Avant-propos

 

Notre bulletin abrite pour ce numéro la fin des actes du colloque qui s’est tenu en 2005 à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg. Yves Avril a traduit une bonne partie de ses exposés. Pour le décharger quelque peu de l’ample part de traduction que comporte la préparation de chaque numéro, nous faisons appel à tous nos lecteurs : ne connaissez-vous pas des traducteurs du russe, du polonais, du finnois même qui puissent être intéressés par une collaboration avec le Porche ? Point n’est besoin de polyglottes, d’ailleurs. Prière de les adresser à la rédaction ! Car, pour ma part, je ne pratique que le russe.

Mais il faut présenter d’abord deux nouveaux collaborateurs : Geneviève Decrop et Lena Jakubčáková, qui fournissent nos deux premiers articles.

Geneviève Decrop, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, docteur en sciences politiques de l’École des hautes études en sciences sociales en 1991[1], « consultante sociologue » spécialiste des crises et des risques naturels et technologiques, écrivit à l’origine cet article en 2003, et l’article resta inédit dans ses papiers jusqu’aujourd’hui, où elle a bien voulu accepter de l’offrir aux lecteurs du Porche. On lui doit notamment : Les Enjeux de l’autonomie et, en collaboration avec Jean-Pierre Galland, Prévenir les risques : de quoi les experts sont-ils responsables ?[2] Elle a préfacé et postfacé la traduction de Rudolf Hœss Le commandant d’Auschwitz parle[3]. Qu’on ne nous dise pas que tous les péguistes sont des littéraires…

Lena Jakubčáková vient de soutenir devant l’Université de Prešov, où elle est chargée de cours à l’Institut de traduction et d’interprétation, une thèse sur Les Traductions de la poésie spirituelle et des poètes des « mondes imaginaires » (Jammes, Péguy, Michaux, Bonnefoy) sous la direction du professeur Anna Valcerová. Elle se passionne pour la photographie, principalement documentaire, et vient de consacrer une exposition personnelle à la vie des prisonniers ; mais elle se définit volontiers comme péguiste, et voici ce qu’elle nous écrit :

 

Péguy est pour moi quelque chose de sacré, je l’ai découvert vraiment ou plus profondément quand j’ai trouvé une traduction slovaque de son Mystère des saints Innocents, publiée en 2004, dans une librairie chrétienne de ma ville, Kosice. C’est sa première œuvre intégralement traduite en slovaque. Après quelques pages lues dans le bus commença une belle aventure spirituelle, avec quelques petites larmes dans les yeux... Malgré les devoirs académiques, universitaires autour de la préparation de ma thèse, je suis heureuse d’avoir pu travailler avec des poètes que j’aime beaucoup : outre Jammes et Péguy, Henri Michaux et Yves Bonnefoy.

De Péguy j’admire surtout sa parole poétique, sa reprise des paraboles et d’autres thèmes chrétiens qui, d’après moi, deviennent, même s’ils sont actuels et quotidiens, étrangers à beaucoup de croyants. Ses images (les bateaux de prières), sa façon de bien distinguer le sens des mots, son interprétation du sens des prières (le Notre père, l’Ave Maria), ses petites observations et descriptions minutieuses de la nature, du miracle de l’amour, des vertus de Dieu, tout cela fait un style propre, vigoureux, qui tient de la certitude de Dieu, force et humilité à la fois...

 

Deux parties des actes du colloque qui s’est tenu en 2005 à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg ont déjà paru : celle consacrée à Charles Péguy et l’autre consacrée à Paul Claudel. Restait à honorer Jeanne d’Arc et d’autres aspects du grand sujet qu’était « Le poète et la Bible ». On n’oubliera pas de remercier Yves Avril d’avoir assuré la traduction sinon l’adaptation en français des communications fournies originellement en russe.

Nos lecteurs liront ensuite trois poèmes qui nous viennent d’assez loin, dans le temps avec un sonnet qui date au plus tard du XVIIe siècle, dans l’espace avec la Finlande et la République d’Oudmourtie. C’est Jean-Luc Moreau et Osmo Pekonen qui nous ont transmis les deux derniers.

