Михаил Кузмин

 

Вы можете разрушить башни

И осквернить святой собор,

Вы можете спалить все пашни

И заповедный, старый бор.

 

В дыму дворцов и библиотек

Спокойно и легко дышать,

Метнув в Мадонну дерзкий дротик,

Не вскрикнуть, не затрепетать.

 

Позор воителя Омара

Пред вашим нынешним – ничто.

Средь стона жертв, в огне пожара –

Одно безумье разлито.

 

Испепеляйте, грабьте, жгите!

Презренье вам ответ, – не страх.

С небес невидимые нити

Восстановляют падший прах.

 

И мраку косности тлетворной

Не затемнить на зло векам

Свободный и нерукотворный

Сердцами строящийся храм![1]

 

1914

 


Michel Kouzmine

 

Vous avez tout pouvoir de détruire les tours

Comme de profaner la sainte cathédrale ;

Vous avez tout pouvoir d’incendier les champs

Ou la vieille forêt en défends.

 

Qu’il est aisé, vraiment, de respirer au calme

Les fumées des palais et des bibliothèques,

D’une flèche acérée de viser la Madone

Sans nul cri, sans aucune émotion !

 

Du guerrier Omar[2] le forfait légendaire

S’efface désormais devant votre conduite ;

Au cœur de l’incendie, sous les cris des victimes,

La démence est partout répandue.

 

Pillez donc, incendiez donc, exterminez !

Ce que vous inspirez ? Du mépris, non la peur :

Guidés du haut des cieux, des fils invisibles

Redresseront les ruines en poudre.

 

L’obscurité d’une routine pernicieuse

Jamais, au grand jamais, ne pourra l’ombrager,

Ce temple-liberté qui n’est pas de main d’homme

Mais œuvré par des milliers de cœurs.

 

1914

 

Traduit par Lioudmila Chvedova et Romain Vaissermann



[1] M. Кузмин, Собрание стихотворений [Recueil de poèmes], t. III, Munich, 1977, p. 461-462.

[2] Il existe plusieurs guerriers célèbres prénommés Omar. Il semble s'agir ici du chef toucouleur Omar Saidou Tall, dit el-Hadj (Fouta Toro, Sénégal, 1797 – Bandiagara, Mali, 1864). Voici sa notice dans « Le Petit Mourre » (Dictionnaire de l'histoire, 1990, p. 641) : « Dès 1850, il commença la guerre sainte pour imposer à l'islam noir et aux paiens la confrérie Tidjaniya. Après avoir soumis facilement les Mandingues et les Bambaras du Kaarta, il se heurta au fortin français de Médine, dans le haut Sénégal. Orientant alors sa marche vers l'est, il vainquit les Bambaras de Ségou, détruisit le royaume peul du Macina, dont il massacra tous les chefs sauf un qui souleva les Peuls. Omar dut se réfugier dans une grotte, et les Peuls le firent sauter en mettant le feu à sa réserve de poudre. Son œuvre […] marque l'implantation durable de l'islam dans les populations soudanaises. »