La communication scientifique fait-elle partie
du rôle de l’universitaire aujourd’hui ?
Réflexions préparatoires à l’atelier
thématique du stage de monitorat (La Rochelle, 2004)
Dossier
réalisé par :
Ø
Antonia Cristinoi (linguistique) ;
Ø
Céline Poudat (linguistique) ;
Ø
Marienne Neveu (espagnol) ;
Ø
Nadège Lerouge (anglais) ;
Ø
Paolo Pereira (géographie) ;
Ø
Romain Vaissermann (lettres).
(Tous
droits réservés)
Professeurs et maîtres de conférence
sont aussi appelés enseignants-chercheurs. Ils sont 51 842 en France
aujourd’hui, et cette dénomination administrative souligne la double fonction
de l’universitaire[1] : d’une
part la communication de son savoir aux étudiants et d’autre part l’approfondissement
dans son domaine de recherche, ce qui suppose la mise en circulation de ses
découvertes, analyses et/ou interprétations. Au carrefour de la transmission
(entre chercheur au C.N.R.S. et professeur du second degré), s’en remettant
donc à deux ministères différents et non moins proches, il semble évident que
l’universitaire ne vit pas replié sur ses recherches, qu’il se doit et ne peut
que communiquer la culture scientifique dont il est le spécialiste.
Il est donc curieux aujourd’hui de se
demander si la communication fait partie du rôle de l’universitaire. Étonnant
d’apprendre que Jean-Marc Monteil, directeur de l’enseignement supérieur, veut
élargir l’enseignement à la fonction de communication, et que l’un des projets
actuels du ministère est d’amener les moniteurs, ces apprentis universitaires,
à être des communicants, auprès notamment des élèves du secondaire peu
enthousiastes à l’idée d’être à leur tour universitaires (comme le montre la
désaffection dans les filières scientifiques).
L’universitaire communiquerait donc,
mais pas assez ou de façon peu convaincante. Son rayonnement ne serait pas
satisfaisant, non approprié, trop circonscrit ou trop terne pour donner une
impulsion à la vie sociale.
Nous verrons dans une première partie
ce qu’il en est réellement, quels sont les enjeux et les modes de la
communication scientifique aujourd’hui. Puis nous analyserons comment l
‘universitaire se doit de contribuer au progrès scientifique et comment par
là-même il appartient à un système qui peut se révéler contraignant
(communication pouvant alors aller de pair avec productivité et compétitivité)
ou défaillant (les liens relationnels se substituant au professionnels, la
quantité à la qualité). D’où la nécessité d’une éthique de la communication
scientifique, tant à un niveau personnel (probité et honnêteté intellectuelles)
que social.
ÓÔ
1. La communication scientifique
aujourd’hui : nouveaux enjeux
Avec la démocratisation de
l’université (l’augmentation des étudiants et donc des enseignants) et la
mondialisation de l’information (une circulation des idées plus rapide,
partout), la communication scientifique s’est sensiblement modifiée ces trente
dernières années.
Tout d’abord au niveau de
l’enseignement. La transmission scientifique à un nombre croissant d’étudiants
aux origines sociales diverses est censée ne plus être un privilège et nul
doute que cette démocratisation ait influencé sur la relation
enseignant-étudiant. Dans quel sens, il est plus difficile de le dire ;
plus d’anonymat mais moins de raideur auto-satisfaite ? Encore faut-il
aussi s’interroger sur le contenu de cette transmission, puisqu’il y a souvent
étanchéité entre la recherche de l’enseignant d’un côté et ses cours de
l’autre. Le fossé s’est-il même creusé entre les deux, malgré les ronflants
discours opposés ? Et ce, tout simplement le plus souvent pour une raison
de niveau (poser les bases avant d’approfondir). Mais le développement des
filières post-licence et des séminaires parallèles a sans aucun doute permis
une transmission plus en accord avec les préoccupations scientifiques du
chercheur. Il ne faudrait pas alors que l’élitisme (gratification de se
retrouver entre pairs, face à ses héritiers spirituels) se reporte sur cette
transmission et que les cours aux étudiants de première, deuxième, troisième
année (donc les plus nombreux) se transforme en routine non communicative,
gagne-pain confortable et intellectuellement accessoire.
