Éditorial

 

Qu’il semble loin, le temps où nous recensions des articles russes succincts, à l’affût que nous étions des moindres traces témoignant de la connaissance ou de la reconnaissance en Union soviétique de l’importance de l’œuvre de Charles Péguy ! C’est avec cette pensée que j’ai retrouvé il y a peu un de ces brefs articles, extrait du Dictionnaire encyclopédique en deux volumes paru sous la direction de l’Académicien Boris Alexeïévitch Vvédenski aux éditions de l’Encyclopédie soviétique[1] :

 

PÉGUY, Charles Pierre (1873-1914), poète et journaliste français. Éditeur-fondateur des recueils périodiques Les Cahiers de la quinzaine (1900-1914), auxquels collaborèrent Romain Rolland et Anatole France. Ses articles, le drame dialogué Le Mystère de Jeanne d’Arc (1910), les recueils poétiques Tapisserie de Notre-Dame (1913) et Ève (1913), expriment des vues pacifistes en même temps que nationalistes et mystiques.

 

On trouvera justement dans le présent Porche, au cœur d’un dense dossier critique, des études récentes consacrées à la question de la Nation et de la mystique chez Péguy. C’est avec plaisir que nous voyons ainsi nombre de nouveaux auteurs faire leur entrée sous notre Porche.

Est ensuite regroupé tout un lot de créations poétiques et musicales, d’inspiration johanniste, qui annonce le recueil de poésies que nos amis offrent au Porche à la fin de ce numéro.

Le lecteur pourra donc constater que, au-delà des transformations formelles, le Porche n’a pas changé. Espérons que, moins artisanal peut-être, il sera désormais plus facile à ranger dans les rayons de nos bibliothèques !

La bonne facture du volume que vous tenez dans les mains est due à un imprimeur aurillacois connu pour ses bons et loyaux services rendus au péguisme, à savoir « Albedia Imprimeurs », qui édite aujourd’hui le Bulletin de l’Amitié Charles-Péguy et qui édita autrefois nombre d’ouvrages et de revues péguistes sous le nom d’« Imprimerie Gerbert ».

Vous vous souvenez peut-être de la première couverture, qui représenta, dans les numéros 1 à 9 du Porche, la fameuse statue du « Cavalier de bronze », hommage de Catherine II à Pierre le Grand, au-dessus des deux drapeaux russe et français, et entre les signatures de nos deux figures tutélaires. En 2002 notre revue avait changé de nom et de couverture, accroissant de deux à quatre le nombre des drapeaux mobilisés, pour honorer Pologne et Finlande autour de la cathédrale Notre-Dame de Chartres. À cette couverture conçue par Joseph Meyer pour le format A4, et qui a couvert les numéros 10 à 33, devait succéder une couverture bien plus petite ; nous avons fait pour le mieux avec les moyens du bord. Les drapeaux, plutôt de s’accroître encore, ont disparu et, sous les deux signatures conservées, la cathédrale a laissé place aux trois portails du narthex de l’église de Vézelay, selon le dessin de Viollet-le-Duc.

Pourquoi Vézelay ? Jeanne d’Arc n’a pas foulé le sol de Vézelay, passant plus au nord, même si l’étude historique d’Aimé Chérest sur Vézelay[2], évasive, salue son passage dans la région :

 

Lorsque l’héroïque jeune fille traversa nos contrées avec l’armée royale, pour conduire Charles VII à Reims, elle ne rencontra sur sa route aucune résistance sérieuse. De Gien à Auxerre, personne ne s’oppose à son passage : Auxerre parlemente, Saint-Florentin ouvre ses portes, Troyes se décide à capituler. Les capitaines bourguignons, à la tête de troupes nombreuses, surveillent cette marche triomphale sans oser l’inquiéter, et se contentent de maintenir en respect les populations fascinées par ce prodigieux spectacle.

 

Et si Vézelay n’a guère d’importance dans l’œuvre de Péguy, en dépit d’un passage du Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle : « Cîteaux, Cluny, Vézelay, les trois reines »[3], c’est tout de même dans la solitude de ce haut lieu de la spiritualité que Romain Rolland écrivit son livre testament : son Péguy de 1944.

Mais la juste célébrité de ce porche intérieur et son dessin sobre (et libre de droits !) nous a décidés à choisir Vézelay pour illustrer le nom de « Porche »… N’hésitez pas, néanmoins, à nous faire part de toute remarque utile à l’amélioration de notre bulletin, qui devient presque livre.

Au titre des peines que connaît notre association, il vous suffira de tourner cette page.

Au titre des joies, signalons que Lioudmila Chvédova a récemment été nommée maître de conférences en langue et littérature russes contemporaines à l’université de Nancy-II, en des terres lorraines d’où il est certain qu’elle pourra à loisir propager la bonne connaissance de Charles Péguy non moins que celle de Jeanne d’Arc.

En attendant de vous retrouver à l’occasion de notre Assemblée générale du samedi 14 mai 2011 à 14 heures, annoncée page 5 ci-après, je vous souhaite à tous une bonne lecture de ce numéro.

 

Romain Vaissermann

Président du « Porche »

 

 

 

NB : Ont paru en 2010 dans la « Bibliothèque finno-ougrienne » de L’Harmattan les actes d’un colloque organisé par l’Association pour le développement des études finno-ougriennes, qui s’est tenu à Paris en novembre 2009 : Les Komis. Questions d'histoire et de culture, sous la direction d’Éva Toulouze et Sébastien Cagnoli. Nous y retrouvons deux contributions d’auteurs publiés au Porche : « Ivan Kuratov » par Yves Avril et « Un opéra national komi au XXIe siècle » par Sébastien Cagnoli, pour notre plaisir autant que pour notre instruction.



[1] Moscou, 1963-1964, t. II, p. 178. Nous traduisons.

[2] Imp. de Gustave Perriquet, 1868, p. 285.

[3] C 636.