., v. 33-44), poème écrit
après que le député Hugues eut été démis de ses fonctions mais poème qui n’est
pas seulement de circonstance :
Il s’unit au peuple, à la foule,
Plein de pitié, baigné de jour,
Bercé par cette grande houle
D’où sort un long sanglot d’amour ;
Il mêle à sa voix forte et pure
Les soupirs, les cris douloureux,
L’hymne effaré de la nature
Et la plainte des malheureux ;
Âme que tout espoir enchante
De sa tragique passion,
Il s’extasie, il rêve, il chante... –
Il n’a plus de profession.
Écoutons celui que Félix Gras, qui fit sa
connaissance au séminaire, nomme à juste titre « le Pape rouge »
déclarer le 4 février 1894, officiant au premier baptême civil à
Montmartre : « Au nom de la République sociale et de l’Idée
révolutionnaire, au nom de la Nature, au nom du clair soleil qui fait pousser
les plantes, au nom des nids où grouillent les oiseaux, au nom de tout ce qui
est la Vérité, laissez-moi, chers enfants, vous consacrer à la vie civique
[…]. » Jeanne d’Arc est de même baptisée citoyenne par le poète
libertaire, en accord avec la péroraison du baptême montmartrois :
Puisque s’il revenait sur terre
Le Christ ne serait plus chrétien,
Au nom de la Nature austère
Je te baptise citoyen !
Au service de ce baptême républicain, lyrisme de
la strophe, richesse du vocabulaire, abondance et éclat des images
caractérisent Jehanne Darc[69]. Œuvre de second dans notre très riche histoire
littéraire, Jehanne Darc n’est cependant pas négligeable. Alexandre
Zévaès, d’ailleurs maçon, écrira à juste titre : « Dans le premier
[tome], la Mission triomphale, pareille à une traînée de rayons sur des
lis ; dans le second, la Passion, toute la Passion rédemptrice, avec
son bûcher où Jehanne Darc devient Jehanne pour la Patrie, de même que sur son
gibet Jésus devient le Christ pour l’humanité. Dans l’un et l’autre tomes,
une série de chapitres coloriés à la manière des vitraux, avec la préoccupation
de suivre la vérité historique, à peine tamisée dans un peu de songe et de
rêverie. »[70] Oui, finalement : « Écrivain, poète,
Serviteur désintéressé de la République et du peuple, Clovis Hugues a des
droits à ne point être oublié. »[71]
[1] Nous
l’appellerons désormais « Clovis » comme disaient familièrement les
Marseillais à l’époque. Depuis son adolescence, on l’appelait aussi
« Clo-Clo », mais le surnom a été depuis ce temps repris par un
autre…
[2] 16
janvier 1882. Louise Michel sera d’ailleurs initiée maçonne en 1903 par
« La Philosophie sociale ».
[3]
Marseille, Impr. Clappier, 1871 ; Marianne sera le prénom de sa première
fille : madame Jacques Ballieu (1877-1947).
[4]
Charpentier, 1884, XL :
« Clovis Hugues », v. 1-4.
[5] Cité
dans Maurice Choury, Poètes de la Commune, Seghers, 1970, p. 7.
[6] Poèmes
de prison, 1875, p. 36-40.
[7]
Expression de Jean-Claude Izzo : Clovis Hugues, un rouge du Midi,
Laffitte, 1978 puis 2001.
[8] Bruno
Fuligni le classe à bon droit dans ses « aventuriers, utopistes,
excentriques du Palais-Bourbon » de La Chambre ardente (Éditions de
Paris, 2001).
[9] Un
poème comme « Le Travail » (Les Roses du Laurier, Fasquelle,
1903, III : « Pour l’idée », p. 255-265) avait déjà été couronné
par l’Académie, en 1888.
[10] À
« La Réunion des amis choisis », dont il fut le vénérable en
1867-1868.
[11] Léo
Taxil, Jeanne d’Arc patronne de la France, Agence centrale des bons
livres, « Le contre-poison », 1888, p. 12.
[12] L.
Taxil, op. cit., p. 7. – Taxil avait été initié au « Temple des
amis de l’honneur français » mais exclu en 1882, encore apprenti.
[13] Cité
dans Eugen Weber, Satan franc-maçon, Julliard, « Archives »,
1964, p. 192. – Taxil était peut-être à l’origine des diffamations produites
par le journaliste Morin, car les attaques contre madame Clovis Hugues
continuèrent de paraître dans la Presse pendant un certain temps après la mort
de Morin.
[14] Terme
habituel chez les catholiques de l’époque.
