À nos amis
« J’ai vu, par l’en-tête de votre carte, que vous venez de passer
chez mon cher camarade d’adolescence, Claudel, lui aussi retrouvé après ½
siècle de séparation... Claudel, Péguy... Du bout de la route, quand on se
retourne, les deux sommets qui dominent toute l’étendue. »[1]
Après vingt-sept ans de brouille, Romain Rolland et Louis Gillet, deux grands
amis de Charles Péguy, s’étaient réconciliés, grâce à Claudel.
Les lecteurs du Porche ne peuvent donc s’offusquer de la place
ici faite à cet écrivain, à la faveur des
Actes du colloque de Saint-Pétersbourg de 2005, qui comprendront deux
parties : la première, présente ici, se consacre aux deux auteurs Péguy et
Claudel ; l’autre, qui paraîtra en décembre 2008 (dans le numéro 28),
comprendra diverses communications, dont celles de Gérard Abensour, du père
Laurent Flichy, de Lioudmila Chvédova, de Nina Kalitina, de Youlia Mirochina,
d’Anna Pritouzova, d’Igor Taïmanov.
Sont à l’honneur dans ce numéro Tatiana Taïmanova
et Élizavéta Léguenkova, dont les lecteurs, qui les connaissent déjà bien,
auront plaisir à lire deux communications, qui plus est dans une belle
cohérence thématique, puisqu’elles traitent de Péguy historien : la
communication de ce colloque de Saint-Pétersbourg que nous venons d’évoquer, celle
aussi qui poursuit les Actes du
Colloque de Pieksämäki d’août 2006, dont elle constitue la troisième partie.
Mais les colloques continuent d’abonder :
après celui de Saint-Pétersbourg en 2008, dont Claire Daudin a eu la
gentillesse de composer pour nous un copieux compte rendu, voici que Katarzyna Rodrigo
Kern-Pereira nous annonce qu’une session-retraite
aura bientôt lieu en Pologne : « L’Espérance face à l’éclipse de
Dieu ». Elle
aura lieu à Cracovie du 10 au 13 mai 2008. Plusieurs organismes contribueront à
cette initiative de la Fondation « L’Europe de l’Espérance », dont
l’Institut de philologie romane de l’Université Jagellonne de Cracovie, le
Centre de culture spirituelle « Communio Crucis », la
Bibliothèque de l’Abbaye de Tyniec. La manifestation se place bien sûr sous le
patronage de Charles Péguy, et en particulier
d’un extrait du Porche du mystère
de la deuxième vertu :
Ô nuit qui laves toutes les
blessures
Dans la seule eau fraîche et dans
la seule eau profonde
Au puits de Rébecca tirée du puits
le plus profond.
Amie des enfants, amie et sœur de
la jeune Espérance
Ô nuit qui panses toutes les
blessures
Au puits de la Samaritaine toi qui
tires du puits le plus profond
La prière la plus profonde.
Le compte rendu de notre Assemblée générale. Un compte
rendu de lecture. Un poème johannique. Et surtout un grand merci à Yves Avril,
véritable rédacteur en chef de ce numéro que je n’ai fait qu’introduire, en
ajoutant il est vrai un extrait des Paradoxes de la condition humaine dans la poésie
de Charles Péguy, mémoire de maîtrise rédigé en 1998 sous la direction du
professeur Aleksander Abłamowicz par Anna Czerwińska, ancienne étudiante de philologie romane (Université de Silésie, Katowice), aujourd’hui
enseignante et traductrice.
Anna Czerwińska est venue à Péguy par sa poésie, qui l’a touchée par sa simplicité et sa profondeur ; elle lut ensuite les fameuses Méditations sur la foi du père professeur Tadeusz Dajczer, traduites en plus de 20 langues et parsemées de citations de Péguy[2]. Le père Dajczer est le cofondateur en 1985 des « Familles de Nazareth » ; Anna Czerwińska, qui fait partie de ce mouvement, estime la pensée de Péguy très proche de la spiritualité de ce mouvement, qui encourage à la confiance radicale en Dieu tout en prenant en compte la grande faiblesse de l’homme. Elle a participé à quelques rencontres et conférences de la Fondation « L’Europe de l’Espérance » et envisage de chercher un éditeur qui publie la suite de ses recherches universitaires sur Péguy. Peut-être est-ce le moment, puisque le Porche du mystère de la deuxième vertu de Péguy vient d’être publié en polonais...
