Nouvelle borne pour un lieu de mémoire péguyste

 

Nul péguyste ne devrait ignorer le rôle que joua le 19 rue des Fossés-Saint-Jacques dans la vie de Péguy. Souvenez-vous.

Le 1er mai 1898 était fondée la librairie Georges Bellais au 17, rue Cujas, dans le cinquième arrondissement de Paris. Un an plus tard, le 2 août 1899, la Société Nationale de Librairie et d’Édition est créée, sise au même lieu, la librairie périclitant. Le 26 décembre de la même année, Péguy écrit à Herr qu’il part « pour un temps » : « Je pars comme une colonie fidèle quitte la métropole ». Péguy gagne un deux-pièces du 19 rue des Fossés-Saint-Jacques, chez Charles (dit Jean) Tharaud et André Poisson (camarade du lycée d’Orléans) : cet appartement servira à la revue à naître de dépôt principal. Le 5 janvier 1900, les dés sont jetés : la fondation des Cahiers de la quinzaine a lieu, à la même adresse. En septembre de la même année, Péguy embauche André Bourgeois comme administrateur des Cahiers. En octobre, Bourgeois s’installe dans la chambre de Poisson pendant son absence ; ce dernier, dès son retour de vacances, protestera auprès de Péguy contre la situation ainsi créée (dans la version d’Auguste Martin). Le 12 novembre, les Cahiers sont transférés au second du 16 rue de la Sorbonne, par suite de manque de place chez les amis. Le 1er octobre 1901, les Cahiers déménageront une seconde fois du 16 au 8 rue de la Sorbonne, dans un local qui prendra le nom de Boutique des Cahiers.

Dans les années 1900, Péguy reviendra souvent au 19 rue des Fossés-Saint-Jacques : il couche alors les jeudi soir et vendredi soir chez Charles Tharaud pour recevoir tard à la Boutique le jeudi, suivre les cours de Bergson chaque vendredi 16h45 puis suivre les cours de l’École socialiste, créée par la S. N. L. É., le samedi matin.

C’est en gardant à l’esprit cette histoire des lieux péguystes que nous ne pouvons manquer de saluer —même tardivement — une campagne de signalétique historique qui a marqué, à son échelle, le paysage urbain : de nombreuses bornes ressemblant à des mât de vaisseau sont apparues sur les trottoirs de la capitale. Le service culturel de la Mairie de Paris a en effet confié à l’entreprise JCDecaux, en 1997, le dépôt d’une borne devant le numéro 19 de la rue des Fossés-Saint-Jacques et sur laquelle on peut lire :

 

Histoire de Paris

Charles Péguy

Né à Orléans le 7 janvier 1873, Charles Péguy, après être passé par l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et avoir suivi les cours de Bergson, est un dreyfusard militant lorsqu’il crée ici, le 5 juin 1900, ses Cahiers de la quinzaine. Entouré de collaborateurs tels Romain Rolland, Julien Benda ou Georges Sorel, il fait paraître 229 numéros jusqu’en juillet 1914, où il publie l’essentiel de ses œuvres en prose, dont Notre jeunesse en 1910.

[portrait de Charles Péguy stylisé — de façon peu ressemblante — par JCDecaux]

« Lourde, répétitive, obstinée, la pensée se forme en même temps qu’elle se fait »... Après avoir retrouvé la foi catholique et accompli plusieurs pèlerinages à Chartres, Péguy meurt au front en 1914.

 

Espérons que ce mobilier apparu dans le cadre d’un programme de balisage des lieux de mémoire parisiens, destiné aux touristes comme aux résidents, saura rappeler à de nombreux passants l’habitant du cinquième arrondissement fidèle à son quartier que fut Charles Péguy toute sa vie durant.

 

Romain Vaissermann