D’autant plus que
l’enseignant-chercheur peut se sentir très gratifié aujourd’hui de profiter de
la mondialisation de la science et donc d’une part d’une recherche
indéniablement facilitée (Internet, bases de données, missions internationales)
et d’autre part d’une circulation ultra-rapide des informations. La
communication scientifique aujourd’hui ne se réduit plus à un petit circuit
fermé spécialisé. Cette explosion virtuelle des frontières géographiques (qui
est allée de pair avec une augmentation de la transdisciplinarité), cette
facilité de communication et d’information ont permis à la recherche de se
développer plus vite et donc de se transmettre plus vite. Les niveaux de
transmission scientifique se sont multipliés : au-delà de l’enseignement aux
étudiants, le chercheur fait part de ses recherches à ses pairs au niveau
national et international. Les séminaires, colloques, conférences ont augmenté,
des lignes de recherches se sont ainsi croisées, transformées, ont muté.
Il s’en est suivi évidemment une
standardisation des modes de communication (utilisation de l’anglais,
développement de consignes de rédaction et de communications de plus en plus
normées, etc.) et un trop plein de communication qui n’est pas allée sans
méfaits : mise de côté de revues non anglophones, mise à la mode d’un
courant de recherche peu fructueux, répétitions et paraphrases de découvertes.
Importante, cette mondialisation est donc à nuancer. Et ce d’autant plus que la
transdisciplinarité qui s’est incroyablement développée en ces temps
postmodernes semble pourtant restée un phénomène de surface. Le chercheur a du
mal à se défaire de cette étiquette de spécialiste qui connaît tout de son domaine de recherche mais dont le
savoir s’arrête là. Peut-être que l’abandon du doctorat d’État en faveur du
diplôme actuel y est pour quelque chose. Ce qui est sûr, c’est que la spécialisation
à outrance absolument nécessaire n’est en rien suffisante, et que si la
mondialisation a permis un développement des contacts entre chercheurs elle est
aussi la cause d’un trop plein de circulation d’informations.
Par ailleurs, à un troisième niveau,
et non des moindres puisqu’il concerne l’image de l’enseignant-chercheur
dans la société, le phénomène de vulgarisation s’est aussi considérablement
développé. L’universitaire a longtemps été coupé du social, participant à
l’enseignement dit supérieur, son savoir était respecté et réveillait
peu l’intérêt (trop lointain, trop spécifique, trop théorique). Ses
interventions se limitaient souvent à un
article d’opinion dans un grand journal avant de revenir à ses publications
de spécialistes. Avec l’importance croissante des médias et l’apparition de
revue de vulgarisation (Science et vie et autres Magazine littéraire…),
la situation a quelque peu changé. L’universitaire a pu devenir un communicant,
mais il semblerait qu’il lui faille encore s’atteler à la tâche, que son savoir
ne soit pas encore assez accessible. Pourtant, plus de crédits ont été accordés
à la vulgarisation et certaines polémiques scientifiques ont même eu lieu dans
des revues de vulgarisation avant d’être reprises dans des revues scientifiques.
Par ailleurs on entend, lit, voit aussi très souvent un universitaire
spécialiste de telle ou telle question et garant d’objectivité faire part de
son savoir. Certains sont devenus même très médiatiques (Claude Hagège, Julia
Kristeva, Jean Lacouture, Pierre Bourdieu, Jacques Le Goff, Pierre-Gilles de
Rennes). Le danger de devenir le spécialiste de service ou un personnage
trop publique pour être crédible est bien sûr évident. Pourtant, il est
indispensable que l’universitaire soit disponible et même actif à ce niveau
(participation dans des journaux télévisés ou radiophoniques, émissions et
publications de vulgarisations), c’est lui qui doit passer le relais au
journaliste et réveiller l’intérêt de ses auditeurs, de ses spectateurs, de ses
lecteurs enfin, de possibles futurs enseignants-chercheurs. La tâche est
difficile : il s’agit d’être concis, juste, accessible et séduisant.