Surtout, que nos lecteurs n’hésitent jamais à nous
envoyer matière à publication. Il n’y a nulle gloire à être publié dans le Porche,
mais la toile internationale commence à nous citer, de tous les côtés. Qu’on
visite, pour s’en rendre compte, un recueil de lieux littéraires et de maisons
d’écrivains (www.terresdecrivains.com/Charles-PEGUY), la biographie
détaillée de Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret (www.jpsueur.com) ou
de cette Anna
Czerwińska que vous découvrez
aujourd’hui (www.tlumaczka.pl/index.php), le blogue de la Fondation « L’Europe de l’Espérance » (fundacjaeuropanadziei.blogspot.com)
et celui de Radio-Courtoisie (radio-courtoisie.over-blog.com/categorie-166121.html)
ou telle étrange adresse d’un forum zen se réclamant d’une « spiritualité
humaniste » (antahkarana.forumzen.com/vous-avez-aime-f10/le-porche-t908.htm)…
On y trouve, même, certaines reprises d’articles (www.artdudesert.fr/Birnberg-LePorche4.pdf), autorisées bien sûr, et des renseignements
officiels comme la modification de l’intitulé de notre Association,
modification signifiée à la préfecture du Loiret le 8 juin 2002, à l’adresse www.journal-officiel.gouv.fr/association/. « Nouvel
objet de l’Association : faire connaître, notamment en Russie, en Pologne
et en Finlande, Jeanne d’Arc et Charles Péguy ; développer entre les
différents pays associés à la démarche de l’association des liens d’échange et
d’amitié. »
Je vous souhaite une bonne lecture de ce nouveau
numéro, dont je suis sûr qu’il contribuera lui aussi à « faire connaître,
notamment en Russie, en Pologne et en Finlande, Jeanne d’Arc et Charles
Péguy » et à « développer entre les différents pays associés à la
démarche de l’association des liens d’échange et d’amitié ».
[Au moment où nous mettons sous presse, le Figaro
du 5 avril 2008 annonce que Charles Péguy, « socialiste et chrétien dont la panthéonisation coïnciderait avec
le 90e anniversaire de l’Armistice de 1918 », fait partie des
grandes figures françaises dont l’Élysée envisage de déplacer la tombe au
Panthéon.
L’histoire semble se répéter en cette matière, si
l’on se souvient que, déjà, en 1945,
alors que les communistes avaient demandé le transfert de Romain Rolland au nom
de son engagement contre le fascisme et que la famille de l’écrivain avait
refusé, les gaullistes proposèrent le nom de Charles Péguy, honneur que la
famille de cet écrivain, elle aussi, refusa.
Rappelons enfin que le nom de Péguy figure déjà sur les murs du
monument, énumérant 562 écrivains morts pour la France pendant la guerre de
14-18, dont Alain-Fournier, Apollinaire, Segalen.
Merci à Damien Le Guay, trésorier de l’Amitié
Charles-Péguy, de nous avoir transmis cette information. Méritait-elle que Le
Porche en parle ? Yves Avril pense résolument que
non. Je ne souhaite pas m’étendre davantage sur le sujet, parce qu’il regarde
essentiellement la famille de l’écrivain et l’Élysée ; mais j’ai cru que
cette information, qui divise les péguistes, pourrait intéresser certains de
nos lecteurs, notamment ceux qui sont étrangers à nos querelles
franco-françaises ou ceux, au contraire, qui sont curieux de ces querelles.]
Romain Vaissermann
Addendum
Le poème de Serge Avérintsev publié dans le précédent Porche
sans référence est tiré du Messager du mouvement chrétien russe (Вестник
русского
христианского
движения, n° 165, II-1992,
p. 140). Nous prions M. Nikita Struve, directeur de cette revue, de
bien vouloir excuser cet oubli.
[1] Lettre de Romain Rolland du 7 août 1942 à Louis Gillet (Louis Gillet et Romain Rolland, Choix
de lettres, préface de Paul Claudel,
Albin Michel, 1949, p. 322).