[15] Façon
de désigner Voltaire commune à tous les antimaçons, qui notent que le maçon
Voltaire (initié le 7 avril 1778 aux « Neuf Sœurs ») est mort le 30
mai 1778, soit le jour où Jeanne est morte en 1431. En 1878, l’évêque d’Orléans
s’en était violemment pris à la volonté que manifestaient certains
francs-maçons orléanais de fêter le centenaire de la mort de Voltaire.
[16] Kotska
de Borgia, op. cit., p. 7, 18 et 20.
[17] Initié
en 1879 par « L’Union fraternelle », vénérable de « Patrie et
humanité » de Soissons en 1880, secrétaire du Conseil de l’ordre en 1892
avant d’être – officiellement mais pas dans les faits – exclu du Grand-Orient
en janvier 1905.
[18]
Économiste (spécialiste du monde agricole) actif comme écrivain et journaliste
(à la Nouvelle Revue) de 1876 à 1911, parfois sous le pseudonyme de
Louis Narval ; membre de « Liberté de conscience », Paris ;
fera carrière au Parti communiste français dans l’entre-deux-guerres.
[19]
1832-1916. Président du Conseil de l’ordre en 1889-1892 et 1893-1894.
[20]
1828-1901. Initié en 1880 à « L’Étoile polaire », 33e en
1886, vice-président du Conseil de l’ordre en 1890-1892, Grand-maître du
Grand-Orient en 1892-1893 puis grand-chancelier du Grand-collège des rites.
[21] Kotska
de Borgia, op. cit., p. 17.
[22] C’est
Kotska de Borgia (op. cit., p. 9) qui révèle le projet du frère
Henri-Louis Duprez (vénérable de « La Démocratie maçonnique »,
Pantin) proposé au Convent du Grand-Orient, où il rencontre l’hostilité du
rapporteur Edmond Benoît-Lévy (1858-193. ; vénérable de « La Concorde
sociale ») et le grand silence consécutif de l’orateur le Dr Edgar Bordier
(184.-19..), Orléanais, 33e, alors grand-chancelier adjoint du
grand-collège des rites, vénérable des « Amis de la Patrie » et
très-sage du chapitre « La Clémente Amitié ».
[23] Cité p.
396 de Léon Denis, La Vérité sur Jeanne d’Arc, réfutation des théories
d’Anatole France, Thalamas, Henri Bérenger, Leymarie, 1910. Réédité
sous le titre Jeanne d’Arc médium (Librairie des sciences psychiques,
1910), cet ouvrage atteindra le 12e mille.
[24]
« Le Travail et la persévérante Amitié ».
[25] Membre
du Suprême conseil de France, appartint à « La Zélée » (Bayonne),
« L’Écossaise », « La Justice ».
[26] Mgr
Xavier Gouthe-Soulard (1819-1900), évêque d’Aix-en-Provence, celui qui s’était
exclamé dans son décret déclarant Jeanne vénérable, en janvier 1894 :
« Joanna nostra est. On ne laïcise pas les saints. »,
reprenant la formule latine de Léon XIII tout en la dirigeant contre les
maçons.
[27] Gien,
Imprimerie républicaine, 1894, p. 3, 12 puis 4.
[28] L.
Denis, op. cit., p. 399-400. Entre crochets, les variantes de l’édition
Gaffre-Desjardins, op. cit., p. 112.
[29]
Pierret, 1er volume de la « Librairie antimaçonnique »,
1896, p. 47-48.
[30] Lire de
lui : « Note sur une maison de Jeanne d’Arc », 1876 ;
« La Maison de la famille de Pierre d’Arc, frère de la Pucelle, à
Orléans », 1877 ; Mémoires de la Société archéologique et
historique de l’Orléanais, Orléans, Herluison. – Comme orateur des
« Adeptes d’Isis-Montyon », il a prononcé et édité un intéressant
« Discours sur l’histoire de la Franc-Maçonnerie orléanaise » en 1887
(Orléans, impr. Morand).
[31] Bayle,
1889.
[32]
Imprimerie nouvelle, 1894. Delpech est membre de « La Clémente
Amitié » et de « L’Étoile polaire », Grand-Maître du
Grand-Orient en 1902-1903.
[33] Et
après enquête centrale du Grand-Orient, poursuivi par la rancune de ses anciens
frères, il obtint le poste d’archiviste de l’Aude en 1896, s’éloignant
définitivement d’Orléans mais non pas de l’Église Gnostique, qui avait survécu
à la défection de son fondateur et qu’il rejoignit finalement (Archives du
Grand-Orient, BnF).
[34]
Bibliothèque des modernes, « Les sataniques », 1896. « La Rose
écossaise » a publié une des brochures de Louis Martin : en
fut-il membre ?