Certains s’en tirent brillamment, d’autres s’y brûlent les ailes, mais
travailler à rendre moins étanches le domaine de recherche (le Savoir) et la
société ne peut être, fondamentalement, qu’une noble tâche. Et c’est en quelque
sorte ce qu’ont essayé de faire les auteurs de la fameuse pétition « la
recherche en danger » qui a fait tant de bruits ces derniers temps (31 000
signatures sur http://recherche-en-danger.apinc.org).
Démocratisation,
mondialisation, vulgarisation, autant de phénomènes parallèles qui ont
considérablement modifié la communication scientifique ces trente dernières
années. Processus aujourd’hui complexe, la transmission du savoir doit tenir
compte de toutes ces données, tout en gardant à l’esprit son influence dans le
progrès scientifique et sa participation à un système de pouvoir.
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2.
Entre idéologie et productivité : le rôle de l’universitaire
2.1. La communication scientifique, condition sine
qua non du progrès scientifique
Le progrès
scientifique est fondamental pour le développement de notre société. C’est
pourquoi la « matière grise intellectuelle » est devenue au fil du
temps une véritable marchandise soumise à la concurrence internationale. Cette
réalité n’est pas sans poser quelques problèmes : l’intérêt toujours plus
important pour les résultats de recherche, dont les implications paraissent
évidentes (décisions politiques, choix technologiques…), montre bien la science
est plus que jamais un enjeu économique, politique et culturel.
Comme nous
l’avons vu précédemment, l’universitaire possède une double fonction :
enseigner et « faire de la recherche », ce qui fait de lui un
producteur potentiel de savoirs. Même si l’on peut se demander si cette
relation entre enseignement et recherche est idéale, force est de reconnaître
que cette situation l’amène (ou devrait l’amener) à communiquer, tout du moins
auprès de la communauté des chercheurs.
Nous verrons par la suite que c’est
sur cette production scientifique qu’il sera évalué et non pas sur ses
« qualités » d’enseignant ou de pédagogue, comme c’est le cas dans le
secondaire (l’universitaire bénéficie d’une grande liberté, il n’est pas
contrôlé par un inspecteur par exemple)… On peut d’ailleurs se poser la
question suivante : qu’en est-il de la qualité de l’enseignement
universitaire dans la mesure où parfois, des individus se consacrent pleinement
à la recherche au détriment de la transmission des savoirs auprès des jeunes
étudiants ? Mais il s’agit ici d’un autre débat.
Que ce soit dans
le domaine des « sciences dures » ou des sciences humaines,
l’universitaire contribue, à travers ses travaux de recherche, au progrès de la
pensée scientifique. Pour que cette « mécanique » fonctionne
parfaitement, tout du moins convenablement, l’universitaire se doit de
confronter ses idées avec les autres chercheurs : il est contraint de
communiquer ses résultats pour qu’ils soient discutés et critiqués puis intégrés
comme des acquis. C’est pourquoi il semble impensable qu’un universitaire reste
isolé, d’autant plus qu’actuellement les échanges sont plus que facilités par
les nouvelles technologies comme Internet par exemple.
L’universitaire doit être au summum
de sa discipline. Pour cela, il n’a d’autre solution que de s’intégrer dans la
dynamique générale de la recherche : à partir des résultats de ses pairs,
il doit bâtir sa propre réflexion pour à son tour permettre l’émergence de
nouvelles idées et ainsi, faire progresser les connaissances et la science en
général… D’où l’importance du réseau, du travail en équipe pour partager ses
pensées et ses problèmes : débats en commun, feedback. S’il reste
cantonné à son univers local (université d’attache), il ne pourra prétendre
avancer correctement et ne sera en aucun cas utile à la recherche globale.
Aussi, on pourrait penser qu’un universitaire qui ne communique pas n’est pas
en phase avec les obligations de son statut. Il en va du progrès scientifique.