La rubrique des comptes rendus ne désemplit pas, même si deux ouvrages recensés remontent à 2005. La réédition par Roger Dadoun de Marcel. Premier dialogue de la cité harmonieuse de Péguy me sembla devoir être signalée dans ce numéro, puisque Geneviève Decrop y étudiait Marcel. Au titre des (ré)éditions de Péguy figure aussi L’Argent, thème décidément en vogue, si l’on fait le rapprochement avec le livre de Jacques Julliard L’Argent, Dieu et le Diable (Flammarion, 2008), où sont confrontés Péguy, Bernanos et Claudel. Mais nous recommandons particulièrement la lecture de la biographie d’Arnaud Teyssier, qui ne manque pas de mentionner d’ailleurs notre association :

 

« L’Amitié Charles Péguy », dont l’activisme ne s’est jamais relâché, organise, année après année, des rencontres ou des colloques sur les aspects les plus variés de l’œuvre. Il existe aussi une « Association des amis de Jeanne d’Arc et de Charles Péguy » qui édite un bulletin, Le Porche, et entretient des liens spécifiques avec la Russie, la Pologne, la Finlande. Elle est à l’origine d’un centre « Jeanne d’Arc – Charles Péguy » à Saint-Pétersbourg, où elle a organisé un récital de poésies de l’écrivain en 2006. L’universitaire Robert Burac, qui a édité Péguy dans la Pléiade et lui a consacré une biographie, a légué sa bibliothèque à l’association.[4]

 

Nous donnons ensuite un large extrait des L.D.T. de Jean Michel Adventus[5] gracieusement offert par l’auteur et les éditions Bartillat aux lecteurs du Porche. C’est Yves Avril qui a, jusque dans les rayonnages des librairies, le flair infaillible du péguiste qui ouvre un livre au hasard et tombe sur le nom du poète que vous savez. L.D.T. ? Comprendre : Leçons de ténèbres pour le repos des petites souris. Ce roman au titre aussi mystique que mystificateur[6] raconte la vie d’un écrivain, Ferdinand, prénom qui n’est pas sans rappeler le Voyage au bout de la nuit. Fin observateur de la fin de siècle que nous venons de traverser, ce Ferdinand grandit en Normandie, s’engagea dans les courants gauchistes des années 1960. Sa vie, d’ailleurs censément écrite au milieu de notre XXIe siècle, permet à l’auteur d’évoquer divers grands sujets de société (les idéologies, la société de consommation, l’écologie...) et c’est à plusieurs reprises que l’ouvrage tourne à l’essai. Tant que Charles Péguy n’est pas oublié, nous n’y trouvons rien à redire.

Le travail de l’Association ne se limite pas au bulletin.

Nous préparons en ce moment, avec l’aide du Centre Jeanne d’Arc et de la Ville d’Orléans, le prochain colloque de l’Association, le troisième colloque français de l’Association après Orléans en 2001 et Lyon en 2004. Il sera consacré à « Jeanne d’Arc en littérature ». Son sous-titre, « prose, poésie, théâtre », ne le restreint à aucun genre et il aura lieu à Orléans, pendant les fêtes johanniques, du 6 au 10 mai 2009. Tous les lecteurs du Porche sont invités à diffuser largement son annonce, à venir y assister bien entendu, éventuellement à proposer leurs idées de communications. Il suffit pour cela de nous faire parvenir, à Yves Avril ou à moi-même, avant le 31 décembre 2008, votre suggestion d’exposé. Nous répondrons avant le 31 janvier 2009 aux propositions de communication. Il y aura de nombreux participants étrangers, c’est ce que nous ont annoncé d’ores et déjà le centre « Europe de l’Espérance » de Varsovie (Pologne) et le « Centre Charles-Péguy » de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg (Russie). Que ceux qui ne pourront venir assister au colloque se rassurent : les Actes du colloque paraîtront dans Le Porche.

Ajoutons au titre des bonnes nouvelles qu’un volumineux lot de livres, actuellement stocké à Orléans, devrait bientôt enrichir les rayons de la bibliothèque du centre « Europe de l’Espérance » de Varsovie (Pologne), conformément à l’une des vocations premières de notre Association.

La rédaction du Porche souhaite à tous ses lecteurs de bonnes fêtes à l’occasion de la fin de l’année 2008.

Bonne lecture !

 

Romain Vaissermann

 



[1] Sa thèse fut publiée sous le titre Des camps au génocide : la politique de l’impensable, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1995.

[2] Respectivement : Grenoble, Peuple et culture de l’Isère, 1984 ; La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1998.

[3] La Découverte, 1995.

[4] Arnaud Teyssier, Charles Péguy, une humanité française, Perrin, 2008, p. 13 ; nous avons simplement fait passer dans le corps du texte le contenu d’une note au mot « Finlande » : « Elle est à l’origine… »

[5] Bartillat, 2001, pp. 212-216. Jean Michel Adventus est né en 1963 à Carthage. Il a publié après les L.D.T. et toujours chez Bartillat le roman Adulesco ou La Maladie de la vie, en 2002.

[6] Jean Michel Adventus renvoie à la liturgie des Leçons de ténèbres et peut-être particulièrement aux Leçons de ténèbres pour le Mercredi Saint écrites par François Couperin (1714). – Les muridés font plusieurs apparitions dans l’ouvrage.