Jean-Jacques Luthi, Anthologie de la poésie francophone d’Égypte. Vingt-huit poètes d’Égypte, préf. de Jacques Chevrier, L’Harmattan, 2002, 272 pp. – 23 €

 

Pour que les Français n’en restent pas à Georges Cattaui, Andrée Chedid, Edmond Jabès, Joyce Mansour ou Ahmed Rassim, le choix de l’orientaliste Jean-Jacques Luthi (déjà auteur d’une Littérature d’expression française en Égypte, chez le même éditeur, en l’an 2000) s’est porté sur une trentaine de poètes. Choix heureux et généreux, qui, après vingt précieuses pages d’introduction qui mettent le lecteur dans le bain d’une littérature influencée par les romantiques (Hugo), les symbolistes (Mallarmé) puis par les surréalistes (Breton), consacre une pleine page à la biographie de chaque écrivain, offre pas moins de cinq pages à leurs textes – poèmes en prose, sonnets d’alexandrins ou vers libres – et, enfin, indique au lecteur leur bibliographie. Les meilleurs des « Égyptiens » francophones (en y incluant les Français installés là-bas) surent se faire poètes des bords du Nil, sans exotisme mais en adoptant des attitudes variées : humanistes mélancoliques « alexandrins », pieux « autochtones » patriotes, « étrangers » en quête d’identité, « seuls ceux qui ont eu l’audace de repenser la poésie, d’appliquer une prosodie étrangères à des réalités orientales, arabes, égyptiennes, seuls ceux-là ont fait œuvre de novateurs et leur poésie rend un son très particulier qui ne laisse jamais indifférent ». Montrons-le en offrant un poème – « L’Orient », d’Henri El-Kayem (1912-2000) – au lecteur de D.L.F., futur lecteur de cette anthologie :

C’est la nuit que l’on habille de rose

C’est l’arbre qui se tient penché sur les morts

C’est la voix de l’été au sommet des arbres chauds

C’est le temps qui ne connaît pas de distances.

On part accompagné d’animaux et de fêtes

La prière descend des arcanes du soir

Des femmes passent pour oublier nos vies.

 

Romain Vaissermann