Bien évidemment,
on pourrait penser que d’autres personnes sont mieux placées pour communiquer
(notamment celles issues des grandes institutions de recherche) mais est-ce
vraiment la question ? Dans un contexte où l’Université perd de son aura,
il faut que l’universitaire s’inscrit dans une logique de visibilité auprès du
grand public : la vulgarisation peut être un moyen de modifier les
représentations des personnes extérieures. Ce type de communication peut
permettre de donner une image dynamique de la recherche universitaire auprès de
la société (en veillant par ailleurs à ne pas tomber dans certains excès).
La communication est une condition du
progrès. À partir de là, le comportement de certains universitaires est à
déplorer, tentés d’abandonner la recherche une fois en poste pour se contenter
de leurs fonctions de directeurs de recherche et d’administrateurs…
2.2. Communication
scientifique et accréditation de l’universitaire : jeux de pouvoir et de
rentabilité.
Dans le
processus de la communication scientifique, l’universitaire intervient
principalement sous deux formes :
-
À travers ses
publications personnelles, destinées à sa propre accréditation et à valider ses
résultats (c’est la face
cachée de son activité, pas forcément connue des étudiants qui ne le voient
souvent qu’à travers ses cours magistraux) : volet important, car,
comme nous l’avons dit, c’est là-dessus que seront évaluées son aptitude et ses
compétences dans son domaine et ce, tout au long de sa carrière : dans un
premier temps pour obtenir la qualification du C.N.U. et prétendre à un poste
de maître de conférences, ensuite pour obtenir son habilitation à diriger des
recherches et accéder de la sorte au poste de professeur des Universités ;
-
À travers la
participation aux comités de lecture et l’organisation de colloques et autres
conférences : après
avoir été « reconnu » par ses pairs, l’universitaire confirmé aura
une fonction importante dans la recherche scientifique. En participant aux
comités de lecture, il occupera une position de juge arbitre en évaluant les
communications des autres chercheurs. C’est lui qui, en compagnie des autres
membres, jugera si un travail de recherche a une certaine valeur et sera
important pour l’avancée de la discipline…
Cette fonction de modérateur peut soulever certains problèmes
déontologiques. Il n’est pas rare de voir des comités privilégier certains
universitaires parce qu’appartenant au même réseau… De même, l’existence de
rivalités entre équipes de recherche (ou entre directeurs de recherche) peut
avoir des conséquences néfastes… À ce sujet, on pourrait évoquer les chercheurs
qui, parce qu’ils avaient décidé d’emprunter des méthodes non établies à un
moment donné, ont été vivement critiqués par leurs pairs… Apparaît ainsi la
notion de pouvoir, bien présente dans notre société. Face à l’existence de
certaines pratiques, l’idée d’enjeu économique ressurgit à nouveau.
On peut donc dire que la communication scientifique est une mission
glorieuse pour l’universitaire (il apporte une pierre à l’édifice) mais qu’elle
peut être contestée voire contestable.
En effet, le système actuel engendre, à notre avis, d’autres
interrogations fondamentales. La globalisation des échanges, l’enjeu économique
que représente le savoir (concurrence entre universités et entre États…) entraîne
inévitablement une logique productiviste.
Des critères de productivité sont ainsi imposés aux chercheurs :
pour obtenir certaines fonctions, certains postes, ils doivent atteindre un
niveau, ce dernier étant quantifié par un score obtenu à travers ses
publications. L’existence d’une grille de notation, dont les points sont
attribués en fonction de la réputation de la revue scientifique dans laquelle
le chercheur a publié, peut être préjudiciable… Que penser des publications
co-rédigées par une demi-douzaine de chercheurs ? Des dérives sont parfois
possibles et difficiles à mettre à jour.
Une fois de plus se pose la question du « pouvoir » détenu
par le comité de lecture pour la sélection des articles. Celle-ci est souvent
relationnelle, privilégiant des facteurs subjectifs plus que
scientifiques : quels bénéfices pour la science et le progrès scientifique
dans ce cas ?
Cependant, force est de reconnaître que le dynamisme d’un chercheur
est facilement perceptible à travers ses travaux de recherche et ses
publications. Dans certains pays anglo-saxons par exemple, les chercheurs sont
obligés de prouver leur activité pour être reconnus et ainsi conserver leur
poste dans l’université. C’est la fameuse devise « Publish or Perish »
qui prévaut. Un travail réel et permanent est exigé à l’universitaire, ce qui
est loin d’être le cas partout.
