Hélène MERLIN-KAJMAN, La Langue est-elle fasciste ? Langue, pouvoir, enseignement, Seuil, « La couleur des idées », 2003, 416 pp. – 24 €

 

Cet essai n’aurait pu être salué unanimement par la critique, de L’Humanité aux jeune-France en passant par Lire si ce n’était non seulement un pamphlet de bon sens contre une affirmation extrême de Roland Barthes lors de sa leçon inaugurale au Collège de France (« La langue est fasciste. ») mais aussi une fresque historique érudite, démontrant – lourdes notes et bibliographie quelque peu fourre-tout à l’appui – que la véritable langue du pouvoir aux XVIe-XVIIe siècles était le latin, que les puristes français consacrèrent le très démocratique usage, auquel se plièrent la Cour et même le Roi. Tuer la langue au motif qu’elle est en soi élitiste et instrumentalisée par le pouvoir est naïf ; ce crime nous ramènerait au langage primaire du corps, aux guerres civiles ou à la passivité politique. Que la grammaire, exercice de civilité, nous en préserve ! L’auteur, professeur de littérature française à l’université de Paris-III, met en garde les pédagogues laxistes. Il est urgent en matière éducative de « refuser les antinomies paralysantes » : entre les deux défauts qui reviennent à exiger trop de nos enfants ou à n’en exiger rien, l’auteur rejoint la devise de notre bulletin : « ni laxisme, ni purisme. » Le livre est assorti de très commodes index des noms et des notions.

 

Romain Vaissermann