Danièle Léon, L’Égérie de Charles VII, éditions Pic de la Mirandole, 2006. 14 .

 

Max Léon (1924-2002), entré dans la Résistance en 1942, fut une figure marquante de l’Humanité. Journaliste pendant quarante ans à partir de 1949, il se spécialisa rapidement dans la politique étrangère au Proche-Orient puis devint envoyé spécial permanent de l’Humanité à Moscou, poste important qu’il occupa de 1958 à 1975. On pourrait s’étonner de voir Danièle Léon, sa fille, un temps militante communiste elle aussi, se passionner pour la vie de Jeanne d’Arc, au point d’écrire d’abord un drame historique en un acte et neuf scènes : LÉgérie de Charles VII, publié en 2006, puis de le mettre en scène sous une forme légèrement écourtée, pour une première série de représentations au Théâtre du Nord-Ouest en mai-juin 2006 (le livre est d’ailleurs agrémenté de photographies prises lors de ce spectacle), et pour une seconde série de représentations au Théâtre Proscenium en juin-octobre 2012, ce qui redonne heureusement une manière d’actualité au présent compte rendu.

Pourtant qu’on lise cette pièce, dont le prologue donne le ton, montrant en Numa Pompilius, deuxième roi légendaire de Rome, un souverain las des guerres et épris de paix, à qui apparaît, majestueuse, la nymphe des sources, Égérie :

 

En notre temps où les âmes humaines

descendent dans les corps plus fortement qu’avant,

les hommes voient les choses sans vraiment regarder,

considérant seulement ce qui leur est utile.

Ils s’enferment en eux et ne sont plus sensibles

au langage secret de la mère Nature.

Certains êtres particuliers, qui savent ce langage

parce qu’ils savent écouter,

doivent aider les souverains

cherchant l’inspiration divine pour conduire leur peuple.

Les rois consultent les sibylles, moi je suis une nymphe.

Pour moi l’âme n’est pas enfermée dans un corps.

 

(regardant le lac)

 

j’habite au bord des lacs, nageant parmi les cygnes.

Je m’imprègne de tout ce qui vibre dans l’onde,

jusqu’à l’heure où la lune vient y baigner sa face.

Et mon chant se répand par-delà les vallées

vers les âmes en peines…

 

(musique, pendant qu’ils vont s’asseoir tous les deux sur le banc)

 

Je t’ai suivi dans tes retraites solitaires

et lorsque ta prière montait vers les étoiles,

j’étais là pour porter tes pensées vers les Dieux.

Je t’ai accompagné lorsque, des mois durant, tu hésitais

à répondre à l’appel des messagers de Rome,

et maintenant que tu as décidé,

que te voici élu par le peuple unanime,

je t’aiderai, si tu veux,

pour lui donner des lois de société

qui, par le dévouement à l’œuvre collective,

créent parmi les humains

les rapports harmonieux

qui règnent en la nature.

 

Après le prologue, la scène se déplace en des lieux familiers : Domremy, Vaucouleurs, Chinon… à l’époque de Jeanne d’Arc. L’épopée de Jeanne est alors contée à plusieurs voix, sur un mode narratif étonnant au théâtre mais toujours avec élévation d’esprit.

Les tableaux se succèdent et éclairent particulièrement la figure du roi. Charles VII n’est pas le roi faible et influençable de l’histoire naturaliste ou de Péguy, mais simplement un homme auquel Jeanne, son inspiratrice, redonne confiance, en lui apprenant tout ce que l’on obtient des autres.

Cette « leçon » de la pièce respecte les faits historiques, et notamment les dires des témoins cités lors du Procès de condamnation et du Procès en nullité de la condamnation. Le dernier mot de la pièce est cependant laissé à Athys Floride, pédagogue épris d’anthroposophie et propagateur des écoles Steiner, dont tous les personnages présents sur scène reprennent la devise altruiste : « Tout, gagné par les autres, accompli pour les autres, réalisé avec les autres. »

 

Romain Vaissermann