Nous venons de voir que si la communication scientifique est une
activité propre à l’universitaire d’aujourd’hui, cette tâche peut parfois être
affectée par le système dominant actuel dans lequel productivité et rentabilité
sont les mots d’ordre. Aussi, pour tenter de préserver une certaine rigueur
scientifique, il apparaît nécessaire de poursuivre (à défaut de mettre en
place) une éthique de la communication scientifique.
ÏÐ
De nos jours, la science est un
véritable enjeu économique, politique et culturel. Dans ce contexte, le droit à
l'information scientifique devient une condition indispensable au fonctionnement
d'une société démocratique
Faire connaître les résultats de ses
recherches au-delà des limites de son propre laboratoire, dans ce qu’on appelle
« la communauté scientifique » mais aussi auprès du grand public, est
à présent une obligation pour le chercheur. Toutefois, comme tout type de
communication, la communication scientifique n’échappe pas aux influences
politiques et idéologiques, étant souvent mise au service d’intérêts
collectifs ou individuels (il ne faut pas oublier, dans ce sens, que l’on impose
aux chercheurs un quota de publications et que l’on vit dans une « culture
des résultats » ).
La démarche scientifique suppose
rigueur, efficacité, logique, réflexion et, bien évidemment, honnêteté
intellectuelle, qualités qui doivent s’appliquer également à la communication
scientifique. Dans ce sens, le rôle du scientifique est à la fois de garantir
la qualité de l’information scientifique qu’il propose et d’essayer de réguler
la communication scientifique.
Il est extrêmement important que le
chercheur ne communique que ce qui est éprouvé et validé, et qu’il évite les
publications « sauvages » destinées à accroître le nombre de
publications sur sa bibliographie personnelle, car publier vite (afin de
s’assurer que l’on est le premier à présenter certaines données dans son
domaine d’activité) et de façon fragmentée (dans le souci de proposer le plus
grand nombre de publications) ne peut point servir à une véritable diffusion du
savoir. L’objectivité scientifique est un devoir pour le chercheur, on ne le répétera
jamais assez, surtout lorsqu’on pense aux enjeux politiques et sociaux
importants des recherches (en sciences humaines par exemple).
Le respect d’une éthique de la
communication scientifique implique de nouvelles obligations professionnelles
pour les producteurs et les vecteurs du savoir, dont la collaboration
conditionne la pratique d'une information à la fois fiable et responsable, qui
assure l'accès aux données et aux résultats, mais tienne compte des
conséquences possibles des applications pratiques des découvertes, ainsi que
des attentes et des craintes du public.
Une des obligations du chercheur est
de tenter de contribuer par son attitude et par ses actions à réguler la
communication scientifique, i.e. la diffusion et la promotion des
résultats de ses recherches. Le développement des médias, leur intérêt
croissant pour la découverte scientifique (la création de nombreuses revues de
vulgarisation scientifique) ainsi que le foisonnement des nouveaux moyens de
diffusion de l’information (dont l’Internet est le représentant le plus
important) sont des facteurs extrêmement importants dans la communication
scientifique. Sans nier l’importance de ces nouveaux instruments de travail, il
appartient au scientifique de mettre en garde le public contre les dangers
qu’ils présentent. Il est impossible, par exemple, de toujours contrôler la
validité des informations publiées sur Internet ou de s’assurer que les autres
médias ne faussent ou ne « colorent » les données qui leur sont
présentées en fonction de leurs propres intérêts. Dans ce contexte d’abondance
de l’information, il devient également impossible de contrôler un phénomène
aussi regrettable que le plagiat, qui nuit sensiblement à la qualité de la
communication scientifique.
La nécessité de connaître les travaux
des autres et de faire soi-même connaître les siens, liée au développement des
moyens de communication en masse,
engendre un nouveau problème, celui de la langue de communication, vitale dans
la communication scientifique. Quelle honte qu’à présent l’anglais joue un rôle
de langue universelle dont l’hégémonie est soi-disant incontestable !