[35] En
1894-1895. Initié en 1864 par la loge parisienne « Avenir », il
devait faire partie des « Enfants de Gergovie » (Clermont-Ferrand),
du Conseil de l’ordre en 1884 et devenir Souverain grand-commandeur du Collège
des rites en 1901.
[36] Page 10
d’Amédée Thalamas, Jeanne d’Arc, l’histoire et la légende, Paclot, 1904,
introduction.
[37] Auteur
de Jeanne d’Arc, l’histoire et la légende (Paclot, s. d.), maçon initié
par « L’Équerre » de Moulins.
[38] C’est
bien en tant qu’auteur de La Vraie Jeanne d’Arc qu’il signera Les
Responsabilités des électeurs du bloc maçonnique, où il s’en prend entre
autres à « Arouet-Voltaire, personnification de la maçonnerie » (Retaux,
1906, p. 28-31).
[39] Initié
en 1891 par « La Jérusalem écossaise » puis membre de « La
Philosophie positive ».
[40] De
cette année, lire : Louis-Albert Gaffre et A. C. Desjardins : L’Inviolée
Jeanne d’Arc, de Cauchon à Thalamas, Librairie des publications
modernes ; Amédée Thalamas, Jeanne d’Arc, monologue de
Louis Bousquet, Labbé. Léon Denis (1846-1925), chantre de la philosophie
spirite, défendra paradoxalement Jeanne contre Thalamas dans La Vérité sur
Jeanne d’Arc, op. cit.
[41] Il ne
s’agit pas de Jacques-Jules-Abel Desjardins (1814-1886), professeur
d’histoire en diverses facultés des lettres et auteur d’une Vie de Jeanne
d’Arc, mais peut-être de l’abbé Amédée-Camille-Aristide Desjardins.
[42]
Librairie des publications modernes, 1909, p. 89. Édition à ne pas confondre
avec la « Bibliothèque des modernes » des libres-penseurs ! – Ce
genre d’élucubrations était répandu à l’époque ; comparez avec l’origine
profonde de la mort du projet Fabre en 1894, due à la « Conspiration
judéo-socialo-maçonnique » : « Le 7 avril 1894,
Andriano Lemmi, chef de la Maçonnerie universelle […], envoyait aux 77
provinces triangulaires une ignoble voûte encyclique où il recommandait aux
maçons français de prendre bien garde de ne pas glorifier Jeanne d’Arc sous
prétexte de patriotisme, parce que ce serait tomber dans le piège clérical. Il
faisait par contre l’éloge de Voltaire et invitait les bons maçons à commémorer
cette année-ci au 21 novembre, dans les Ateliers, le deuxième centenaire
de sa naissance. » (Gaffre-Desjardins, op. cit., p. 112 n.)
[43] Initié
en 1884 à « L’Avant-garde maçonnique » puis secrétaire de « La
Clémente Amitié », il quitta la maçonnerie peu après.
[44] Le
premier fut vénérable d’« Étienne Dolet » ; le second aussi,
membre du Conseil de l’ordre du Grand-Orient et 18e en 1911.
[45] Cdt
Émile-Cyprien Driant (1855-1916), « Français d’Orléans », impr.
Belleville, 1907. Je ne sais pas où le maçon Alfred Naquet (1834-1916 ;
membre des « Amis de la patrie de l’avenir ») – car il ne s’agit pas
de Gustave Naquet ici – a traité Jeanne de cabotine ; et l’auteur confond
peut-être avec Laurent Tailhade, maçon qui eut cependant un parcours
singulier : initié en 1887 par « L’Indépendance française » de
Toulouse, maître depuis 1894 à « La Philosophie positive », il
démissionne en février 1906 et devient même antimaçon. Tailhade avait en effet
écrit dans L’Action du 15 avril 1904 : « Michelet n’a rien
compris à ce grand mouvement du XVe siècle. Il adhère au cabotinage
de Jeanne d’Arc et court sus à l’Anglais. » Il y invitait ensuite les Français
à crier à l’unisson le 8 mai 1904, « À bas Jeanne d’Arc ! »
[46] Pages
38-39 d’Alphonse Mignac, Conférence sur Jeanne d’Arc, prononcée devant
« Les Hospitaliers écossais », loge n° 135 de la Grande-Loge de
France, le 5 mai 1909.
[47] En
1912, Henri Gallichet, franc-maçon qui devint boulangiste puis antidreyfusard,
reprendra le projet. Le Conseil municipal de Paris, qu’il préside, émettra en
ce sens un vœu resté encore une fois vain. L’antimaçon G. Renou Gauvain de
la Bourdonnerie prétendra dresser un bilan – non apaisé – dans Jeanne d’Arc
et les francs-maçons (Nantes, Pigrée et Cie, 1913).
