Un faux inédit de Péguy

 

Nous avons reçu de Raphaël Zacharie de Izarra, écrivain manceau de 39 ans connu sur la Toile, un texte que son découvreur prétend de Péguy :

 

Ce document miraculeusement sorti de l’ombre par mes soins est le résultat de recherches entreprises un peu au hasard à la B.N. où, par un heureux concours de circonstances un peu compliquées à expliquer dans le détail, il m’a été permis à titre exceptionnel mais très officiel [sic] d’aller découvrir et réveiller des documents demeurés clos pour je ne sais quelle raison. Je connais peu de choses sur Péguy, ayant lu ses œuvres avec légèreté. Lors de ma découverte et après expertise officielle [re-sic] du document à la B.N., je ne décidai pas pour autant de me plonger dans l’œuvre de Péguy. Mes centres d’intérêt sont ailleurs : je suis collectionneur de signatures, documents personnels et dédicaces d’auteurs. Le texte de Péguy est ma plus émouvante découverte et appartient bien entendu au patrimoine littéraire mondial. Je suis particulièrement fier d’avoir contribué à épaissir l’œuvre de Péguy, ne serait-ce que d’une demi-page.

 

Ce (désormais) fameux manuscrit enregistré en octobre 2004 à la B.N. sous le numéro 0057789, toujours selon son découvreur, « faisait partie d’une pile de documents administratifs (classés pêle-mêle) ayant appartenus à l’auteur. L’état des documents mais surtout le mode d’emballage caractéristique du carton relié qui les contenait (ouvertures et pliures à usages limités) laisse supposer qu’ils ont été peu consultés depuis leur dépôt à la B.N. en 1925. » Tout cela sent bon le faux, mais place au texte de ce document introuvable :

 

À la cathédrale de Chartres

 

Derrière la pierre battait un cœur. De ses sommets ventés émanait un chant sourd et mélodieux. Les têtes vertigineuses dominaient la Beauce. Noir et majestueux, le vaisseau gothique semblait sillonner ciel et temps, traversant les siècles chartrains avec la dignité d’un prince, indifférent à l’agitation des vivants, défiant le temporel et ses idoles, toisant définitivement l’Histoire et les mortels.

Entre les arcades, des flammes. Dans le vitrail, l’azur. Sous les voûtes millénaires, la lumière.

En passant du dehors au dedans, je pénétrais dans une ombre qui n’était pas ombre, mais feu, joie, vie. J’oubliais la matière, et ne voyais que l’essentiel. La pierre était prière. Le grain de poussière, l’Univers entier. Le silence, une porte d’entrée sur le Mystère. La rosace, l’œil divin s’ouvrant sur l’infini.

Et ce qui à cet instant précis me donnait des ailes, ce qui à travers un frisson fulgurant dont je n’oublierai jamais l’exquise brûlure m’élevait à la hauteur des étoiles et de la souffrance humaine, c’était l’Amour.

 

Romain Vaissermann