Cette hégémonie force les chercheurs à se plier aux « règles du
marché » en publiant leurs résultats presque exclusivement an anglais au
détriment de leurs langues nationales et des autres langues de communication
internationale, comme le français et l’allemand, etc.
Dans ce contexte socioculturel
délicat, il incombe donc au chercheur de mieux faire connaître aux médias et à
travers les médias à la communauté scientifique et au public large, non
seulement les résultats de ses recherches mais aussi les détails de la démarche
scientifique. Son rôle est également de favoriser les rencontres entre
scientifiques et journalistes (ou entre chercheurs et le public large, élèves,
étudiants, enseignants) qui ont un rôle important dans la diffusion du savoir
et dans la construction d’une réflexion critique sur les résultats et les
méthodes de recherche, réflexion indispensable à la transmission du savoir.
Le scientifique
doit être conscient de sa responsabilité en ce qui concerne l’élaboration et le
respect des règles de la communication scientifique et privilégier la qualité
des publications plutôt que la quantité.
Il doit également savoir que
l’amélioration et la diffusion de la culture scientifique reposent sur ses
épaules et que, dans ce sens, le contact avec les jeunes (par l’organisation de
rencontres, de journées d’étude ou par la publication d’ouvrages qui leur
soient accessibles, etc.) ou avec le grand public ne devrait pas être négligé.
Il incombe aussi
au scientifique de protéger et de promouvoir sa langue nationale ou des langues
de communication internationale différentes de l’anglais en proposant des
outils technologiques adéquats aux langues en question et en soutenant les
publications dans ces mêmes langues.
ÍÎ
« Communication
scientifique », il est un temps guère éloigné où l’expression n’aurait
désigné que la participation active à un colloque scientifique, assortie d’un
long exposé monologique et suivie d’applaudissements nourris. On objectera que
le temps des prises de parole longues est passé, la contestation n’est guère
plus développée qu’avant mai 1968. Mais ce n’est point une objection : le
temps est cyclique.
« Communication
scientifique », il est un temps guère éloigné où les membres de
l’enseignement supérieur découvraient avec admiration et perplexité les
possibilités stupéfiantes des courriers électroniques entre universités, des
pages individuelles d’enseignants, les revues scientifiques faites par
traitement de texte jusqu’à ne plus donner à l’éditeur universitaire d’un livre
bon à tirer.
« Communication
scientifique » – tout s’accélère – signifie aujourd’hui livrer à la
société le produit de ses recherches. Se justifier. Ou dominer. Face à ce
dilemme historique, les attitudes sont contrastées : d’aucuns au caractère
moins affirmé bafouillent que la recherche et développement en entreprises ne
saurait se passer de chercheurs désintéressés sinon par leurs cours, et
d’entonner la complainte autarcique du manque de moyens ; d’autres se
drapent dans leur statu(r)e d’incompris à exposer dans une belle tour d’ivoire,
et de maugréer contre l’incompréhension régnant entre Boulogne et la
Sorbonne ; d’autres encore se vendent corps et âme pour les beaux yeux des
projecteurs, et de monnayer interventions et avis autorisés contre un salaire
de misère ; d’autres sont passifs ; d’autres ne savent pas. À chacun
de définir sa part de recherche dans le couple infernal enseignement-recherche ;
le tout est que la somme des deux investissements (en temps, en force, en tout)
ne soient pas choquants pour un esprit libéral. Communiquer n’est pas une
valeur en soi, même si l’incommunication (notre ère) est la pire des
choses ; on communique quelque chose ; le souci du contenu (culture
personnelle, savoirs durs…) doit primer. La communication scientifique n’est
donc qu’un préalable à l’enseignement du contenu.
[1] Sous
cette dénomination nous prendrons, bien sûr, en compte les personnels associés
(A.T.E.R., moniteur, lecteur, contractuel…), fût-ce au prix d’une divergence
avec l’administration, qui ne considère pas tous ces « intellos
précaires » comme des chercheurs à part entière.