[48] Léon
Denis, op. cit., p. 395.
[49] Marcel
Bonnet, Le Citoyen Clovis Hugues, poète provençal,
Saint-Rémy-de-Provence, Escolo dis Aupilho, 1953, p. 15.
[50] Les
Roses du Laurier, op. cit., I : « Devant les piédestaux »,
p. 74-75. Jeanne est peut-être associée à la « bonne bergère » sainte
Geneviève (v. 13 de « Puvis de Chavanne », Les Roses du Laurier,
op. cit., I, p. 63-64 ; le poème commence ainsi : « Or
Geneviève s’en allait / Dans les pervenches, par la plaine, / Avec son gentil
agnelet, / Vêtu de lumière et de laine. »), comme elle le sera un plus
tard chez Péguy.
[51] Clovis
Hugues avait cependant une autre inspiration dont témoigne son « Ode au
vagin » (10 août 1906), publiée seulement en 1933 par l’imprimeur Duflou,
à… Domremy et qui depuis se trouve à la BnF, dans son
« enfer » !
[52] Poème
de 1902 paru dans Les Roses du Laurier, op. cit., II : « Dans
le ciel », p. 211-213. Cf. « Le dernier papillon », Les
Roses du Laurier, op. cit., II, p. 111-116 ; « Mort d’un
moineau », Poèmes de prison, op. cit., p. 59-60.
[53] Cité p.
95 de Jean-Claude Izzo, Clovis Hugues, Jeanne Laffitte, 1978 (rééd.
2001).
[54]
Signalons, en passant, à l’amateur de généalogie que l’écrivain Annie Sayour
est la petite-fille du félibre Auguste Marin et l’arrière-petite-nièce
d’un autre félibre : Clovis Hugues.
[55] Jean
Vandenhove, Un Provençal Embrunais d’adoption, écrivain et homme politique.
Clovis Hugues, Gap, C.D.D.P., « Le passé de l’Embrunais », 1987,
p. 63.
[56] Portraits
d’Hier, Fabre, n° 22, 1er février 1910, p. 97-124.
[57] Page 27
de Gustave Kahn, préface aux Poésies choisies, Lemerre, 1935, p. 25-36.
« Naturiste » est pris ici au sens esthétique comme synonyme de
« naturaliste », il est appliqué à des fleurs non sans raccourci.
[58] Page
34, op. cit.
[59] Belle
expression de Gustave Kahn, p. 35, op. cit.
[60] Pages
V-XV ; lire aussi la brève préface de ses Poésies choisies anthumes
(Librairie des publications à 5 centimes, « Petite bibliothèque
universelle », 1886 ou Fayard, 1892, p. 5-6).
[61] Les
Roses du Laurier, op. cit., II, p. 105-110.
[62] Titre
de la première partie des Roses du Laurier.
[63] Embrun,
23 juin 1907.
[64] Léon
Laurent-Pichat : poète et homme politique, franc-maçon, auteur des Poètes
de combat, Hetzel, 1861.
[65] Nous
avons rétabli la ponctuation de ce qui semble bien conforme à la syntaxe de
l’original. On notera pourtant, outre les pénibles répétitions de cet hommage
mesuré (parlant d’« effort » poétique sans juger de sa réussite), que
Clovis lui-même, dans la préface du volume II, minore l’aspect épique de son
poème. « La Chanson de Jehanne est une belle épopée familière et
tendre. Elle innove et traditionnellement. Rien n’est plus nouveau et rien
n’est plus Vieille France. », affirme encore G. Kahn, dans sa préface aux Poésies
choisies (op. cit., p. 35). Mais ces défauts sont rachetés par
l’allusion curieuse à l’alouette, qui annonce Anouilh.
[66] Gustave
Kahn, préface aux Poésies choisies, op. cit., p. 35.
[67] Poésies
choisies, op. cit., p. 209-212 et p. 213-214, p. 217-220 et p.
220-227.
[68] Poèmes
de prison, op. cit., respectivement p. 5-6 et 13-15.
[69] Page
141 d’Alexandre Zévaès, « Clovis Hugues : sa vie, son œuvre
littéraire », La Nouvelle Revue, t. XVIII et XCIV, 1er
mars puis 1er avril 1928, respectivement p. 15-22 et 133-178.
[70] Page
20, introduisant les Poésies choisies de 1935, op. cit. Clovis
lui-même se trouve cité en italiques.
[71] Page
142 d’Alexandre Zévaès, art. cité.