Chanson

 


Est-ce à jamais, folle espérance,

Que tes infidèles appas

M’empêcheront la délivrance

Que me propose le trépas ?

La raison veut, et la nature,

Qu’après le mal vienne le bien ;

Mais en ma funeste aventure,

Leurs règles ne servent de rien.

C’est fait de moi, quoi que je fasse ;

J’ai beau plaindre et beau soupirer,

Le seul remède en ma disgrâce,

C’est qu’il n’en faut point espérer.

Une résistance mortelle

Ne m’empêche point son retour ;

Quelque Dieu qui brûle pour elle

Fait cette injure à mon amour.

Ainsi trompé de mon attente,

Je me consume vainement,

Et les remèdes que je tente

Demeurent sans événement.

Toute nuit enfin se termine,

La mienne seule a ce destin,

Que d’autant plus qu’elle chemine,

Moins elle approche du matin.

Adieu donc, importune peste,

À qui j’ai trop donné de foi ;

Le meilleur avis qui me reste,

C’est de me séparer de toi.

Sors de mon âme, et t’en va suivre

Ceux qui désirent de guérir ;

Plus tu me conseilles de vivre,

Plus je me résous de mourir.


 

 

MALHERBE, Poésies, éd. A. Adam, coll. Poésie, Gallimard, 1982

 

 

Questions :

1 — Vocabulaire (4 points)

Étudiez les mots soulignés :

- disgrâce (v. 11) ;

- résous (v. 32).

2 — Morphosyntaxe (6 points)

Étudiez la première et la deuxième personnes dans le texte.

3 — Stylistique (10 points)

Rédigez un commentaire stylistique du texte.


 

 

 

 

Je n’étais pas né que mon père éprouvait déjà les premières atteintes de sa maladie ; c’était un homme doux, petit, sérieux et patient ; il prit le mal comme il venait ; il essaya de travailler quand même, parce qu’il était courageux, mais les médecins disaient que ce qui lui faisait du mal c’était d’avoir la poitrine rentrée quand il restait penché sur l’établi ; alors il se fit protéger pour entrer dans les octrois, parce que c’est un métier plus doux ; tous les jours maman lui faisait porter son manger dans un panier ; mais la maladie le gagnait ; bientôt il ne pouvait pas même se tenir debout dans sa guérite, il dut rester à la maison, se coucher, ne se relever jamais ; c’était un bon malade, facile à soigner, et qui avait toujours peur de déranger maman, parce qu’elle travaillait ; maman travaillait plus fort que jamais pendant tout ce temps-là, parce qu’il fallait beaucoup d’argent : les médecins et les pharmaciens coûtent cher ; ce sont même des hommes qui n’en ont pas pour longtemps à gagner beaucoup d’argent ; mon père n’allait pas mieux et on sentait bien qu’il ne s’en relèverait pas, mais on faisait venir le médecin souvent tout de même, parce que cela fait plaisir aux malades ; même on changeait de médecin, parce que cela fait plaisir aux malades qui ne vont pas mieux ; mon père, qui était un brave homme et qui se résignait, finit par s’en apercevoir et de lui-même arrêta les frais ; un médecin meilleur que les autres déclara qu’il avait une tumeur ou un cancer dans l’estomac ; j’avais dix mois quand mon père est mort ; c’est pour cela que je ne l’ai jamais connu.


 

 

Charles PÉGUY, Pierre, Commencement d’une vie bourgeoise [1899], Œuvres en prose complètes, t. I, éd. R. Burac, Bibl. de La Pléiade, Gallimard, 1987

 

 

Questions :

1 — Vocabulaire (4 points)

Étudiez les mots soulignés :

- atteintes (l. 1) ;

- octrois (l. 9).

2 — Morphosyntaxe (6 points)

Étudiez la juxtaposition et la coordination dans le texte.

3 — Stylistique (10 points)

Rédigez un commentaire stylistique du passage.