Élisabeth Nuyts, L’École des illusionnistes, 2e
éd., Mauguio, impr. Graphic, 2002 (1re éd. : 2000) - 20 €
Chercheur en pédagogie, l’auteur nous livre ici une magistrale vulgarisation scientifique des processus en jeu dans l’apprentissage de la langue et un vif pamphlet contre la nouvelle pédagogie du « cerveau droit ». Sa grande force est de proposer une théorie cohérente du développement des capacités visuelles, auditives et kinesthésiques chez l’enfant ; sa faiblesse, de reprendre le mythe du complot : les organismes de formation pédagogique qui défendent la lecture globale et rapide ne sont pas délégués par on ne sait quel pouvoir à l’abrutissement des nouvelles générations. Leur si piètre grammaire n’a pas de si hautes visées. L’auteur détaille en effet, dans les explications tantôt formalistes, tantôt fonctionnelles et tantôt génératives des manuels scolaires, le sort réservé au verbe, noyau de la phrase. Faut-il oublier le verbe comme expression d’un état ou d’une action pour l’identifier comme mot de forme très variable, sans relation au temps ni au sujet ? Faut-il taire le bon vieux C.O.D. de la phrase Sujet-Verbe-Complément pour en faire le « groupe nominal » du « groupe verbal » de la phrase Groupe nominal sujet-Groupe verbal sans ajouter du sens à cette évolution ? La recherche grammaticale a, de fait, adopté ce vocabulaire mais à un certain niveau de raisonnement, pas forcément utile ni accessible au niveau primaire, et à condition d’assortir ces considérations de la distinction, ô combien sémantique, sujet / prédicat (i. e. ce que l’on sait déjà au début de la phrase, ce que l’on apprend au cours de la phrase). Faut-il aborder la voix par le mécanisme de transformation active et passive au prix d’absurdité ou du moins de maladresse : si l’on voit le cheval, alors *le cheval est vu par (l’)on ? Et si je mange du sucre, alors du sucre est mangé par moi ? Le lecteur appréciera la description tragi-comique des errements de l’enseignement primaire, dont le rôle est de répondre au désir de lire, d’apprendre, de comprendre. Répondre à cette quête du sens et la susciter sera la meilleure façon d’endiguer dyslexie et illettrisme. |
R. Vaissermann