Éditorial
Nous avons la joie de relayer ci-après l’annonce
d’un prochain recueil d’études consacrées à Jeanne d’Arc, sans oublier que 2010
est l’année de la Russie en France et de la France en Russie, deux raisons de
se réjouir et de découvrir, de mieux connaître et d’apprécier l’histoire, la
culture, l’économie et les réalités contemporaines de l’autre pays.
Parmi les manifestations de cette saison, de quoi donner des
idées d’études à de nombreux chercheurs, se
distinguent les lectures proposées par le Musée d’art et d’histoire du
judaïsme, qui ont commencé en beauté le 10 janvier 2010 avec des
extraits de divers auteurs : Elsa Triolet, Joseph Kessel, Nathalie Sarraute, Irène
Némirovsky, Romain Gary et Zoé Oldenbourg, réunis sous le thème « Naître en Russie, écrire en français ».
Deux jours après
mourait à Paris, à l’âge de 63 ans, Daniel Bensaïd, l’un des fondateurs
de la Jeunesse communiste révolutionnaire (1966), de la Ligue communiste
révolutionnaire (1969) puis du Nouveau Parti anticapitaliste (2009).
Professeur de philosophie à l’Université de
Paris-VIII, animateur de la revue Contretemps, lecteur de Musset, de
Proust et de Bernanos, passionné par la Révolution française, il se présentait
comme un « hussard rouge de
la République ». On comprend qu’il avait une lecture
orientée de notre auteur de prédilection. Et il fallait un certain courage
idéologique pour associer la lutte des classes à des figures délaissées par les
internationalistes : par Walter Benjamin[1] il vint à Charles Péguy et, par Péguy apparemment,
à Jeanne d’Arc. Tous les réfractaires à la fatalité sont par lui appelés à la
rescousse et sa fidélité aux « vaincus »
d’autrefois, conçue comme un premier pas vers la justice à venir, le rapproche
de Péguy.
Pour comprendre la lecture de
Péguy par Daniel Bensaïd, on lira
« L’inglorieux vertical », explication parue dans le Bulletin de
l’Amitié Charles-Péguy[2]. Cet article reprend et développe une
intervention à un colloque organisé par Esprit et l’Amitié Charles Péguy
le 16 mai 1992, au Centre Sèvres. Il fut repris dans La Discordance des temps. Essais sur
les crises, les classes, l’histoire,
en tant que
chapitre 9 : « L’inglorieux
vertical — Péguy critique de la Raison historique »[3]. Péguy fut encore évoqué dans un entretien avec
Philippe Petit publié dans l’Éloge de la résistance à l’air du temps[4]. Daniel Bensaïd prit même à l’occasion le style
de Péguy, comme cela ressort de son article « Un nouveau théologien,
M. Furet », écrit en 1994[5].
Quant au livre de Daniel Bensaïd sur Jeanne, Jeanne
de guerre lasse[6], il parut dans une collection dirigée par Edwy
Plenel, compagnon de Bensaïd à la L.C.R. Ce livre, où Bensaïd écoute la voix de
Jeanne pendant vingt-trois jours, fait assaut d’érudition, citant aussi bien
René Char que Clovis Hugues, en passant par Michelet ou Joseph Delteil. La
Pucelle devient, dans cette interprétation, une héroïne populaire,
anticléricale et féministe.
Daniel Bensaïd est revenu sur Jeanne dans un
article plus récent, « Il y a 580 ans, la naissance d’un mythe –
Jeanne la revenante », paru en mai 2009[7]. Nous remercions
chaleureusement Alternative libertaire et Sophie Oudin-Bensaïd de nous avoir autorisé à
la reprendre dans le présent Porche. Nous n’avons pas manqué d’y joindre
la chronologie associée, au ton tout aussi militant et dont nous pouvons
regretter qu’elle s’arrête en 1920, passant donc sous silence la bataille entre
le Front Populaire et l’extrême droite pour la récupération de la
« Pucelle » dans les années 1930, tout comme l’époque du régime de
Vichy, qui fit de Jeanne l’héroïne de la résistance à l’Anglais.
Puisque nous en sommes aux remerciements, il faut
remarquer que nous publions ici la suite et la fin des Actes du colloque
d’Orléans : les conférenciers ont fourni leur exposé à temps ; mieux,
à leurs voix, des invités empêchés ont pu joindre leur propre texte. Quant au
jeune compositeur ayant composé en l’honneur de Jeanne d’Arc une œuvre musicale
créée le 6 mai 2009 au Centre Charles-Péguy d’Orléans, son livret figurera dans
un numéro ultérieur.
Un index des articles parus dans le Porche
dans les années 1996-2010 vient se substituer au précédent catalogue
(1996-2004), revu et corrigé en de nombreux points ; notamment, la version
présente recense pour la première fois les illustrations et avec plus de
précision les poèmes publiés dans notre revue.
Nos adhérents trouveront à la fin du présent
numéro la convocation à l’Assemblée générale 2010, qui aura lieu au siège
social de notre association : venez-y en prévenant de votre venue ou
veillez à envoyer vos bons pour pouvoir à qui vous représentera ! Vous
pouvez aussi réadhérer à l’association grâce à la même page, à découper.
Rappelons ici que la cotisation annuelle comprend l’adhésion à l’association et
l’abonnement au Porche.
Deux réparations d’oublis concluent aussi ce numéro :
des poésies de Victor de Laprade, qui ne figurent pas, et c’est une
injustice, dans la récente anthologie Jeanne d’Arc, la voix des poètes ;
le faire-part du colloque johannique qui a clos de belle et bonne façon l’année
du centenaire de la béatification de Jeanne d’Arc. L’avantage des oublis est
qu’ils peuvent se réparer.
Excellente lecture à tous.
Romain
Vaissermann, président du « Porche »
PS : Au moment de mettre sous presse, il apparaît que la taille
exceptionnelle de ce numéro impose de rogner la marge extérieure des pages
centrales. Que nos lecteurs à l’œil avisé veuillent bien excuser la gêne ainsi
occasionnée.
[1] Daniel
Bensaïd, Walter Benjamin, la sentinelle messianique, Plon, 1990.
[2] BACP
60, octobre-décembre 1992, pp. 208-228.
[3] D.
Bensaïd, La Discordance des temps. Essais sur
les crises, les classes, l’histoire, Éditions de la Passion, 1995, troisième partie : « Histoire fins et
suites », pp. 188-206.
[4] D.
Bensaïd, Éloge de la résistance à l’air du temps, Textuel, 1999 ;
en a rendu compte le Bulletin de l’Amitié Charles-Péguy n° 88,
octobre-décembre 1999, pp. 468-470.
[5] D.
Bensaïd, Qui est le juge ? Pour en finir avec le tribunal de l’Histoire,
Fayard, 1999, pp. 162-174.
[6]
Gallimard, « Au vif du sujet », 1991.
[7] Paru
dans Alternative libertaire, n° 184, mai 2009 ; www.alternativelibertaire.org/spip.php?article2921.