Jean-Paul COLIN, Quand la raison
n’a plus raison : les mots de la bêtise à la folie, Lambert-Lucas,
2006, 258 p., 24 €
Recueil
des mots français « propres à
désigner les égarements de l’esprit »,
ce livre a le mérite de n’utiliser que des citations de première main et de ne pas
reprendre les textes exploités par le Dictionnaire
de l’argot (déjà deux fois réédité
depuis 1990) du même auteur. Bécasse et bêta (qui en reste à la
deuxième lettre de l’alphabet grec), godiche et gogol (mot apparenté autant à gogo qu’à mongolien et favorisé par le chanteur de rock
alternatif français « Gogol 1er », auteur de l’album Vite avant la saisie en 1982), truffe et veau n’auront plus de secrets pour vous ! Quant au terme quoniam bonus, signalé comme «
mystérieux », il provient du psaume 107 : « Confitemini Domino, quoniam bonus, /Quoniam in sœculum misericordia
ejus. », que Marot traduisit,
à l’instigation de François Ier : « Donnez au Seigneur gloyre, / Il est
doulx, et clement, / Et sa bonté notoyre / Dure eternellement. » Le terme possède deux sens
principaux. Érotique, il désigne par rencontre phonétique le sexe féminin [con]
– la Kabbale invoque par le psaume 107 le 68e génie, spécialiste de la
fécondité... Quoniam bonus peut aussi désigner quelqu’un de stupide,
par exemple chez les frères Goncourt, dans Les
Hommes de lettres (1860, chap.
LXXVIII : « Voyons,
qu’est-ce qu’il te faut ?... Qu’est-ce qu’il y a pour ton service : et ne
fais pas ton quoniambonus... »).
Nerval, dans Angélique, cite une chanson provinciale (5e lettre : « Suite
de l’histoire de la grand’tante de l’abbé de Bucquoy ») qui utilise l’expression en un
autre sens. « On lui a demandé
: / Où est votre congé ? / – Le congé que j’ai
pris, / Il est sous mes souliers ! La réponse est jolie. Mais le refrain
est terrible : Spiritus sanctus, / Quoniam bonus ! Ce qui indique
suffisamment que le soldat n’a pas bien fini... » On
le constate, la langue argotique n’a pas fini de nous surprendre. Ses chemins
s’égarent parfois, même quand elle prétend jeter l’opprobre sur gens fous et stupides.
Romain Vaissermann